Dans sa parution du 21 février en page 4, Le Canard Enchaîné (CE) publie un article intitulé "L’étonnant blanchiment d’un pétrolier douteux, affrété par Total". Selon cet article, lors de son escale à Dunkerque le 23 janvier 2003, le pétrolier maltais Los-Roques (1) est contrôlé au titre du Port State Control. Selon le l’hebdomadaire, 22 déficiences sont trouvées dont "le non-recensement des corrosions de la coque, l’« oubli » du certificat de transport et de la liste des matières toxiques acheminées ou l’absence d’une étude de stabilité des ballasts, etc." Fin de citation du CE.
Mais la nature même de la cargaison poserait problème. "Il s’agit d’un produit pétrolier que Total appelle « distillats sous vide »" qui peut être dangereux pour l’environnement et les organismes marins. Les inspecteurs décident donc de l’immobiliser et de demander au Cedre son avis sur la nature exacte de la cargaison. Celui-ci répond qu’elle est "susceptible de renfermer 5 % et plus d’HPA (hydrocarbures polycycliques aromatiques)" hautement cancérogènes, précise le CE. Ce produit est "considéré « très justement comme dangereux pour la vie aquatique et pouvant causer des atteintes à l’environnement sur le long terme »". Toujours selon le CE, quelques heures plus tard, le Cedre envoie un nouveau fax expliquant qu’il venait d’être contacté par l’armateur et que "tout ce que je peux dire, c’est qu’au vu de la fiche de sécurité le produit présente toutes les caractéristiques d’un produit classique…". Donc, conclut le CE, il s’agit bien d’un produit chimique devant être transporté par un chimiquier et non pas un pétrolier. Pire le rapport d’inspection et ses 22 déficiences disparaissent de la base de données Sirenac.
UN HYDROCARBURE COMME LES AUTRES ET UN RAPPORT VALABLEMENT CONTESTÉ
Interrogé le 26 février par le JMM, Michel Girin, directeur du Cedre, explique qu’une partie de la seconde télécopie a été modifiée: il fallait lire "toutes les caractéristiques d’un hydrocarbure classique" qui, ajoute oralement Michel Girin, "comme tous les hydrocarbures, contient des HPA, substances cancérigènes si elles sont ingérées ou restent longtemps en contact avec la peau". Il conclut que ce produit ne nécessitait pas d’être transporté dans un chimiquier.
Après avoir obtenu l’accord du cabinet de Dominique Perben, tout en ne souhaitant pas répondre directement au CE, Michel Aymeric, actuel directeur des Affaires maritimes, apportait le 27, les éléments d’information suivants: pétrolier double coque mis en service en 2000 et classé par l’ABS, le Los-Roques a été visité par les garde-côtes américains six mois et trois semaines avant son arrivée à Dunkerque: aucune déficience trouvée.
"Principalement à cause de son pavillon", deux inspecteurs montent à bord à Dunkerque le 23 janvier 2003 et trouvent 24 déficiences, dont 4 justifiaient une détention. Ils estimaient notamment que la cargaison à charger relevait de l’annexe Marpol II, exigeant un transport par chimiquier. Ce rapport est entré dans Sirenac le 28.
Comme le prévoit la directive européenne 95-21, le ship manager du navire présente un recours devant la direction des Affaires maritimes (DAM), accompagné d’un document de 70 pages contestant la/les cause(s) de la détention, notamment sur la qualité du produit et celles des déficiences. La DAM reconnaît finalement qu’il s’agit d’un produit Marpol 1 transportable par "simple" pétrolier et que les autres déficiences sont le fait d’erreurs de jugement ou sans fondement réglementaire. Le coordinateur du PSC français annule le rapport du 23-1 et confirme cette décision au secrétariat du MOU ainsi qu’au ship-manager, à la fin mai.
Ce n’était pas la première fois que des décisions prises par l’un des deux inspecteurs avaient été contestées, et ce, à juste titre, ajoute Michel Aymeric. Cet inspecteur a été prié d’exercer ses compétences ailleurs.
1) nNo OMI 9179622, de 40 705 tjb, quille posée en 1998, selon le site
