De l’eau à l’eau de mer, il n’y a qu’un degré de sel que le groupe Veolia voudrait employer pour assaisonner son ordinaire. Déjà très bien implanté en Provence-Alpes-Côte d’Azur où sa filiale transport contrôle la plupart des réseaux urbains(1) dans le cadre de délégation de service public, sa prise de participation dans la SNCM pourrait être le premier fait d’armes important dans sa conquête maritime.
L’appétit vient en mangeant. Stéphane Richard, directeur général de Veolia Transport, ne cache pas son intérêt pour la Méditerranée. Il examine avec attention les mouvements de cession qui agitent aujourd’hui les armements maghrébins. À commencer par l’ENTMV (Algérie Ferries), toujours en conférence maritime avec la SNCM, pour qui le gouvernement algérien cherche des partenaires privés.
"Nous sommes ouverts à tous les cas de figure, participation minoritaire ou majoritaire, contrôle opérationnel", confie-t-il en attendant de pied ferme l’ouverture de la consultation. Position identique pour la CNAN qui "nous intéresse sur le principe".
UN MARCHÉ JUTEUX
Si Veolia Transport montre un intérêt marqué pour le transport maritime de passagers, c’est qu’il a fait ses comptes. En Europe, ce marché représente 15 Md€, dont la moitié sur la Méditerranée particulièrement riche en îles. Déjà le groupe occupe des positions en Norvège où il aligne une trentaine d’unités. "C’est un domaine très intéressant pour nous. Il y a souvent une problématique de délégation de service public, c’est le cœur de notre métier. Il existe une perspective de croissance forte avec la concentration des populations sur les côtes et plus particulièrement dans le sud de l’Europe. On retrouve notre cible du développement durable."
Pas d’attaque navale sans flotte adéquate. Veolia Transport attend ces jours-ci l’arrivé à Marseille du Superfast-X acheté en août au grec Attica pour 112 M€. Il mettra ce ro-pax, construit en 2002 en Allemagne et d’une capacité de 626 passagers pour 203 m de long ("et d’une belle longueur de pont pour traiter le roulant"), à disposition de la SNCM. Cela pour compenser le revirement de bord de la CMN, son partenaire de 30 ans sur la Corse au départ de Marseille.
Autres îles, autres investissements, plus modestes mais tout aussi significatifs, trois vedettes de 200 places sont entrées en construction sur le chantier des Sables d’Olonne. Elles devront rejoindre Marseille pour l’été 2007 où elles assureront la desserte des îles du Château d’If et du Frioul. Ces unités seront bien mieux adaptées que celles, immatriculées en Bretagne, qui croisent aujourd’hui sur le Vieux-Port. Veolia, qui assure déjà les liaisons sur la rade de Toulon à partir d’une flotte d’une dizaine de vedettes, confortera ainsi sa vue sur baie.
FRET FERRÉ: LES DÉBUTS AVEC CMA CGM
Des investissements importants accompagnent également le nouveau pari de Veolia sur le fret ferré. Déjà, le lancement du 1er train privé en juin 2005 en Lorraine avait fait grand bruit. L’annonce en septembre du partenariat avec Rail Link (CMA CGM) n’en a pas fait moins. Il va à la vitesse d’un TGV.
Cinquante locomotives interopérables (adaptées aux différences de réseaux en France et en Europe) ont été commandées aux ateliers d’Alstom et de Vosloh (Allemagne). Prix de chaque traction, 3 M€. D’ici fin 2007, 100 nouveaux conducteurs actuellement en formation rejoindront les effectifs.
Sans attendre, le premier train privé à quitter la gare Marseile-Arenc pour celle Ludwigshafen, au sud de Francfort, devrait prendre le départ le 13 décembre. Au rythme de 90 EVP transportés, il effectuera, pour commencer, trois rotations par semaine. D’ici six mois, les deux sociétés créées à travers l’accord commun(2) mettront en service une nouvelle navette entre Marseille-Fos et Lyon. Entre-temps, une ligne s’ouvrira entre le port du Havre et l’Allemagne.
Le chiffre d’affaires attendu par les deux partenaires pour 2007 est de 30 M€, dont 10 pour la seule partie ferrée. Un démarrage plutôt tonitruant lorsqu’on sait que la totalité des contrats de Veolia Cargo (filiale fret) sur l’Europe a représenté quelque 86 M€ l’an dernier.
1) Menton, Nice (depuis 30 ans), Cannes, St Raphaël Fréjus, Toulon, Aix-en-Provence Aubagne La Ciotat. Il n’y a qu’Arles, Avignon et Marseille (où des liens existent toutefois avec la RTM, régie municipale) qui échappent encore à l’emprise. À ce réseau urbain, il faut rajouter les lignes interurbaines où le groupe déploie une vingtaine de filiales à travers le rachat d’entreprises existantes.
2) Leur nom n’est toujours pas connu. L’une, dont CMA CGM détient 51 %, joue le rôle d’opérateur de transport. L’autre, où Veolia Cargo dispose de 51 %, a un profil d’entreprise ferroviaire.
Groupe Veolia Transport
Il se compose de trois activités. Les transports urbains et interurbains, le maritime (6 500 salariés, dont les 2 000 de la SNCM) et le fer avec les passagers (Allemagne, Australie et États-Unis) et le fret (Veolia Cargo) en France, Allemagne et Pays-Bas. Cela représente:
• 2,5 milliards de voyages effectués;
• 2 milliards de voyageurs transportés
• 1,6 milliard de km parcourus;
• un chiffre d’affaires de 4,35 Md€;
• 72 300 salariés dans 25 pays.
dont Veolia Cargo
• Chiffre d’affaires: 86,3 M€
• 846 employés
• 22,5 Mt par an
• 189 locomotives