Le conseil d’administration du Port autonome de Dunkerque (PAD) du 6 octobre a décidé de confier à EDF la construction et l’exploitation d’un terminal méthanier au port Ouest. Sa mise en service est prévue en 2011, mais deux ans d’études au moins sont nécessaires. En principe, EDF et le PAD se réservent la possibilité d’y renoncer, mais cette hypothèse n’est pas cohérente avec leur "projet toutes énergies". La capacité de l’ouvrage serait de 6 Mdm3/an, soit 4,5 Mt de trafic pour 80 navires environ au début. Une deuxième phase d’une capacité identique est envisagée. Le terminal pourrait recevoir les plus grands navires existants, soit de 260 000 t ou 300 000 m3 environ. Il comprendrait un appontement situé à l’est de l’avant-port Ouest, dans la zone du Clippon au sud de la digue du Ruytingen. Un pipeline conduirait le gaz liquide à des bacs de stockage, dont la taille commande en fait la capacité du terminal. Le dispositif comprendrait aussi une unité de regazéification implantée dans la zone industrialo-portuaire. Au total, l’investissement atteindra 500 M€ environ. À titre comparatif, les unités de gazéification géantes du Moyen-Orient ou du Nigeria, situées auprès des champs d’extraction, coûtent des milliards d’euros.
EDF a été choisi à la suite d’un appel à projets, auquel cinq entreprises avaient répondu. Pour lui, ce projet s’inscrit dans un effort industriel et logistique coordonné en Europe du Nord. L’électricien devenu "poly-énergéticien" a signé le 3 octobre des "accords préliminaires" avec les néerlandais Gasunie et Vopak ainsi que le belge Fluxys, filiale de Suez. Avec Gasunie, EDF réserve 10 % du capital du terminal méthanier de Gate à Rotterdam. Avec le logisticien Vopak, EDF réserve une capacité de 3 Mdm3 sur le même terminal. Avec GTS, filiale de Gasunie, et le transporteur Fluxys, il a déjà réservé une capacité de 3 Mdm3 pour le transit vers le sud via le Belgique. Il a enfin réservé une capacité de transit de 2 Mdm3 entre le Royaume-Uni et le continent. Ce dispositif est destiné à renforcer l’avancée d’EDF vers le nord de l’Europe. L’énergéticien français est déjà implanté en Allemagne, au Royaume-Uni et au Benelux. En outre, il construit une centrale à cycle combiné de 870 MW aux Pays-Bas, en association avec la société néerlandaise Delta.
Pourquoi Dunkerque?
“Nous avons lancé cet appel à projet parce que nous avons été sollicités par plusieurs grands opérateurs”, annonce Jean-Claude Terrier, directeur général du PAD. De fait, c’est aujourd’hui la ruée vers le gaz, et chacun prend position dans les ports. EDF a besoin de capacité en France, et “Dunkerque s’impose naturellement”, commente le délégué régional d’EDF Nord-Pas-de-Calais, Étienne Corteel. Cette décision se comprend dans le contexte du développement des activités toutes énergies de l’électricien national. EDF traite déjà, non comme producteur, mais comme acheteur et distributeur, quelque 28 Mdm3 (Gm3) de gaz, avec ses filiales Edison (Italie), ENBW (Allemagne), et EDF Energy (Royaume-Uni), ainsi que par une filiale de commercialisation en Belgique. Le groupe, acheteur au prix de gros sur le marché mondial, veut vendre 40 Gm3 en 2010 et 50 Gm3 en 2015. Malgré ses emplettes et réservations logistiques aux Pays-Bas et en Belgique, EDF a besoin d’une entrée “à lui” en Europe du Nord, qui ne peut être que portuaire. Pour que le montage logistique soit complet, une mise à jour du réseau de transport de GRT au départ de Dunkerque sera sans doute nécessaire à terme.