Tanger Med, hub méditerranéen par excellence

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Nous venons d’arrimer physiquement le Maroc à l’Europe", a déclaré le Premier ministre marocain, Driss Jettou, le 27 juillet. "Nous allons méditerranéiser le Maroc", a enchaîné Fathalla Oualalou, ministre des Finances. Après un investissement de 160 M€, la totalité des 800 m de quai d’APM ne sera opérationnel qu’en octobre, mais le premier navire chargé de conteneurs pleins est attendu pour septembre. Un terminal dont APM a obtenu la concession pour 30 ans.

Au final, Tanger Med comptera 1 600 m de quai, après la mise en service de la seconde tranche l’an prochain, avec une capacité annuelle de 3,5 MEVP, auxquels s’ajoutent un terminal roulier-passagers (sept millions de passagers et 500 000 camions), un terminal pétrolier et un terminal céréalier. Coût total du projet: 1,4 Md€, infrastructures comprises. L’Agence spéciale Tanger Med (TMSA), en charge de sa réalisation, aura largement tenu les délais.

UN TERMINAL ADAPTÉ AUX NAVIRES DU FUTUR

Ce nouveau port en eau profonde est voué au transbordement. Situé sur le détroit de Gibraltar, à l’intersection des grandes routes maritimes Est-Ouest et Nord-Sud, il voit passer 200 navires par jour. Avec un temps d’approche de 45 mn à 90 mn maximum et ses 16 m de tirant d’eau (18 m par endroits), "il pourra même accueillir les navires qui seront construits dans l’avenir, puisque les plus grands d’entre eux ont actuellement un tirant d’eau de 15,5 m", précise Étienne Rocher, directeur d’APM Terminals Tanger. Les navires de la série Emma d’AP Møller Mærsk (397 m de long, 56 m de large, avec une capacité de 11 000 EVP) peuvent donc y faire escale sans la moindre difficulté. Un avantage technique qui permet aussi de réduire les coûts. C’est là que tout va se jouer.

Le trafic mondial de conteneurs augmentant en effet de plus de 10 % par an, l’enjeu maritime de demain, ne concerne pas les tonnages, mais les terminaux où ces derniers seront traités.

"Le navire qui charge à Singapour entre dans une politique d’optimisation par la taille et la rapidité. Et c’est cela qui détermine sa route", explique Taoufik Bengebara, président du comité de pilotage Tanger Med-Afrique de l’Ouest. Présent déjà sur le port d’Algésiras, Mærsk a créé l’axe direct Singapour/Algésiras (17 jours de transit time), permettant de desservir par transbordement les ports de l’Afrique de l’Ouest et de la péninsule Ibérique. "Il s’agit d’une équation purement industrielle. Mais cette stratégie a permis à Mærsk de capter les flux Chine/Afrique et Chine/Ouest Med (Malaga-Bilbao), lui donnant une bonne longueur d’avance sur les concurrents. Pris de court, ces derniers ont cherché à suivre le modèle et à se trouver une place sur Gibraltar", ajoute Taoufik Bengebara.

Fort de son positionnement exceptionnel, Tanger Med ne pouvait pas tomber mieux. L’attribution à AP-Møller Mærsk du premier terminal a renforcé la position de la compagnie, qui fermait quasiment le détroit. La bataille qui a suivi autour du second terminal a été rude pour une concession revenue finalement au consortium Eurogate-Contship, CMA CGM (français), Comanav (marocain, racheté depuis par CMA CGM) et MSC (suisse).

L’extension lancée à Isla Verde par Algésiras, le port concurrent situé à 14 km à peine, ne devrait pas gêner l’activité du nouveau complexe, malgré la capacité de 4,5 millions de conteneurs qu’elle ajoutera au port espagnol. Selon les calculs d’APM, le volume de conteneurs devrait en effet doubler d’ici à 2014. Le nouveau complexe aura pour effet de désengorger Algésiras et Casablanca et de permettre aux armateurs de gagner en transit time sur l’ensemble des ports.

TROIS ZONES FRANCHES SUPPLÉMENTAIRES

"Contrairement à Casablanca, devenu essentiellement un port d’importation, le hub d’éclatement de Tanger Med peut fonctionner sans relation avec le marché marocain et trouvera son équilibre économique de toutes les façons", s’enthousiasme Jean-Luc Martinet, président de la Chambre française de commerce et d’industrie au Maroc. "Plus il y aura de navires, avec des prix compétitifs et une mutualisation des équipements, plus il sera facile aux entreprises étrangères de venir produire au Maroc à bas prix pour exporter à travers le monde. Cela va entraîner tout le développement du nord du pays." Un argument d’autant plus pertinent qu’outre l’actuelle Tanger Free Zone (TFZ), ce projet intégré comprend trois zones franches supplémentaires (logistique, commerciale et industrielle), reliées aux réseaux routiers et de chemin de fer.

"Les accords de libreéchange signés avec l’UE et les États-Unis permettront d’exporter avec le label Maroc à partir de ces trois zones pratiquement sans droits de douane", explique pour sa part Youssef Bencheqroun, de TMSA, qui ajoute que "la notion de zone franche devient une denrée rare dans le monde. En Europe, vous n’en trouvez quasiment plus de disponible".

C’est la zone logistique de 130 ha, accolée aux quais et opérée en partenariat avec l’émirati Jafza qui ouvrira la première, début 2008. Les marchandises de régions lointaines pourront y être entreposées, conditionnées, puis renvoyées par feeders vers l’Afrique de l’Ouest ou réexportées en Europe par camion grâce au terminal roulier, "et ce, en une demiheure, avec le prix de l’Afrique, pas le prix européen", ajoute Youssef Bencheqroun. Les 600 ha de zone industrielle seront opérationnels à Melloussa (à 15 km à l’Est de Tanger) début 2009 et mettront l’accent sur les secteurs pour lesquels le Maroc possède un avantage comparatif: équipement automobile, électronique, offshore, aéronautique. Plusieurs kilomètres à l’ouest, TFZ qui a déjà sept ans, est en plein boom. Ses 260 entreprises ont exporté pour 800 M$ en 2006 et créé au total 32 000 emplois. Le rythme des demandes d’agrément augmente tous les mois.

TANGER MED 2 EN VU

Mais ce n’est pas fini. Les autorités marocaines prévoient une saturation du port en 2015 et ont lancé un "Tanger Med 2" à quelques kilomètres. Il portera la capacité du complexe à plus de 8 MEVP d’ici à 2012, soit l’un des tout premiers ports de Méditerranée. TM2 coûtera 1,3 Md€ avec 2 800 m de quais, cédés en deux concessions: un terminal à conteneur dédié (1 600 m) et un terminal avec obligation de service public. Les appels à manifestation d’intérêt ont été lancés, et les premiers candidats recensés (dont Mærsk) pour une concession attribuée au 1er trimestre 2008. La compétition ne manquera pas d’être féroce pour contrer les opérateurs chinois, tenus en embuscade.

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