Investir une partie des gains des armateurs dans le recrutement de navigants

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À la mi-juillet, le North of England prévenait les compagnies maritimes (dont certaines sont ses adhérents, donc ses "principaux"): le transport maritime est sur le point d’être submergé par le flot galopant de l’inexpérience. "Si l’industrie ne réinvestit pas une part plus importante de ses bénéfices générés par l’actuelle croissance, dans le recrutement et la formation des jeunes navigants, le niveau des réclamations, déjà en croissance, atteindra prochainement un stade critique" souligne Rodney Eccleston, directeur général du P&I.

"Le manque de navigants expérimentés que nous avions anticipé est maintenant une réalité", ajoute-t-il. "Il n’y a tout simplement plus assez de marins expérimentés pour armer correctement une flotte mondiale toujours plus importante ou pour fournir à terre les capacités d’expertise nécessaires." Le niveau historique des réclamations enregistrées au cours du dernier exercice reflète le manque d’expérience que l’on trouve souvent à bord des navires, aujourd’hui. Dans son rapport annuel portant sur 2006, le P&I note que des incidents mineurs se sont transformés en accidents graves simplement parce que les procédures élémentaires n’avaient pas été respectées ou que le simple bon sens avait fait défaut.

"Ces dernières années, nous avons constaté deux choses: des marchés de fret très porteurs et une réduction significative des temps de navigation nécessaires pour obtenir son brevet", poursuit le directeur du P&I Club. "La formation des navigants est maintenant tellement concentrée sur le respect des procédures d’exploitation du navire que lorsqu’un incident survient pour lequel il n’y a pas de procédure, l’équipage n’a pas toujours la formation, l’expérience ou l’initiative nécessaire pour réfléchir par lui-même."

De récents litiges laissent penser que le manque de navigants a également un effet dommageable sur le nombre, l’expérience, la compétence des superintendants et autres professionnels sédentaires indispensables à une saine exploitation des navires.

"Dans le monde entier, armateurs et opérateurs engrangent les résultats financiers de la forte croissance", poursuit Rodney Eccleston ajoutant "qu’il est temps de reverser au pot, non pas en termes d’augmentation de salaire, mais en investissant pour le futur. Les armateurs doivent investir dans les écoles, dans le recrutement. Ils doivent également encourager les jeunes à envisager une carrière de navigant. Tout cela est nécessaire si nous voulons avoir les équipages dont nous aurons besoin pour construire notre futur. Toute l’industrie doit s’unir et travailler dans ce but."

LE VRAI DÉFI: CRÉER LA "SEAFARER PRIDE"

Cependant, le représentant du P&I soulignait que la solution du problème de recrutement ne passe pas uniquement par l’ouverture de nouvelles capacités de formation ou des incitations financières: "Le véritable défi est d’attirer des professionnels de bon calibre qui seront fiers de leur métier et auront le sens des responsabilités. Si nous arrivons à cela, alors peut-être l’industrie sera-t-elle capable de rétablir le respect social du à ceux qui acceptent de quitter leurs foyers durant plusieurs mois pour faire tourner des navires complexes et chers dans des conditions souvent hostiles. Nous devons créer un environnement professionnel qui encourage les jeunes à travailler en mer, non pas parce qu’il s’agit d’un métier, mais parce que cela ouvre une carrière professionnelle respectable, dont on peut être fier et qui permet d’atteindre de bonnes rémunérations en mer comme à terre", concluait le directeur général. Il semble donc mettre sévèrement en cause les normes STCW 95 de formation des navigants et surtout leurs conséquences pratiques. En outre, ces critiques ne viennent pas de représentants de syndicats, de navigants, de journalistes ou de personnalités politiques, mais d’une mutuelle d’assurance qui compte plus de 310 membres (dont MSC, Hamburg Süd, Louis Dreyfus Armateurs ou Zodiac Maritime). Ces derniers exploitent plus de 3000 navires représentant environ 70 millions de tjb. Cette médiatisation contrastée devrait "interpeller" et l’industrie et les États qu’ils soient d’immatriculation, côtiers ou plus concernés par la formation. Il ne suffit pas/plus d’être uniquement "added value focused" ou "share-holder minded".

Les pilotes sont souvent perfectibles

Le rapport annuel 2006 du North of England P&I Club (NE P&I C) enregistre également le nombre croissant de réclamations faisant suite à des avaries alors que le pilote était à bord. “Souvent, ces pilotes étaient mal formés, peu qualifiés ou insuffisamment certifiés. Le manque de standards internationaux applicables aux pilotes combiné à leur très faible plafond de responsabilité font courir des risques énormes aux transporteurs maritimes et à leur P&I Clubs”, souligne Bill Thomson, président du NE P&I C et représentant Edinburgh Tankers PLC. “Ainsi, un navire avec un pilote en passerelle peut causer pour plusieurs millions de dollars de dommage à un quai alors que la responsabilité du pilote ne sera, dans la plupart des cas, que quelques centaines de dollars. Cependant, les compagnies n’ont pas le choix: dans la majorité des ports dans le monde, le pilotage est obligatoire, intervenant durant les phases les plus dangereuses d’un voyage c’est-à-dire à l’entrée et à la sortie du port. Nous continuerons à agir pour augmenter le niveau de formation des pilotes et pour que soit définie une norme internationale de formation initiale. Nous pensons que les pilotes doivent être tenus pour responsable de leurs actes.

M.N.

Après l’aérien, le maritime?

Certains se souviendront peut-être qu’il y a une vingtaine d’années, les compagnies aériennes, incapables de prévoir l’envolée rapide de la demande de transport de passagers, s’étaient livrées à de curieuses contorsions pour trouver des apprentis pilotes de ligne et les former le plus rapidement possible. Ce fut une belle époque pour certains élèves officiers de la marine marchande qui furent sollicités pour rallier une profession infiniment mieux payée et considérée. Deux décennies plus tard, le scénario se répète si l’on en croit une dépêche d’Associated Press du 31 juillet. “Les pilotes sont attirés vers les compagnies en croissance rapide par exemple aux Émirats et au Qatar et par les compagnies à bas coût, souligne William Voss, directeur de la fondation pour la sécurité des vols. Résultat: des pilotes expérimentés des pays en développement d’Asie et d’Afrique partent en nombre vers des régions comme le Golfe et leurs pays d’origine n’ont d’autre choix que de recruter des pilotes fraîchement sortis des écoles de pilotage. […] La compagnie Brussels Airlines a récemment affirmé perdre en moyenne chaque mois dix commandants de bord attirés par des compagnies du Golfe, et a demandé l’intervention du gouvernement belge. Aux États-Unis, les compagnies régionales recrutent des copilotes beaucoup moins expérimentés qu’il y a quinze ans. Pour certaines, comme la Northwest, la pénurie a conduit à un nombre record d’annulations de vols ces derniers mois.” La gestion provisionnelle des ressources humaines reste à inventer, d’autant plus que ces ressources nécessitent une formation initiale longue.

M.N.

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