En août, les opérateurs fluviaux appliqueront aux chargeurs/ réceptionnaires des majorations pour retard. Depuis bien longtemps déjà, la navigation rhénane subit dans les ports de Rotterdam et d’Anvers de longs délais d’attente. Au cours des derniers mois, la situation s’est encore dégradée estiment les opérateurs fluviaux.
Actuellement, les navires fluviaux doivent attendre de 24 à 72 heures au terminal même s’ils se sont annoncés et présentés à l’heure prévue. Cela perturbe toute la chaîne de transport de l’unité fluviale. Ces contretemps coûtent très cher aux exploitants: environ un million d’euros lié aux coûts additionnels pour l’affrètement de navires supplémentaires et à diverses autres dépenses dans les terminaux et le réseau, déclare-t-on chez les principaux acteurs.
"La situation dans les ports maritimes n’est pas seulement la conséquence de la forte hausse du trafic conteneurs à laquelle le développement de l’infrastructure portuaire a, depuis déjà des années, bien du mal à faire face. Elle est aussi l’expression d’un rapport de force bénéficiant aux exploitants de terminaux. Ces derniers donnent la préférence aux navires de mer", regrette Werner Kühlkamp, expert pour les transports de l’industrie du Rhin inférieur et de la chambre de commerce de Duisbourg. "Il fut un temps où les navires effectuaient deux rotations complètes Rotterdam-Duisbourg par semaine. Aujourd’hui il est réaliste de ne compter qu’un trajet par semaine."
LE "TSUNAMI" CHINOIS DE LA FIN AOÛT
Selon Werner Kühlkamp, la situation pourrait encore fortement s’aggraver prochainement. En effet, à la suite de la hausse annoncée de la taxe à l’exportation de Chine, les chargeurs se sont efforcés de faire embarquer le plus grand nombre de conteneurs avant l’échéance du 1er juillet. Dans trois semaines environ, cette vague de conteneurs déferlera sur les ports européens où la situation déjà tendue s’aggravera, l’engorgement des congés d’été étant souvent la règle. Le problème est particulièrement sensible pour les transporteurs desservant le Rhin inférieur. Compte tenu de leurs courts délais de transport – environ 15 h pour Rotterdam et 20 h pour Anvers – les délais d’attente représentent un poids très important. Une nette réduction pourrait être possible avec un préavis systématique des navires fluviaux avant leur arrivée au terminal.
Pour Werner Kühlkamp, ce problème relève de la Commission européenne. "Si elle conviait à une rencontre loyale les chargeurs, les exploitants portuaires et les transporteurs fluviaux, des millions de perte actuels pourraient être évités."
ÉVITER LES MESURES À COURT TERME
L’Association allemande du transport de navigation intérieure (BDB) s’inquiète de l’évolution du transport par conteneurs dans les ports maritimes allemands. La profession avait déjà plusieurs fois tenté d’amener les manutentionnaires à prendre des mesures structurelles, mais cela avait seulement abouti à une amélioration passagère de la situation. "Compte tenu d’une croissance forte du transport international des conteneurs, la navigation intérieure doit aujourd’hui de nouveau prendre acte de ce que les mesures de court terme demeurent sans effet, dès lors que persiste le problème fondamental des insuffisantes capacités de manutention dans les ports", explique la BDB. Un début de solution pourrait être de poser le principe que le transport de navigation intérieure doit être en mesure d’assurer convenablement ses prestations.
Dégrader ses horaires pour passer plus de temps à quai
Le spécialiste en logistique conteneurisée, Contargo, s’est adapté aux conditions difficiles dans les ports maritimes en modifiant son horaire de la ligne Wörth-Anvers. Avec trois navires similaires de 500 EVP, il est possible de modifier la rotation de 7 à 10 jours. “Avec un temps de transport sur le Rhin analogue au précédent, nous disposons de nettement plus de temps dans les ports maritimes, ce qui est bon pour la prise en charge des conteneurs”, explique Heinrich Kerstgens, responsable du trafic conteneurisé à la direction de Contargo. L’entreprise doit tester cette nouvelle formule pendant quatre mois avant de prendre ou non, la décision de sa prolongation et de son éventuelle extension à Rotterdam.
Entre comportements et transports opportunistes
La thrombose des ports allemands fut abordée fin novembre 2006, lors du Forum des chargeurs européens tenu à Amsterdam. “Cela ne peut plus durer” en pleurait presque le représentant de Hambourg (JMM du 1-12-2006; p. 9): les ports maritimes et les terminaux intérieurs sont pleins; les moyens ferroviaires et fluviaux sont saturés. Après quatre ans de vaines tentatives de sensibilisation des réceptionnaires, ces derniers n’ont pas modifié leur comportement. En conséquence, l’autorité portuaire a réduit le temps de stationnement gratuit à quai ainsi que les autorisations d’y stocker les vides.
Un responsable d’un grand réceptionnaire de jouets répondait qu’il était incapable de traiter en quelques jours les 120 conteneurs qui étaient arrivés de Chinesur un seul navire. Les contraintes locales et celles liées à la saisonnalité des ventes l’empêchaient également de mieux planifier ses chargements. Donc de trois choses l’une ou un mélange des trois: régulation des comportements par les prix, notamment des prestations lors du passage portuaire, régulation confiée à un tiers à un niveau au moins européen compte tenu de l’incapacité du marché à trouver un équilibre ou prise en charge des dysfonctionnements par la collectivité nationale, voire européenne
Autre sujet de perplexité: après les transports routiers “opportunistes”, leur équivalent maritime. Il y a une dizaine d’années, était “dénoncée” l’organisation de production d’un grand faiseur de l’industrie alimentaire: des pommes de terre produites dans le nord de l’Europe étaient transportées en Espagne par camion pour y être lavées et coupées puis remontaient au nord pour y être congelées. Dans le maritime, l’auteur du livre “Le grand bazar” (sorti en octobre 2005 chez Bourin Editeurs; ISBN 2-84941-027-6) explique que les flacons vides du parfum Burberry sont expédiés à Shanghai pour y être décorés puis retournent en France pour y être emballés (JMM du 10-2- 2006; p. 6). On se doute bien que ni les transporteurs maritimes ni les commissionnaires de transport ne vont se plaindre de ce type de transport que personne, du moins en France, ne cherche à quantifier. Ils ont suffisamment hurlé lorsque la Commission européenne a évoqué l’idée de découpler les échanges de marchandises du développement économique. Il y a quelques années également, la Commission européenne soulignait que la principale marchandise transportée par mer était de l’air; celui contenu par les conteneurs vides qui revenaient en Extrême-Orient. Elle incita vainement les compagnies maritimes à coopérer pour optimiser leurs parcs d’équipement. Ces dernières firent remarquer que les déséquilibres d’équipement étant les mêmes pour tout le monde, il y avait peu à optimiser. Et l’on construisit des porte-conteneurs encore plus gros pour réduire les coûts au slot.
Mais aujourd’hui, l’heure est au développement durable (DD) donc à la recherche de l’optimisation de la chaîne de transport, de bout en bout, afin de réduire les besoins en énergies non-renouvelables.
Peut-on considérer qu’un réceptionnaire allemand de jouets ou que le producteur de flacons pour la parfumerie montrent leur engagement forcément profond à réduire leur consommation d’énergies non-renouvelables en continuant à gérer ainsi leurs transports maritimes? Si non, quels moyens rapides peut-on mettre en place pour corriger ou réduire les comportements “non-citoyens”?
De nouveau, régulation notamment par le prix avec la mise en place d’une surcharge DD encaissée par l’autorité portuaire, réduisant ainsi le différentiel de coûts de main d’œuvre? Information du client final, pour peu que ce dernier soit le grand public, des comportements perfectibles de leurs fournisseurs? Un énième Livre vert sur le DD pour aborder cette lourde problématique?
Michel Neumeister