À 55 ans, l’ancien président de Somotrans – qui fut longtemps premier acconier de la place avant de sombrer en faillite – et ex-président du Semfos, poste dont il a été licencié au terme de deux ans du terrible affrontement avec les dockers dans le cadre de la réforme (mensualisation), se jette dans un pari impossible. Avec quelques armements et agents(1) qui n’entendaient pas laisser Eurofos, filiale de la MGM, seul exploitant du terminal de Fos, ils cherchent à fournir une réponse alternative en créant Seayard. L’affrontement devait être tarifaire; la cherté de Marseille-Fos est alors proverbiale. Il commencera par être technologique.
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Seayard, qui pour ses débuts opère les trafics de ses armements actionnaires, introduit pour la première fois de l’histoire de Marseille-Fos des cavaliers, des engins pourtant réputés inadaptés au premier port de France. Son concurrent s’alignera rapidement rajoutant une assistance par GPS. Aujourd’hui, le ballet des straddle-carriers fait partie du paysage.
Georges Chapus, qui s’est battu pour la mensualisation des dockers, met à profit la situation locale particulière. Les deux premières années, il n’emploiera aucun mensualisé, juste de la main d’œuvre occasionnelle ou intermittente. Un pied de nez pour ses homologues qui ne le lui pardonneront pas. Aujourd’hui, Seayard reste le seul manutentionnaire de la place à ne pas appartenir au Semfos, le syndicat patronal. Fin des années quatre-vingt-dix, dans un paysage qui se recompose, on cherchera à faire disparaître ce trublion. Bien sûr, au nom de l’efficacité et de la réalité économique du terminal de Fos qui ne pouvait s’accommoder de la présence de deux manutentionnaires, comme le plaida un temps le président du PAM de l’époque qui dirigeait alors l’autre groupe de manutention.
De ces tempêtes dans le verre d’eau marseillais, Seayard en est sortie. Dix après sa création, l’entreprise demeure un outsider face à Eurofos désormais dirigée par Port Synergy (CMA CGM/P&O Ports repris depuis par Dubai Ports World). Il représente près d’un tiers du trafic conteneurs du terminal de Fos, c’est-à-dire environ 250 000 EVP. Des 70 000 m2 de départ alloués par le PAM, l’entreprise est passée à 220 000 m2 et s’est construit un siège digne de son activité. Avec 20 dockers mensualisés (sur un effectif total de 50) et le double d’occasionnels, elle aligne 19 cavaliers dont 6 qui peuvent gerber 3 conteneurs. L’an dernier, elle a avoué un chiffre d’affaires de 23 M€ pour un petit résultat positif de 400 000 €.
L’entreprise n’a pas fait de percée fulgurante; elle n’a pas non plus varié d’actionnaires contrairement à son puissant concurrent qui aura changé trois ou quatre fois de direction en 10 ans. Elle navigue sans couler en suivant un cap d’investissement high-tech. En juin prochain, Seayard mettra en service une "gate" automatique, une porte où chaque conteneur sera automatiquement identifié lors de son passage. Cet investissement de 400 000 € fait suite au nouveau système informatique de gestion et d’exploitation du terminal, Cosmos, d’un coût de 1,3 M€.
À l’heure de Fos 2 XL, Georges Chapus observe le jeu de la touche. Eurofos est directement rattaché à l’un des deux opérateurs privés, Port Synergy, dont il dépend. Tandis que MSC n’a toujours pas désigné de manutentionnaire. Une chance historique? L’heure va-t-elle sonner pour Seayard d’agrandir sa place au soleil de Fos Terminal? Georges Chapus, philosophe (bien qu’il ait été professeur de mathématiques dans sa jeunesse) laisse dire les gens et les choses suivre leurs cours.
1) Outre la part de Georges Chapus (ses indemnités de licenciement de Somotrans), Zim, Cosco, Mærsk et Ferron en sont actionnaires. Actionnaire fondateur, Balguerie a depuis revendu ses parts aux autres actionnaires.
