Réunie le 4 décembre, l’Intersyndicale nationale des marins et officiers de la marine marchande a tenu à faire le point à la suite à la déclaration du ministre des Transports et de la Mer, Dominique Perben, préconisant, lors de la bénédiction du CMA-CGM-Medea, de relancer le débat sur l’application des dispositions du registre RIF via le Conseil supérieur de la marine marchande (JMM 6-10-2006, p. 7). Le ministre ayant envoyé un courrier en ce sens au président du Conseil supérieur de la marine marchande (CSMM), les représentants syndicaux présents à la réunion du CSMM du 18 octobre, ont écarté cette proposition, faisant déjà savoir que "toute relance de négociation doit passer impérativement par une négociation avec l’Intersyndicale".
Celle-ci, observant les conséquences que génère la création du registre RIF, tient à rappeler sa position en huit points:
"(1) Tous les acteurs du milieu maritime doivent avoir bien présent à l’esprit que l’Intersyndicale […] reste une réalité bien concrète sur ce dossier RIF. Elle est prête tant à entendre les propositions qui lui seraient faites qu’à organiser la réaction si une application pure et dure de ce registre se généralisait dans les entreprises maritimes.
(2) Des mesures rectificatives doivent être mises en place par la négociation d’un accord de branche étendu qui devra définir les effectifs permanents des marins et des officiers, la politique de recrutement et de formation pour assurer la pérennisation de la filière maritime des marins et officiers français. Cet accord devra permettre par cette extension la possibilité d’une négociation entreprise par entreprise pour mettre en place des accords plus favorables.
(3) L’accord de branche étendu devra relancer l’une des conclusions des négociations tripartites, c’est-à-dire la garantie d’un pourcentage minimum de 35 % de navigants français par rapport à l’effectif normal d’exploitation et non pas par rapport à l’effectif de la fiche minimum de sécurité déposée aux Affaires maritimes.
(4) Cet accord devra également prendre en compte la négociation concernant les marins extra communautaires (la seule référence inscrite dans le projet de loi pour ces derniers, étant que leur statut ne pourra être inférieur aux normes OIT « normes minimales internationales ») sur la base minimum des grilles salariales du TCC (Total Crew Cost) de l’ITF reconnues comme une référence négociée au niveau international.
(5) Demande qu’il n’y ait aucune remise en cause des aides à l’emploi et notamment pour les liaisons courtes (ferries, cargos mixtes).
(6) L’Intersyndicale rappelle qu’elle n’a pas été demanderesse de cette loi et qu’elle a accepté de participer aux réunions tripartites de conciliation en 2004 dans le but de limiter les dégâts et apporter des améliorations à cette loi de registre RIF qui, pour elle, demeure et demeurera « un registre dégradé », adopté en avril 2005 sans tenir compte des remarques et suggestions de l’Intersyndicale.
(7) L’Intersyndicale souligne que le RIF est un pavillon de complaisance et qu’il le restera tant que les exigences des personnels navigants ne seront pas satisfaites.
(8) Toute relance de négociation sur le registre RIF, initiée par quelque instance que ce soit devra passer impérativement par l’Intersyndicale […] et non par le CSMM."
La proposition du ministre, de l’administration ou des armateurs a, selon l’Intersyndicale, uniquement pour but d’obtenir la levée de mise sous pavillon de complaisance du RIF par ITF "sans réelle et véritable préoccupation de la pérennisation de la filière maritime des navigants français", la négociation est bien compromise et c’est évidemment sur les bases, ci-dessus, qu’elles pourraient reprendre en ce qui concerne l’Intersyndicale.
D’autant que vue l’utilisation qui est faite du RIF dans certains secteurs où il se met durement en application au détriment de l’emploi et de la pérennisation de la filière, le constat qu’en fait l’Intersyndicale la conforte dans le maintien de la mise sous pavillon de complaisance de ce registre RIF qui, soit dit en passant, "ne peut pas être levé par l’une des organisations syndicales affiliées à ITF mais par une décision unanime de tous les syndicats français affiliés": Union maritime CFDT, CGT Marins, CGT Officiers et FO Équipement, Environnement, Transports et Services.
Pour s’arranger avec l’ITF
Pendant que les uns s’arc-boutent sur la présence ou non du registre RIF sur la liste des registres supposés de complaisance établie par l’International Transport Workers’ Federation, les autres s’arrangent avec la même ITF comme le rapporte la Lettre d’Armateurs de France de novembre-décembre.
Ainsi l’accord TTC (Total Crew Cost) permet-il la délivrance du “blue ticket” qui “immunise” le navire contre toute action de boycott par les syndicats des ports fréquentés. Il fixe pour chaque fonction, un salaire minimum auquel s’ajoutent différents éléments de rémunération ainsi que les charges patronales. Au final, on obtient ainsi, explique Armateurs de France, le coût total de la fonction pour l’armateur soit, par exemple $1 550 pour le matelot travaillant 40 heures par semaine.
L’accord IBF (International Bargaining Forum) a été négocié entre l’IMEC (International Maritime Employers’ Committee compte 102 compagnies membres représentant 5 500 navires employant près de 145 000 navigants) et l’ITF. Il est sensiblement plus “flexible et moins coûteux” que l’accord précédent et permet d’obtenir le “green ticket” similaire au “blue ticket”. L’accord IBF fixe le coût total d’un équipage de 23 personnes pour un navire de référence.
Armateurs de France reconnaît donc que le classement du RIF comme étant de complaisance, est de faible importance car il est parfaitement possible de “s’arranger” avec l’ITF, en direct. M.N.