Accompagné de son directeur fret, Fabrice Verranucci, et de son directeur commercial passagers, Nicolas Boutaud, le président du directoire de Brittany Ferries, Jean-Michel Giguet, a tenté d’aplanir les nombreux malentendus qui opposent les Cherbourgeois à l’armement qu’il dirige. Sobrement, mais concrètement et très fermement, il a répondu aux accusations insidieuses qui, circulant via des blogs, sont amplifiées et trouvent même une caisse de résonance au sein d’organismes institutionnels comme la CCI de Cherbourg ou le département de la Manche.
"Face à cette situation, il nous a semblé important de bien expliquer notre position et nos ambitions sur Cherbourg."
Il est vrai que, de 1 775 668 passagers, 441 206 véhicules de tourisme, 138 213 camions et 4,3 Mt de fret en 1995, Cherbourg est tombé en 2006 à 777 224 passagers, 204 676 véhicules de tourisme, 97 756 camions et 2,9 Mt de fret en 2006. De quoi filer le bourdon aux gestionnaires portuaires qui ont toujours mal digéré d’avoir perdu l’opérateur de car-ferries P&O. "De là à nous en faire porter le chapeau, il y a un pas que certains ont franchi et que nous ne pouvons pas accepté", a résumé Jean-Michel Giguet en citant quelques "lourds reproches lus et entendus" comme une politique tarifaire excessive, une stratégie privilégiant un autre terminal en dépit de larges subventions locales, un abus de monopole, un immobilisme de la compagnie face à la dégradation des trafics, on en passe et des pires… "Un véritable tissu d’âneries qui font que l’on ne peut pas se laisser traîner dans la boue sans réagir." Le ton était donné.
DES CHIFFRES ET DES FAITS
Sur la politique tarifaire excessive et l’immobilisme, Nicolas Boutaud a répondu que, sur Cherbourg, entre 2004 et 2006 "la valeur de la traversée a baissé de 3,8 % au global alors que le nombre de rotations a augmenté de 30 % et le volume transporté de 37 %". Parlant du fret, Fabrice Verranucci a précisé que depuis 2003, le nombre de camions transportés par Brittany Ferries depuis Cherbourg "est passé de 72 000 à 80 000 unités". Jean-Michel Giguet a quant à lui rappelé que Brittany Ferries "n’était pas sous perfusion et ne bénéficiait ni de subventions ni de dispositions privilégiées dans le cadre de délégation de service public". Une confusion assez couramment admise pourtant du fait des sociétés d’économie mixte propriétaires des navires que la compagnie exploite.
"Collant aux idées initiées par le président Alexis Gourvennec (1), qui a développé des partenariats avec les collectivités locales, la Sénamanche est ainsi propriétaire du Barfleur, mais la compagnie paie régulièrement ses loyers."
Impitoyable dans son plaidoyer, Jean-Michel Giguet a même précisé que "paradoxalement, Cherbourg est le port sur lequel Brittany Ferries mets le plus de moyens en propre". En plus du Barfleur, porté par la Sénamanche, la compagnie y exploite effectivement le fréteur pur Coutances (tombé dans l’escarcelle de BAI lors du rachat de la Truckline) et le navire à grande vitesse Normandie-Express (affrété depuis 2005 et exploité en haute saison) qui sont portés directement et exclusivement par Brittany Ferries. "Le tout sur une ligne figurant parmi celles les plus taxées du transmanche."
Autant d’arguments susceptibles de répondre aux détracteurs.
UN FRÉTEUR NEUF ET UN NGV
Mais la direction de Brittany Ferries ne s’est pas contentée de remettre les pendules à l’heure en recadrant sa position. Elle a également fait part de ses ambitions concernant son implantation à Cherbourg.
Des ambitions qui vont prendre corps avec l’arrivée en septembre prochain du Cotentin, un fréteur pur de 165 m de long propulsé à 23 nœuds et qui, dotés de 120 cabines passagers, offrira des capacités de roulage de 2 200 m sur 3 ponts-garage.
"C’est un premier point important qui se traduira par une fréquence de départ plus élevée." Second point et non des moindres, Brittany Ferries va débourser 30 M€ pour acquérir le catamaran rapide Normandie-Express qu’elle s’était jusque-là contentée d’affréter. Basé sur Cherbourg, ce navire à grande vitesse (plus de 40 nœuds) devrait répondre aux besoins de passagers ayant à traverser vite la Manche sur une courte distance. Deux navires synonymes d’un pari audacieux quand on sait que le paysage des traversées de la Manche avec une clientèle composée à 90 % de Britanniques est en plein cours d’évolution: désaffection de la destination occidentale au profit de pays de l’Europe de l’Est, développement de l’aérien low cost, etc. "Tant du côté anglais que français, on assiste de plus en plus au développement d’aéroports régionaux", a expliqué Jean-Michel Giguet, en soulignant que "la concurrence nous passe désormais au-dessus de la tête". Bref, Brittany Ferries fait le maximum pour son terminal de Cherbourg, mais dans un paysage où bon nombre d’habitudes changent très rapidement.
1) "Le président Gourvennec va mieux et a même présidé le dernier conseil d’administration", a déclaré le président du directoire de Brittany Ferries en pleine conférence de presse.