Étude américaine sur le terrorisme maritime et son indemnisation

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Plus de 140 pages, annexes et bibliographie exclues, sont consacrées à ce sujet devenu incontournable depuis septembre 2001. Les auteurs ont volontairement limité leurs réflexions au transport maritime de passagers et de conteneurs, car ils estiment que ces activités sont les cibles les plus importantes et réalistes de tous les segments du transport maritime. Les principales conclusions de l’étude sont les suivantes.

Pour le transport conteneurisé, les plus grands risques sont l’explosion mettant en œuvre des éléments radioactifs et l’impossibilité d’exploiter un terminal. Une prévention réelle du risque d’explosion radioactive passe nécessairement par le contrôle des matières ionisantes à leurs points d’origine. En effet, le contrôle des conteneurs tout au long de la chaîne de transport est peu pratique et imparfait compte tenu du volume à traiter et des erreurs inhérentes aux technologies d’inspection.

Le risque portuaire est principalement économique. Il peut être sensiblement réduit par une bonne planification des moyens facilitant la reprise de l’exploitation du terminal et de la chaîne du transport conteneurisé après une attaque terroriste ou une catastrophe naturelle.

Le plus grand risque en termes de vies humaines réside dans l’explosion de bombes installées à bord de ferries ou de paquebots et les attaques biologiques. Étant donnée la nécessité de laisser les passagers circuler librement à bord de ces navires, la prévention complète de ce risque est difficile. La méthode la plus efficace consiste à contrôler l’exploitation du terminal, à renforcer les mesures de sécurité pour les passagers et leurs bagages sur le terminal et à connaître précisément le passé des membres d’équipage et du personnel hôtelier.

Il y a de sensibles différences entre la perception des risques liés au terrorisme maritime et la réalité des menaces et des vulnérabilités. Ainsi, il y a peu de raisons de penser que les groupes terroristes et de pirates coopèrent. La motivation économique des seconds qui repose sur la stabilité des échanges, peut entrer en conflit direct avec celle des terroristes qui cherchent la perturbation maximale.

En outre, certaines formes plausibles de terrorisme maritime comme le sabordage d’un navire pour bloquer une voie maritime stratégique, paraissent peu probables. En effet, ces actes ne répondraient pas à la toute première motivation de la plupart des groupes terroristes, à savoir attirer l’attention le plus possible en faisant le plus grand nombre de morts.

Enfin, toute tentative de sabordage d’un navire de charge ou d’un paquebot suppose que soit trouvée une faille dans la conception de la coque; celle-ci devant limiter le risque de dislocation de la coque. Les experts estiment que l’utilisation de dispositifs explosifs improvisés a une capacité limitée à provoquer des dégâts catastrophiques sur une coque. En conséquence, une politique de lutte contre le terrorisme maritime ne doit pas reposer sur une perception des menaces.

L’INDEMNISATION DES VICTIMES: QUI PAIE?

La responsabilité civile est un aspect essentiel de la réponse institutionnelle d’un État à la menace terroriste, note le rapport. La responsabilité opère un transfert de la charge d’indemniser certains préjudices résultant d’un acte illicite vers des tiers qui ont une obligation légale de responsabilité. La probabilité d’obtenir une indemnisation de la part des terroristes étant faible, les tiers parties et les propriétaires doivent s’attendre à faire face à des demandes légales d’indemnisation. En conséquence, toute entreprise engagée dans le commerce maritime doit être consciente qu’elle court un risque spécifique et réfléchir aux moyens d’assurer sa responsabilité civile.

Le régime d’indemnisation des victimes du terrorisme maritime aux États-Unis s’inspirerait probablement de ce qui se pratique dans le maritime, en particulier pour les actes commis à bord ou contre des navires à passagers. Les règles maritimes, et en particulier, la limitation de la responsabilité du transporteur, pourraient entrer en confit avec celles du droit commun. Le législateur devrait réexaminer la pertinence du/des droit(s) applicable(s) en cas d’attaques terroristes.

Pour le transport conteneurisé, l’acte illicite pourrait entraîner des dommages à des terminaux portuaires ou situés à l’intérieur des terres, voire une interruption plus ou moins longue du système de transport. De nombreuses demandes d’indemnisation pourraient en résulter. Toute entreprise partie à un contrat commercial doit donc réfléchir attentivement aux conséquences de ces risques.

L’un des points les plus délicats et financièrement importants vient du risque que court une entreprise étrangère à l’activité de transport, d’avoir à faire face à de nombreuses demandes d’indemnisations d’ayants droit à la suite d’actes terroristes. Après les attaques du 11 septembre, le critère traditionnel de négligence dans la prévention du risque est de faible portée. Le législateur devrait donc examiner attentivement le ou les régime(s) d’indemnisation applicable(s) d’un double point de vue: fournir une indemnisation raisonnable aux victimes; et inciter les entreprises à faire des efforts en matière de prévention ou limitation des risques. Plus largement, le législateur doit réfléchir aux avantages et aux inconvénients d’un régime de responsabilité civile pour l’indemnisation des dommages causés par un acte terroriste.

Rand Center for Terrorism Risk Management Policy en bref

Basé en Californie, le Rand Center for Terrorism Risk Management Policy (CTRMP) dépend du centre de recherches et de réflexions non lucratif Rand Corporation. Le CTRMP fédère trois départements spécialisés: Rand Institute for Civil Justice; Rand Infrastructure, Safety and Environment; et Risk Management Solutions. À son comité consultatif, figurent plusieurs spécialistes de l’assurance, assureurs (dont Swiss Re America) et responsables de la gestion des risques chez des assurés (Generals Motors).

CTRMP travaille aussi bien pour les institutions gouvernementales que pour les entreprises privées. Ses recherches sur l’indemnisation des actes illicites ont servi de bases de réflexion pour la modernisation de la loi américaine sur l’assurance du risque terroriste (Terrorism Risk Insurance Act de 2002 actualisé en 2005). M.N.

Transport conteneurisé: de quelques dizaines à un million de morts

Le chapitre consacré aux risques et conséquences d’un acte terroriste dans le transport conteneurisé contient un édifiant tableau synthétique: par type de menace, sont estimées les conséquences en terme de morts et de blessés; en termes économiques directs; et en conséquence incorporelles.

Ainsi, un navire coulé en pleine mer, dans un port ou dans un canal pourrait “faire” quelques dizaines de morts, principalement l’équipage; causé des dizaines de millions de dollars (M$) d’indemnisation des victimes et autant pour les réparations. Quelques centaines de M$ seraient consacrées au remboursement des marchandises perdues. Les pertes d’activité chez les réceptionnaires sont estimées à plusieurs milliards. Un montant du même ordre de grandeur serait alors consacré au renforcement des mesures de sûreté.

Les conséquences incorporelles portent sur la perte en capital humain et les changements dans les structures de la consommation.

Les autres risques étudiés sont: la prise de contrôle d’un navire pour détruire une infrastructure; l’usage d’un conteneur pour faire sauter une bombe traditionnelle; le recours au conteneur pour faire exploser une bombe “sale”; une arme nucléaire. Considérée comme nécessitant les plus hautes capacités d’expertises, l’explosion d’une arme nucléaire cachée dans un conteneur ferait entre 50 000 et un million de morts; l’unité des comptes des dommages matériels serait le milliard (Md). L’indemnisation des victimes et de leurs ayants droit est estimée à plusieurs centaines de Md$; autant que les conséquences macroéconomiques à long terme. Cependant, ce scénario est jugé peu probable compte tenu des capacités d’expertises nécessaires. Par contre, la destruction ou la prise de contrôle du navire de charge sont estimées les plus probables.

Les procédures de sûreté mises en place depuis l’empotage d’un conteneur jusqu’à son embarquement rendent assez peu probable l’usage du conteneur pour cacher une bombe conventionnelle. Ce qui peut sembler contradictoire avec l’appréciation selon laquelle le contrôle de la chaîne du transport conteneurisé est peu pratique et imparfait compte tenu du volume à traiter.

M.N.

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