"La croissance du cabotage a été ralentie par les obstacles réglementaires"

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Journal de la Marine Marchande (JMM): Vous avez acquis 50,7 % du capital de l’armement Finnlines en février. Quelles synergies envisagez-vous avec vos activités actuelles?

Emanuele Grimaldi (E.M.): "Nous sommes devenus le principal actionnaire de Finnlines en reprenant plus de la moitié des actions. Les associations que nous pouvons réaliser avec Finnlines sont évidentes. Aujourd’hui, cet armement est un des grands opérateurs en Baltique. Il va nous permettre d’apporter des connexions entre nos lignes et ce secteur géographique, notamment avec Saint-Pétersbourg et Helsinki. Pour l’instant, nous desservons les ports suédois par Anvers, notre "hub" en Europe du Nord. Nous pourrons également établir des liaisons entre les ports de la Baltique et nos services intercontinentaux vers la côte Est des États-Unis et de l’Amérique du Sud, la COA et nos dessertes en Méditerranée. Il y a là d’excellentes opportunités tant pour Finnlines que pour Grimaldi.

Nous avons déjà réalisé ce type d’opération lors de la reprise d’ACL. Ces synergies se feront sur les mêmes bases opérationnelles. Nos navires sont, en partie, similaires à ceux de Finnlines. Avec ACL nous avions des ressemblances en terme de flotte; avec Finnlines, nous avons des complémentarités.

Outre ces opérations commerciales, nous procédons aussi à une modification du conseil d’administration. Il sera composé de sept personnes: trois Italiens et quatre Scandinaves. Parmi les représentants de l’Italie, j’assisterai, avec mon frère Gianluca, aux réunions. Du côté scandinave, Olav Rakkenes siégera au conseil. Cet homme est une personnalité du monde maritime qui fit d’ACL la compagnie florissante que nous connaissons aujourd’hui."

JMM: Finnlines opère non seulement en Baltique, mais également au Royaume-Uni, à Zeebrugge, en Espagne et au Portugal. Ces dernières activités seront elles maintenues ou intégrées dans celles de Grimaldi?

E.G.: "Il n’y aura pas d’intégration. Finnlines exploite des services qui sont différents des nôtres et ils doivent être poursuivis. Ils touchent une vaste panoplie de ports dans lesquels nous sommes absents. En fait, la seule activité, qui n’est pas de base chez Finlines, était assurée par Team Lines, un armement spécialisé dans la conteneurisation au niveau européen. Considérée comme périphérique, cette activité a été cédée. Tout le reste est très valable. Nous considérons Finnlines comme complémentaire."

JMM: Outre son activité armatoriale, Finnlines est également impliqué dans des activités portuaires en Finlande. Grimaldi est aussi un acteur de ce secteur, notamment avec votre terminal de Wallhamm. Serez-vous amené à partager l’extension d’un réseau de terminaux entre vos deux compagnies?

E.G.: "Le partage des engagements dans le réseau portuaire ne se pose pas pour l’instant. Finnlines et notre groupe ont des activités complémentaires. Finnlines fait la même chose que nous, mais dans une zone géographique plus restreinte puisque cet armement se limite à la Finlande. Pour notre part, nous avons plusieurs implantations. En Suède, le terminal de Wallhamm est en quelque sorte exceptionnel, mais il sert de base dans le Nord. Cette installation se justifie. En effet, nous avons des difficultés à trouver des opérateurs de terminaux disposant des installations appropriées pour traiter nos navires. Nos marchandises sont variées depuis les voitures, semi-remorques, camions, jusqu’aux marchandises diverses embarquées sur mafis et des conteneurs. Il nous est apparu qu’en tant qu’armateur, exploiter son propre terminal est devenu nécessaire."

JMM: Cette nouvelle acquisition vous ouvre de nouveaux horizons à l’est avec, notamment, le marché russe. Sous quel angle prévoyez-vous de l’aborder? en tant que car carrier ou dans un concept de ligne régulière globale?

E.G.: "Avant de répondre à votre question, je souhaite préciser que nous sommes un opérateur ro-ro intégral, technique qui va de pair avec le système du « con-ro ». Au final, nous avons une double casquette: celle d’armement roulier et d’armateur conteneurisé. Certes, ce dernier secteur est plus modeste. Nous y occupons le 25e rang mondial.

Partant de ces principes, nous abordons le marché russe avec un œil d’opérateur polyvalent. Cette vision nous distingue de Finnlines. Cet armement dispose d’une flotte essentiellement constituée de navires mixtes, embarquant à la fois du fret et des passagers. Ces unités sont toutes en propriété. Les rouliers pur fret, soit 25 unités, sont affrétés. C’est un peu trop. Il faudra probablement réduire l’importance de l’affrètement."

JMM: Grimaldi est également actif dans les relations interocéaniques. Outre le service d’ACL, vous avez développé un service entre les États-Unis et l’Afrique de l’Ouest. Y a-t-il une prochaine étape?

E.G.: "Pour l’instant, nous sommes engagés dans un travail de consolidation de l’existant. Il est difficile de maintenir une position forte dans notre domaine et cela exige beaucoup de travail. Nous venons de signer un contrat pour la construction de cinq porte-conteneurs rouliers. Nous négocions une commande de cinq unités supplémentaires. Au total, notre carnet de commandes comprendra dix navires livrables d’ici 2010. Ce nouveau tonnage sera aligné sur la route États-Unis/COA, sur les routes Europe/COA et Amérique du Sud. Nous avons évidemment des possibilités d’expansion, mais elles se situent dans ce que nous considérons notre sphère opérationnelle. En d’autres termes, nous envisageons des extensions dans des secteurs sur lesquels nous opérons déjà. Cela pourrait se traduire par des relations entre l’Amérique du Sud et la COA ou encore entre l’Amérique du Sud et l’Amérique du Nord. C’est non seulement possible, mais ce serait logique étant donné que nous disposons de bonnes organisations dans ces régions. Ces projets doivent faire l’objet, au préalable, d’analyses et d’études économiques."

JMM: Y a-t-il une chance de voir un jour des navires de Grimaldi desservir le Moyen-Orient, la mer Rouge et le Sud-est asiatique?

E.G.: "Nous desservons déjà certains pays du Proche-Orient, qui bordent la Méditerranée, à savoir l’Israël, l’Égypte, la Libye et la Syrie. En ce qui concerne la mer Rouge, nous y avions un service jadis. Un retour n’est pas à exclure, de même nous ne pouvons pas ignorer, voire négliger, des pays en pleine expansion économique comme l’Inde et la Chine. Cela dit, nous avons déjà un énorme programme d’investissements en cours, destiné à renforcer nos activités actuelles. L’échéance de ces développements est dans un moyen ou long terme."

JMM: Le conteneur prenant de plus en plus de place dans le cabotage intra-européen, votre concept basé sur le roulier ne risque-t-il pas d’être remis en cause dans quelques années?

E.G.: "Je suis convaincu que notre concept restera valable. En dépit d’une croissance continue de la conteneurisation, le roulier conservera toujours un intérêt pour des trafics de niche et pour les ports. De plus, il existe des ports susceptibles de consolider divers types de cargaisons avec des conteneurs. Le mélange de cargaisons restera valable sur certaines relations. En fait, c’est un « trafic de boutique » qui existera toujours."

JMM: Vous exploitez une autoroute de la mer avec LD Lines entre Toulon et Civitavecchia. Cette ligne bénéficie de financement dans le cadre du programme européen Marco Polo, mais aussi d’aides d’États. Avec ces aides, cette ligne a atteint un niveau de rentabilité?

E.G.: "Il y a différentes manières de voir les choses. Les résultats financiers sont négatifs et nous perdons toujours de l’argent. Sur les premiers mois, nous enregistrons une croissance de 90 % en camions et semi-remorques. L’année dernière, la moyenne au chargement était de 150 unités fret par semaine. Notre moyenne est aujourd’hui proche de 300 unités de fret. Nous y voyons un signe que le marché commence à répondre. Pour ce qui est des aides financières au démarrage, elles sont insuffisantes et cela nous le savions dès le début. Nous espérons que ce service deviendra indépendant financièrement."

JMM: Avez-vous des projets d’extension de vos liaisons de cabotage en Méditerranée?

E.G.: "Nous avons un plan qui consiste à renforcer nos services actuels. L’année prochaine, nous déploierons sur la relation Civitavecchia/Barcelone, deux navires, dont la capacité sera presque doublée, tant en fret qu’en passagers. Nous allons également renforcer notre service entre Gênes et Catane. On a par ailleurs changé les unités alignées sur la route Salerne/Valence en y introduisant de plus grands navires. Enfin, nous allons envoyer cinq de nos rouliers dans un chantier naval afin d’y ajouter des ponts voitures."

JMM: Jusqu’à présent, seuls vos services océaniques touchent Le Havre. Imaginez-vous l’intégrer à lignes intra-européennes?

E.G.: "Pour l’instant, tout est concentré sur Anvers qui couvre bien notre clientèle française. Aujourd’hui, il ne nous est pas nécessaire de toucher un port du nord de la France."

JMM: Les politiques européens et les gouvernements des États membres font à longueur de discours la promotion des autoroutes de la mer. Les résultats se font toujours attendre. Les problèmes à surmonter sont connus: les coûts portuaires, la douane, la documentation, etc. Pourquoi cela dure-t-il aussi longtemps pour les résoudre?

E.G.: "Les obstacles que vous citez sont bien réels. Entre-temps, le cabotage est en pleine croissance. Il a été ralenti par des obstacles réglementaires. Il est non seulement souhaitable que ces problèmes soient réglés, mais il y a urgence. Nous savons qu’il y a des projets au départ de ports d’Europe du Nord. Nous suivons ces dossiers avec intérêt, mais notre premier objectif est la Méditerranée. Par exemple, nous étudions la possibilité d’un service entre Valence et Marseille-Toulon. Nous ne savons pas encore si nous allons opérer seuls ou avec un partenaire. Ce sujet n’a pas encore été discuté."

Le groupe Grimaldi

• Siège à Naples

• CA: 2,2 Md€ en 2006.

• Sept filiales.

• Établi dans 15 pays.

• Flotte: 120 unités en exploitation dont 70 en propriété, composée de rouliers pur fret, de porte-conteneurs rouliers, de ferries mixtes et de PCTC (pure car truck carrier).

• Ports: 13 terminaux répartis sur trois continents.

• En commande: 12 navires

• Volume transporté: 1,4 million de voitures, 400 000 EVP, 700 000 unités fret en roulier et 300 000 passagers

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