Dès sa descente de l’Erika, à Lorient, le commandant Mathur a été arrêté, puis, sur mandat du juge d’instruction, emprisonné pour seule suspicion de mise en danger de la vie d’autrui! "au mépris de toutes les conventions internationales", a souligné Me Jean-Paul Lévy, son avocat, lors de la séance du lundi 11 juin. En poursuivant le commandant, le parquet a ignoré le traité franco-indien du 25 janvier 1998 ainsi que la convention de Montego Bay, selon le défenseur. La convention de Montego Bay stipule que pour un incident survenu en haute mer, un capitaine ne peut être jugé que par l’État du pavillon ou par l’État dont il a la nationalité. "Seul le départ de Dunkerque par mauvais temps pourrait être invoqué par la justice française pour le poursuivre, sous le grief de mise en danger de la vie d’autrui et de pollution", insiste Me Lévy. L’avocat fait remarquer que le commandant Mathur a inspecté les ballasts dès qu’ils ont été vidés et dégazés, dans le port de Novorossijsk. Il a noté 80 % de corrosions dans le ballast tribord no 2 et fait part de ces observations à la Rina. La société de classification a laissé l’Erika naviguer.
LA RESPONSABILITÉ DU COMMANDANT NE PEUT ÊTRE INVOQUÉE
Me Lévy a démonté les uns après les autres les arguments de la poursuite pour mise en danger de la vie d’autrui: la surcharge de fret à Dunkerque et, dans le même temps, les soutes insuffisantes, l’appareillage sans officier radio, le message de détresse annulé après le rétablissement de la gîte. Il observe que le commandant a consulté l’équipage et Antonio Pollara, gestionnaire du navire, avant son changement de cap. De plus, souligne le défenseur du commandant, ce dernier a observé les consignes du code ISM. Il signale que le commandant Smith, qui avait été invité par le tribunal comme expert, a estimé que le 11 décembre la vitesse du pétrolier était appropriée et adaptée aux conditions météo, tandis que le commandant Claden, depuis l’Abeille-Flandres avait approuvé le cap sur Donges comme le plus sûr.
En conclusion, Me Lévy a déclaré que la responsabilité du commandant ne pouvait être invoquée puisque la cause du naufrage a été identifiée: il s’agit de la corrosion qui a été pointée du doigt dans plusieurs rapports de la Rina et du BeaMer.
PAS DE FAUTE POUR LE COMMANDANT MATHUR
Me Michel Quimbert a ensuite montré que les pouvoirs d’un commandant de navire étaient limités par le droit maritime. Se référant à la doctrine, il cite le professeur de l’Estang. Ce dernier distingue ainsi entre la garde du comportement qui concerne la responsabilité du commandant et celle des structures rattachées automatiquement à la responsabilité de l’armateur. Le contrôle des structures ne faisant pas partie des missions du commandant, Me Quimbert a considéré qu’il ne pouvait être poursuivi pour délit de pollution. Pour engager la responsabilité du commandant en matière de "mise en danger de la vie d’autrui", il faudrait établir une faute objective détachable de sa mission, a souligné Me Quimbert. Il a s’est attaché à démontrer, en se référant au droit portuaire puis en citant les témoignages des commandants Claden et Smith, qu’il n’avait pas commis de faute concernant cette mission et qu’il ne l’avait pas outrepassée.
Il a conclu qu’aucune action civile ne pouvait être portée contre le commandant Mathur. Me Quimbert a enfin lu devant le tribunal la "Motion concernant le procès de l’Erika", émanant de l’Association des capitaines et officiers de la marine marchande (ACOMM). Elle dénonce les conditions dans lesquelles le commandant Mathur a été "arrêté, traité, humilié et détenu, alors qu’il n’est en rien responsable de la situation" et demande que "réparation soit faite à la hauteur de ce dommage".