Le groupe Lafarge tente d’installer au port de commerce de Lorient un trafic de sable qui pourrait atteindre à terme les 600 000 t annuelles. L’opération est découpée en deux projets. Le premier consiste à créer au port sablier du Rohu un poste de débarquement et d’expédition. La mairie de Lanester a refusé la demande de permis de construire à deux reprises, sur des arguments liés au plan local d’urbanisme. La véritable opposition repose sur le mécontentement de plusieurs riverains et sur la volonté de limiter le trafic sablier (600 000 t actuelles avec deux opérateurs) pour donner de l’espace à une vocation de plaisance. Le groupe a porté l’affaire en tribunal administratif et les procédures promettent de s’allonger.
Le deuxième projet consiste à lancer à huit milles au sud-est de l’entrée de la rade de Lorient une extraction de sables marins, opération associant Lafarge et Italcementi. Un permis de recherche leur a été accordé en mai 2005 pour deux ans renouvelables sur un périmètre de 16 km2 dans lequel il sera délimité un périmètre d’extraction de 4 km2. Leur but est de prélever 600 000 t par an pendant 30 ans sur des fonds de 30 m (livrées à Lorient et à Brest). Cette autorisation vient à échéance alors que les études ne sont pas achevées. Les candidats ont donc demandé une nouvelle autorisation à l’État. Depuis deux ans, une opposition au projet s’est progressivement constituée, fédérée dans le collectif Peuple des Dunes et associant des écologistes, des marins-pêcheurs, des ostréiculteurs et de multiples associations. Ils estiment que le projet met en péril l’équilibre dunaire et la vie des fonds marins et risque de "réveiller" des phytoplanctons toxiques. Les arguments sur les dunes sont réfutés par Lafarge qui a produit une étude sur la courantologie et la sédimentation concluant à une absence de risque. Le groupe tente aussi de nouer un dialogue avec les pêcheurs. Il se déclare prêt à renoncer à ce projet si les conclusions scientifiques de son étude lui étaient défavorables. Le conflit a culminé dimanche 25 mars avec un rassemblement de 8 000 manifestants sur une plage d’Erdeven, face à la future zone d’extraction.
Lafarge défend ses projets sur la base d’un raccourcissement de la chaîne de distribution du sable entre le lieu de prélèvement et le lieu d’utilisation. Le choix de Lorient vise à desservir le Morbihan en minimisant la longueur des trajets terrestres. L’épuisement des sablières terrestres invite à se reporter sur les fonds marins. Sur ce plan, le groupe est en phase avec le Schéma départemental des carrières signé par le préfet du Morbihan en 2003. Il l’est aussi avec la Direction de l’environnement (Diren) selon laquelle il est possible d’exploiter des granulats marins avec un impact acceptable sur l’environnement, tout en respectant les zones de pêche. Dans le Morbihan, l’opposition à cette politique repose sur des arguments écologiques et surtout sur des options sociétales de type alternatif. Dans le conflit en cours, on trouve des écologistes des deux côtés, ceux qui refusent l’industrie, ceux qui l’acceptent dans des conditions maîtrisées.