La compagnie de transport et de financement maritime Conti Reederei a commencé à transférer des navires sous pavillon de libre immatriculation cette année.
Elle invoque le manque d’officiers allemands disponibles, surtout de commandants, pour sa flotte de 80 navires. Selon son directeur général Niklaus Prols, cinq porte-conteneurs de 1 600 EVP sont passés sous pavillon libérien, car le pool de commandants allemands s’est réduit en raison des départs en retraite et des offres d’emplois de la part des autres armements allemands qui manquent également de navigants.
BAISSE DU NOMBRE D’OFFICIERS
Le nombre de navires sous pavillon allemand est passé de 587 à 603 à la fin de 2005, d’après les plus récentes statistiques de l’agence de navigation BSH. Entre janvier et juillet 2006, le nombre de navires appartenant à des intérêts allemands et immatriculés à l’étranger a augmenté de près de 20 % à 1 751 unités.
Or depuis quelques années, les armements allemands réimmatriculent des navires au registre national à la suite d’un accord conclu en 2003 avec le chancelier de l’époque Gerhard Schröder en échange d’abattements fiscaux. Ils ont tenu leur promesse de rapatrier cent navires fin 2005. Cependant, le nombre de navires sous pavillon allemand doit se maintenir à un niveau élevé mais indéterminé pour continuer à profiter de ces avantages, notamment la taxe au tonnage. Celle-ci, très favorable aux armements, est fixée chaque année selon la taille du navire et indépendamment des bénéfices qu’il permet de réaliser. Mais, le gouvernement fédéral ne la maintiendra sur une longue durée que si elle entraîne la création de plus d’emplois. De leur côté, les armements avertissent que ce ne serait possible que si les établissements d’enseignement supérieur accroissent considérablement le nombre de jeunes techniciens, en vue d’en faire des officiers de marine marchande.
L’association des armements allemands VDR estime à 1 000 le besoin d’étudiants en sciences nautiques dans les cinq prochaines années. Selon son directeur général Hans-Heinrich Noll, nombreux sont les officiers allemands, y compris des commandants, à travailler à bord de navires d’autres pavillons et guère enclins à revenir. Ils ont en effet trouvé un emploi stable… qu’ils n’ont aucune envie d’abandonner! Ils craignent que le nouveau gouvernement fédéral de grande coalition ne s’intéresse plus au transport maritime et les réduise à nouveau au chômage.
ASSOUPLIR LES RÈGLES
La plupart de la centaine de navires en commande devraient rejoindre le registre national… à condition qu’il y ait suffisamment d’officiers disponibles, a ajouté Hans-Heinrich Noll, qui a rappelé que la pénurie s’est aggravée depuis l’accord de 2003. En outre, tous les commandants doivent être allemands. VDR négocie donc avec les pouvoirs publics deux assouplissements:
• accepter des ressortissants de l’Union européenne;
• ne plus exiger des commandants de parler l’allemand car, avec des équipages du tiers monde, l’anglais est devenu la langue de travail.
Bien entendu, le syndicat de navigants Verdi s’y oppose. "Si cela se fait, a déclaré un porte-parole, il n’y aura plus d’incitation à employer des Allemands sur des navires allemands. Les équipages seront uniquement composés de ressortissants des pays à bas salaires de l’Union européenne, probablement de ceux de l’Est." Ce point de vue est proche de celui du gouvernement fédéral. "Le commandant d’un navire allemand représente l’Allemagne, a indiqué un fonctionnaire du ministère des Transports, une connaissance certaine de l’allemand est donc essentielle."
PEU D’ENTHOUSIASME POUR LE MÉTIER
Le syndicat Verdi reproche aux Länder de ne pas avoir formé assez de navigants pendant des années. "À Hambourg, centre du transport maritime allemand, l’établissement de formation maritime a fermé. Nous avons besoin d’une solution de longue durée. Cette année, près de 900 jeunes vont entamer une formation de marins en Allemagne. Mais il leur faudra dix ans pour obtenir leurs qualifications de commandants. C’est pourquoi la pénurie de commandants résulte d’une longue période de négligence."
De son côté, VDR a lancé une campagne promotionnelle visant les jeunes techniciens qualifiés, en insistant sur la croissance du transport maritime en Allemagne ces dernières années. Les armements ne peuvent que donner une formation pratique. L’enseignement technique à terre n’est guère concluant, souligne Hans-Heinrich Noll, parce que les Länder sont responsables de l’enseignement et non pas le gouvernement fédéral. L’un, qu’il n’a pas nommé, pourrait développer la formation maritime si les armements y apportent une contribution financière.
Enfin, VDR compte donner au manque d’officiers la priorité des débats entre les autorités locales et fédérales, lors de la conférence maritime nationale en décembre.