Le marché des lignes régulières restera soutenu par la demande pendant au moins deux ans, malgré l’entrée prochaine en flotte de nouveaux grands porte-conteneurs. Tel est le point de vue de Tadamasa Ishida, vice-président de l’armement japonais NYK disposant d’une flotte de 700 navires, dont 130 porte-conteneurs. Depuis des années, NYK effectue des études approfondies sur les mouvements de conteneurs sur les routes dominantes Asie/États-Unis et Asie/Europe. Il a constaté une forte corrélation entre la croissance des trafics de fret et celui du produit national brut (PNB) des pays importateurs. Il a donc constitué un "outil efficace" pour anticiper les volumes de fret à partir des prévisions de croissance du PNB de ces pays, multiplié par un ratio moyen sur dix ans. Ce ratio est le résultat du trafic de conteneurs divisé par la croissance du PNB. Depuis 2004, les prévisions se sont révélées exactes, a indiqué Tadamasa Ishida. Celles sur la croissance de trafic sur la route transpacifique s’établissent à 10-11 % en 2007 et 11-12 % en 2008 et celles sur la route Asie/Europe à 15-16 % en 2007 et 16-17 % en 2008. Vu que "la croissance annuelle de la flotte mondiale de porte-conteneurs doit passer d’un pic d’environ 16 % (cette année) à 10 % en 2009, l’offre et la demande sur les flux mondiaux de conteneurs devraient se rapprocher de plus en plus", conclut Tadamasa Ishida.
LA RÉDUCTION DE LA VITESSE, UNE NÉCESSITÉ
L’analyse de l’offre de transport a été affinée par Paul Dowell du courtier Howe Robinson, spécialisé dans les porte-conteneurs. Environ 140 000 EVP en moyenne entreront en flotte chaque année entre 2006 et 2008 puis 130 000 EVP en 2009, contre 600 000 EVP par an entre 2000 et 2004. Il faudrait déjà une croissance de trafic de 12 % cette année pour absorber cette capacité excédentaire.
De son côté, Pierre Sames du Germanischer Lloyd (GL) a présenté une étude sur les vitesses des navires, compte tenu des prix des soutes, des coûts d’exploitation et des taux d’affrètement. "Les prix croissants de l’énergie exigent une recherche continue de solutions optimales en termes de coût/efficacité", explique Pierre Sames. Selon l’étude, les navires de 8 000 EVP livrés cette année ont été commandés il y a deux ans, quand le prix moyen des soutes était de 150 $ (111,18 €) la tonne pour une vitesse de service de 25 nœuds. Aujourd’hui, avec le fuel à 250 $ (185,30 €), la vitesse optimale sur la route Asie/Europe est de seulement 22 nœuds, nécessitant une puissance installée de 20 000 kW. Pierre Sames recommande donc aux opérateurs de lignes de commander des navires avec des vitesses d’exploitation moindres, en anticipation "de la hausse continue des prix de l’énergie et d’une réglementation plus stricte en matière d’émissions de gaz à effet de serre". Le GL estime que le prix des soutes atteindra 400 $ (296,49 œ) en 2015 par suite de la hausse de ceux du pétrole, du besoin d’une meilleure qualité à basse teneur en soufre et d’une éventuelle "taxe sur le carbone dans le transport maritime".
La réduction de la vitesse d’exploitation est partagée par Filip Becker du Conseil des chargeurs européens. Selon une enquête auprès de 30 grandes et moyennes entreprises, il ressort que la fiabilité du service arrive en tête avec 43 % des opinions exprimées, devant les taux compétitifs (27 %) et le temps de transit (19 %). "Ce qui compte, c’est le respect des horaires ou celui des temps de transit publiés, indique Filip Becker, la vitesse sans fiabilité n’a aucune valeur". Il souligne que ces facteurs sont indispensables tout au long de la chaîne de transport et non pas juste pour la partie maritime. "Il faut désengorger les terminaux et améliorer le réseau terrestre et l’exactitude de la documentation, a ajouté Filip Becker, la fiabilité passe avant la rapidité".
La transparence du service est également une nécessité, estime Ken Nieze, vice-président du groupe logistique Kuehne + Nagel qui achemine plus de 2MEVP par an. "Chacun dans la chaîne de l’offre et de la demande a besoin d’une visibilité logistique", précise-t-il en préconisant, pour le transport maritime, un programme similaire à l’initiative Cargo 2000 dans l’aérien en matière de qualité de gestion. Dans la salle, un représentant de l’opérateur portuaire Hutchison Ports Holdings fait remarquer que les armements ont amélioré collectivement le transport maritime en "investissant plus de 2 Md$ (1,48 Mdœ) pour améliorer le tonnage et la taille des navires".
Fusions et acquisitions
Selon Lars Jensen de la Mærsk Line, le transport maritime de conteneurs reste très fragmenté par rapport aux autres secteurs, malgré l’augmentation des fusions et acquisitions d’entreprises. En 2000, dix armements disposaient de 49,3 % de la capacité mondiale. Mærsk était en tête avec 12 %, suivi d’Evergreen avec 6 % et de P & O avec 5,5 %. Au printemps 2007, cette part est montée à 60,7 %, dont 16,3 % pour Mærsk, 10,1 % pour MSC et 7,1 % pour CMA CGM. Pendant ces trois années, CMA CGM, China Shipping et Hapag-Lloyd ont réussi leur expansion par des voies différentes. CMA CGM a racheté des “petits transporteurs actifs sur des marchés de niche” comme Mac Andrews, ANL et Delmas. China Shipping a misé sur la croissance interne. Hapag-Lloyd a absorbé son grand concurrent CP Ships, comme Mærsk vis-à-vis de P & O Nedlloyd. “Aujourd’hui, le rachat de grandes entreprises semble peu probable, mais celle de petits transporteurs sur des marchés reste le mode d’expansion la plus réalisable”, souligne Lars Jensen en précisant qu’il en existe plus de 400, pour la plupart asiatiques.
Canal de panama plus cher
Le 25 avril, le gouvernement de Panama a approuvé les hausses des péages proposées par l’administration du canal (ACP). Ainsi, le tarif pour un conteneur passe de 49 $ (36,32 €) par EVP à 54 $ (40,02 €) le 1er mai, à 63 $ (46,69 €) dans un an et à 72 $ (53,36 €) en 2009 pour contribuer au financement des travaux d’élargissement du canal d’ici à 2014. Cela correspond à une hausse de 47 % en trois ans, a déclaré Tom Mason, secrétaire général de la Chambre internationale de l’armement, lors de la conférence de Londres le même jour. Il l’a jugée “inacceptable” sur une si courte période, alors que l’objectif annoncé de l’ACP de doubler les péages en 20 ans aurait pu être atteint par une augmentation annuelle de 3,7 %.