Par son outrance, le conflit de mars dernier des agents CGT du PAM a provoqué un déclic dans les milieux économiques et politiques", mesure le président de l’Union maritime et fluviale (UMF). Il ne voit d’ailleurs aucun hasard à ce que la veille, un autre président, celui de la République, ait appelé "au changement du statut des ports autonomes" parce que "leur statut et leur organisation sont d’un autre siècle". La communauté patronale marseillaise a repris immédiatement le propos de Nicolas Sarkozy dénonçant le fait que "la France n’est pas à la hauteur de sa réputation dans la gestion d’infrastructures portuaires".
Pressé de rattraper le retard pris par le port marseillais vis-à-vis de ses concurrents, Marc Reverchon, par ailleurs directeur général de la CMN et responsable à la CCI Marseille-Provence, balise la situation. "Un milliard d’euros, c’est l’investissement du port de Rotterdam pour son extension, c’est ce qu’a mis l’État français pour le développement de l’ensemble des ports de l’Hexagone." Autre chiffre en forme de CQFD, "la France compterait 400 000 emplois de plus si elle avait suivi le rythme de développement des ports du nord. Rapporté à Marseille-Fos, 1,5 MEVP supplémentaire se serait traduit par la création de 10 000 à 15 000 emplois." Le combat de l’UMF va donc bien au-delà de la simple sphère portuaire pour s’étendre à l’économie régionale.
"UN CODÉVELOPPEMENT PRIVÉ/PUBLIC"
Comment "faire bouger les frontières"? Pour Marc Reverchon, cela passe essentiellement par de nouvelles relations entre acteurs portuaires publics/privés. "Il peut exister plusieurs modèles suivant les terminaux, même suivant les ports, car il importe d’être pragmatique." Avertissement de celui qui fut dans le temps un directeur du développement au PAM, "on ne doit pas voir un monopole privé remplacer un public".
Pour lui, les choses sont claires. "Il ne s’agit pas de privatiser le port, mais de construire un codéveloppement privé/public dans lequel le port autonome se recentrerait sur ses actions de régulation (sécurité, contrôle, investissements à plus de 20/30 ans) et non plus régaliennes." Dans sa bouche, les propos n’ont rien de nouveau. Mais sa conviction n’a jamais été aussi près de l’emporter. L’urgence du changement part du constat que le port de Marseille n’est "aujourd’hui ni efficace, ni compétitif, que le niveau de fiabilité de ses outils est devenu inquiétant". Un langage de vérité qui tranche après des années d’une politique de communication du “tout va bien dans le meilleur des mondes”, mais qui est en phase avec l’électrochoc portuaire que veulent effectuer les professionnels.
Les 4 principes du changement par la CCI Marseille-Provence
Chargé par Jean-Claude Gaudin, sénateur-maire de Marseille, de réfléchir à une réforme du système de gestion des ports français, Jacques Pfister, président de la CCI Marseille Provence, a remis le 2 juillet un rapport intitulé “Pour une réforme des grands ports français: l’urgence marseillaise”, en présence de Christian Garin, président du PAM, et Stéphan Brousse, président de l’UPE 13. Quatre principes et une méthode pour repenser en profondeur le modèle économique et social du port de Marseille-Fos sont avancés pour résoudre “ses problèmes de compétitivité, de fiabilité, de dégradation du climat social, mais également l’essoufflement des investissements publics et un modèle économique qui ne facilite pas l’entrée des investissements privés”.
La CCIMP articule ses propositions sur quatre principes:
– Clarifier les rôles, les missions, les droits et les devoirs de l’État, de l’autorité gestionnaire du port et des opérateurs de terminaux, « externaliser » les activités concurrentielles.
– Redéfinir la gouvernance des autorités gestionnaire de port, donner une plus grande place aux collectivités territoriales.
– Afficher la nécessité du codéveloppement public/privé des ports français.
– Préserver la dimension sociale et la négociation.
Le rapporteur préconise “l’obligation d’aboutir vite” et la concertation pour cette réforme nécessaire du système portuaire français. “Il est donc indispensable que tous se retrouvent pour élaborer une recommandation unique, par exemple sous l’égide d’une seule instance ou d’un seul comité national.”