Cette décision a constitué une surprise pour les observateurs. La veille, le Commissaire du gouvernement – dont la recommandation est généralement suivie – s’était en effet prononcé devant le même Conseil en faveur de l’annulation de toute la procédure, et donc l’invalidation du choix de l’Assemblée de Corse pour l’alliance SNCM-CMN.
À Marseille, la notification a immédiatement soulagé les dirigeants et les 3 000 salariés des deux compagnies qui, depuis plus d’un an, se perdent dans les tribulations judiciaires qui sont venues malmener le renouvellement de la délégation de service public entre Marseille et cinq ports corses. La procédure d’un premier appel d’offres avait été ainsi invalidée le 15 décembre 2006 par le même Conseil d’État. À l’époque, la SNCM et la CMN avaient postulé séparément, pour ne pas dire en concurrence (sur une partie, la direction de la CMN avait fait alliance avec la Corsica Ferries).
UNE DÉCISION QUI SOULAGE LES SALARIÉS
La plus haute juridiction administrative a donc tranché en rejetant le recours de Corsica Ferries qui plaidait une distorsion, ou plutôt un avantage, de concurrence avec une mise en route de la DSP à l’entrée de l’été ce qui aurait favorisé les "sortants" déjà positionnés sur Marseille. Excédés par le long feuilleton procédurier, les marins CGT de la SNCM et de la CMN avaient lancé quatre jours avant la décision du Conseil d’État un mouvement de grève de 24 heures d’avertissement. Ils dénonçaient "l’incurie de l’État" sur le dossier. "Il est temps que l’État siffle la fin de partie!", demandait Jean-Paul Israël, secrétaire général des marins CGT. Ils ont été entendus.
Débouté de sa requête en annulation par le Conseil d’État, Pierre Mattei, directeur général de la Corsica Ferries, reconnaissait avoir "perdu sur le fil", avant d’ajouter, "nous regrettons que cette délégation de service public (DSP) soit attribuée de manière aussi coûteuse pour le contribuable, et laissant aussi peu de place au jeu de la concurrence". Mais la compagnie suit d’autres recours, notamment au niveau de la Commission européenne sur le cahier des charges et la recapitalisation de la SNCM.
Pour l’instant, l’horizon s’est levé pour la SNCM et la CMN dont la candidature à la DSP Marseille/Corse devrait être reconfirmée par l’Assemblée de Corse le 7 juin. Une convention sera aussitôt signée pour une mise en œuvre le 1er juillet jusqu’au 30 juin 2013. Autre volet ouvert par la décision du Conseil d’État, le groupe Veolia – qui pilote la SNCM – pourra enfin mettre en route son plan d’entreprise qui prévoit entre autres le départ volontaire de 400 salariés.