"À fin août, nous constatons une baisse de 7 %, ce qui n’est pas nécessairement significatif, en raison de la saisonnalité des mouvements", constate Vincent Seillez, chef de service commercial lignes Antilles/Guyane-Europe import pour CMA CGM. Ramené à l’EVP, la baisse de volume ces dernières années est encore plus nette, car le passage au 40’ high cube reefer améliore la productivité de l’ordre de 5 %. Outre les intempéries, la banane antillaise souffre des attaques qui affectent l’Organisation commune de marchés (OCM) ces dernières années. Les planteurs guadeloupéens ont été les plus affectés.
Fruits d’une coopération entre CMA CGM, Marfret et Mærsk, deux services desservent l’archipel; ils sont tous deux hebdomadaires et à jour fixe. Le premier tourne entre les ports métropolitains et les Antilles. Depuis l’été 2003, les quatre porte-conteneurs CMA CGM Fort-St-Georges, Fort-St-Pierre, Fort-St-Louis et Fort-Ste-Marie y sont déployés. Le service touche Dunkerque le lundi, puis Rouen, Le Havre et Montoir. Une petite partie de la cargaison débarquée à Dunkerque est transférée par fer vers Anvers. Ces navires de 2200 EVP de capacité nominale peuvent embarquer 500 conteneurs réfrigérés 40’ en direction de l’Europe. "99 % des conteneurs sont débarqués à Dunkerque, le solde à Montoir", rappelle Vincent Seillez. Bien que les navires soient loin d’être suffisamment chargés à l’import, malgré l’apport en transbordement à Pointe-à-Pitre d’une trentaine de 40’ en transbordement en provenance du Surinam, les navires sont "correctement dimensionnés", estime la compagnie, en raison de pointes saisonnières à l’export, notamment en fin d’année.
Le second service relie la Méditerranée aux Antilles et à l’Amérique centrale. Avec six navires de 1 300 à 1 600 EVP, il dessert Puerto Rico, La République Dominicaine, Panama, la Colombie et le Venezuela, en plus des Antilles françaises. Une dizaine de 40’ sont débarqués à Valence chaque semaine, pour le marché espagnol. Les ports français de Méditerranée, historiquement, accueillent plutôt la banane d’Afrique.
Si Marfret ne charge pas de bananes, CMA CGM et Maersk se partagaient jusqu’à présent ce marché où le français reste majoritaire. Mærsk, à l’époque de la guerre des compagnies sur cette niche, a séduit d’abord les groupements guadeloupéens, puis Banalliance, en Martinique. Mais depuis septembre, toute la banane antillaise ne charge que sur CMA CGM (JMM 6-10-2006, p. 7).
DUNKERQUE AIME LA BANANE
Depuis neuf ans, Dunkerque met les petits plats dans les grands pour accueillir la banane antillaise, et y trouve un intérêt stratégique. Les 50 000 conteneurs débarqués à l’import permettent de sauver les rechargements à l’export vers les DOM, un trafic menacé à la fin des années quatre-vingt-dix. Au total, cela représente une petite moitié des 200 000 EVP du terminal. Les compagnies CMA CGM et Mærsk ont ainsi été maintenues à Dunkerque. Puis les premiers groupements martiniquais ont été séduits, Sicama puis Gipam. Puis le groupe belge ConHexa a investi en 1998 dans Dunfresh, un entrepôt réfrigéré spécialisé dans la palette. Après la dernière extension achevée en décembre 2005, Dunfresh dispose de 28 000 m2 utiles à proximité du terminal conteneurs du port Ouest. Cet entrepôt, situé en plein territoire maritime sous ISPS, est libre de main d’œuvre docker. Banalliance, de son côté, spécialisé en chargement en vrac des conteneurs, a ouvert fin 2005 également un entrepôt de 4 900 m2 au port Ouest équipé d’une chaîne de palettisation très automatisée. L’Union des groupements de producteurs antillais, basée à Rungis a établi à demeure à Dunkerque, son équipe de contrôle qualité. La noria de transporteurs frigorifiques espagnols et italiens de retour du Royaume-Uni, en mal de fret de retour viennent charger chaque mardi et mercredi, en direction du sud de la France et de l’Europe. Les mûrisseries du Nord de la France, de Rungis, de l’Europe du Nord et de l’Est sont également approvisionnées depuis Dunkerque. L’effort de rationalisation et de baisse des coûts logistique, accompagnant la chaîne de qualité de la banane, depuis les Antilles jusqu’à sortie d’entrepôt à Dunkerque a permis des performances et une baisse du coût global, dans une négociation "gagnant/gagnant", affirme Vincent Seillez.
Banane: un tapis rouge au départ de Fort-de-France
Le 21 septembre dernier, Alfred Almont, député-maire UMP de Schoelcher (Martinique), venant de Bruxelles, s’est arrêté à Dunkerque, 1er port français d’importation de la banane antillaise. Une forte délégation de professionnels et partenaires sociaux du port de Fort-de-France (CMA CGM, transporteur et manutentionnaire, des syndicats des portiqueurs et des dockers), l’accompagnait, comme le planteur Charles Rimbaud. La banane, dont le régime d’aide aux producteurs va être réformé, était au cœur du sujet.
“Tout en respectant le droit de grève constitutionnel, nous avons fait en sorte à plusieurs reprises que l’exportation de bananes soit le moins pénalisée possible par les mouvements”, a affirmé à Dunkerque José Jean-Baptiste, secrétaire général du Syndicat des ouvriers dockers de la Martinique. Il est à présent question d’aller plus loin, et de mettre au point avec l’ensemble des professions portuaires un accord de place qui déroule un tapis rouge à la banane au départ de Fort-de-France (280 000 t approximativement, contre 60 000 t depuis la Guadeloupe). Employeurs et syndicalistes dunkerquois ont été soumis à un feu roulant de questions, pour inspirer les négociations à venir. Pour y parvenir, l’Union et les groupements ont engagé une forte campagne de sensibilisation auprès des dockers et portiqueurs. Une délégation, explique Charles Rimbaud, planteur, “est venue découvrir chez moi une réalité qu’elle ne connaissait pas”.
