L’affaire ne date pas d’aujourd’hui, mais elle prend une nouvelle ampleur avec, d’une part, l’annonce faite par DP World – aux cotés des armements de The New World Alliance (TNWA) – et, d’autre part, de PSA associé avec MSC de postuler à la concession du second terminal du Maasvlakte 2 à Rotterdam. Le premier terminal du Maasvlakte 2 a été attribué à APMT en échange de la cession de 50 % des parts qu’il détenait dans Euromax, terminal situé sur le Maasvlakte 1. À l’origine, Euromax a été concédé à P & O Nedlloyd et ECT, filiale du groupe Hutchison. En reprenant P&O Nedlloyd, le groupe Mærsk a hérité de cette participation. À ce moment, la situation demeurait à l’identique. ECT dispose d’Euromax, du terminal Delta et du Home Terminal. À ses côtés, le groupe Mærsk dispose de deux terminaux, l’un sur le Delta terminal, l’autre sur le Maasvlakte 1. Avec l’arrivée des deux nouveaux postulants, ECT pourrait voir sa position dominante remise en cause sur le port de Rotterdam. De plus, sans que cela soit officiellement confirmé, PSA et MSC pourraient remporter cette concession. Une nouvelle épine au pied d’ECT. En effet, Hutchison, la maison mère de ECT, a cédé 20 % de son capital à PSA et lui a accordé un droit de préemption sur toutes les parts à vendre à l’avenir. Cette hypothèse ne relève pas du fantasme. Elle pousserait PSA au rang de principal manutentionnaire du premier port européen. Un renversement de situation cocasse.
En penchant en faveur de PSA et MSC, l’autorité portuaire de Rotterdam cherche à ancrer dans son port un trafic de plusieurs millions de boîtes. MSC est déjà présent dans le port néerlandais avec un trafic d’environ 500 000 EVP par an pour une desserte locale. L’armement suisse consacre ses activités de transbordement en Europe du Nord principalement depuis son terminal anversois, dans la darse Dewailde. Situé sur la rive droite de l’Escaut, le Home Terminal de MSC ne pourra accueillir les navires de la prochaine génération, les ULCS (Ultra Large Container Ship), ce que Rotterdam pourra.
LES RÉPERCUSSIONS À ANVERS
Devant une telle partie d’échec, l’autorité portuaire d’Anvers fait grise mine. Elle s’embarrasse de voir ses principaux opérateurs la déserter pour lui préférer son voisin et néanmoins concurrent, Rotterdam. À son embarras succèdent rapidement les prémices d’une ire non contenue. Selon les premiers résultats, si le port scaldien progresse, les trafics du Deurganckdok ne sont pas à la hauteur des prévisions établies lors des contrats de concession. Sur ce nouveau terminal géré par DP World et PSA, le trafic a atteint 810 000 EVP en 2006, dont 600 000 EVP réalisé par DP World et 210 000 EVP par PSA. Un résultat global satisfaisant, mais un score atteint par PSA en dessous des prévisions. Ce terminal est loin de la saturation. Il a encore des réserves de croissance. Les contrats qui lient l’autorité portuaire aux manutentionnaires prévoient en outre une clause en faveur de APMT, si les trafics ne sont pas réalisés. Que peut-il advenir? Le port d’Anvers va attendre de meilleurs scores de PSA et DP World? Il pariera sur la décision du gouvernement flamand de lancer les travaux de la seconde darse à marée sur la rive gauche, le "Saeftingedock"? Peu importe la décision, en attendant, de nouvelles capacités s’ouvrent dans les ports d’à côté. À Hambourg, les terminaux disposent de réserves de capacité pour accueillir de nouveaux armements. Brème vient d’ouvrir un nouveau terminal. Au Havre, après Terminal de France, l’alliance Terminaux de Normandie et APMT (Terminal de la Porte océane) va ouvrir ses postes à quai à Port 2000. À Dunkerque, APMT prend position et semble vouloir s’y développer. À Zeebrugge, PSA investit dans un terminal dans l’avant-port qui sera opérationnel en 2008. Et la même société continue de miser sur le range nord-européen en postulant à la concession du futur terminal de Flessingue.
Alors, même si le premier terminal du Maasvlakte 2 ne sera pas opérationnel avant 2012/2013, la dispersion des manutentionnaires anversois et rotterdamois pourrait bien se faire au profit des plus petits et à la défaveur des plus grands. En somme, dans cette bataille, Le Havre, Dunkerque, Zeebrugge et Flessingue peuvent être les gagnants, à condition de jouer le bon coup au bon moment pour faire échec au roi ou à la reine.