Un vraquier, affrété à temps puis sous-affrété au voyage, a chargé une cargaison complète de riz en sacs en décembre en Chine du nord pour déchargement dans 2 ports d’Afrique Occidentale. 3 connaissements (Congenbill) nets de réserves ont été émis sur lesquels figurait le nom de l’armateur principal comme transporteur. À l’arrivée au second port, d’importantes avaries furent constatées; elles étaient dues à la moisissure engendrée par la condensation provenant de la différence de température aux ports de chargement et déchargement. À l’issue de l’escale, pour éviter la saisie du navire, le P&I Club remit une LOI aux intérêts cargaison attribuant compétence à la CAMP. Le Tribunal se déclara compétent et définit le cadre contractuel comme étant les connaissements et le cadre légal la Convention de Bruxelles (non modifiée) de 1924 pour le fond, et la loi française pour la procédure.
Le Tribunal déclara ensuite que les assureurs avaient qualité et intérêt à agir et que, subrogés dans les droits du réceptionnaire, leur demande était recevable. Le vice propre, défini comme la propension naturelle de la chose à se détériorer sous l’effet d’un transport normal, "c’est-à-dire dont les conditions sont normales dans les circonstances considérées", ne fut pas retenu. il appartenait au transporteur de prouver le vice propre, et, en cas de doute, il est de jurisprudence constante que ce dernier ne peut-être retenu. Les éléments de fait ne permirent pas de retenir l’hypothèse d’un vice propre de la marchandise à raison de son âge ou du taux d’humidité. Il en fut de même concernant le froid. La nature du riz ne pouvait s’altérer, se détériorer ou se dégrader sous la seule influence d’une température basse courante, au demeurant connue du transporteur. La condensation résultant du voyage contractuel étant un élément naturel du transport maritime, c’était au transporteur de s’en prémunir. La présence de deux rapports d’expertise techniquement fondés et se contredisant, confirmait de plus fort que la preuve du vice propre n’était pas rapportée.
Le tribunal releva que le capitaine ne s’était pas préoccupé des particularités du voyage (déchargement en zone tropicale après chargement en pays froid), ni ne s’était inquiété de la nécessité ou pas d’apporter d’éventuels soins spécifiques à cette cargaison, ni n’avait sollicité d’instructions adéquates à cet effet auprès de son armateur et auprès de l’armateur disposant, ni n’avait envisagé qu’il pourrait être, à tel moment du voyage, dans une situation anormale. Ces interrogations n’ont pas non plus inquiété les services opérations de l’armateur ni de l’armateur disposant. Le tribunal constata également qu’aucune solution appropriée n’avait été offerte quant aux soins à prodiguer à cette cargaison spécifique. Il appartenait à l’armateur et au Capitaine, dès qu’ils ont été informés du projet de voyage, de donner l’alerte, ce qui aurait permis, éventuellement avec l’aide d’experts, d’évaluer correctement le risque, de se rendre compte du danger encouru par la cargaison et d’éviter ultérieurement des avaries importantes en concluant à l’inaptitude du navire à effectuer le transport requis. Selon Rodière: "La navigabilité est moins une qualité objective du navire que le produit des diligences du fréteur." Le transporteur, pour effectuer le voyage contractuel, se devait de répondre aux exigences de la Convention de Bruxelles. Il devait principalement mettre le navire en état de navigabilité nautique et commerciale, et c’était une obligation essentielle. Le transporteur devait convenablement équiper le navire et rendre appropriées les cales où sont chargées les marchandises pour leur transport et conservation. Soit la ventilation était requise, et alors les moyens structurels du navire étaient insuffisants. Soit il ne fallait pas ventiler et l’absolue évidence décrite a posteriori, par les experts de l’inéluctabilité des avaries, aurait dû conduire à ne pas prendre en charge cette cargaison. Le tribunal décida que le transporteur était en défaut de son obligation de mise en état de navigabilité du navire pour le voyage particulier. Il rejoignait ainsi la décision de la Cour d’appel de Versailles (navire "Rakke") préconisant le refus de prise en charge d’une cargaison lorsqu’il y a impossibilité de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires afin qu’elle parvienne sans dommage à son destinataire.
En conclusion, la responsabilité du transporteur a été retenue. L’inexécution fautive par le transporteur de son obligation essentielle ouvrait alors droit à réparation au profit des assureurs subrogés pour tous les dommages prouvés, conséquence immédiate et directe de sa défaillance. Il importait peu que les avaries aient été constatées, pour une partie à bord avant le déchargement, pour une autre partie à terre après le déchargement. Le fait générateur restait l’innavigabilité du navire au départ et l’impossibilité de mettre en œuvre les moyens adéquats au transport contractuel.
Concernant le quantum, le tribunal a fait usage de son pouvoir d’appréciation conformément à l’article 1496 du NCPC. En effet, l’existence du dommage était certaine, mais la preuve de son étendue n‘était pas apportée d’une manière incontestable.