– Faits: un navire frigorifique fut affrété pour le transport d'une pleine cargaison de produits congelés (− 20o C) depuis un port sud-américain vers deux ports en Mer Rouge. Arrivé avec retard au port de chargement, et après différentes avaries et un déroutement, le navire entreprit la traversée. Au second tiers d'un transit d'une durée anormalement longue et après un second déroutement, une avarie de coque (non réparée lors de l'escale consécutive au déroutement) puis la panne d'un des trois compresseurs frigorifiques rendirent impossible le maintien de la température requise pour le transport de la cargaison. Tant au premier port qu'au second, toutes les expertises conclurent de la même manière que la cargaison était gravement avariée et impropre à la consommation humaine. En conséquence, elle fut interdite de déchargement. Le navire resta ensuite des mois sur rade à la recherche d'une solution. Un accord fut finalement trouvé entre l'armateur et son P&I Club et les intérêts cargaison et leurs assureurs. Le navire fit ensuite escale dans divers ports de la zone pour se débarrasser de la cargaison dont une partie sera jetée à la mer avant son arrivée à un chantier de démolition en Inde.
Par une sentence d'avant dire droit, les arbitres conclurent qu'il n'existait aucun indice permettant de supposer que la cause du rejet de la cargaison se trouverait être la présence d'antibiotiques interdits qui auraient pu être administrés aux animaux avant abattage. La demande d'expertise, au demeurant tardive, formulée par le fréteur fut donc rejetée. Ultérieurement, ce dernier abandonnera ce chef de demande au titre du vice propre de la cargaison.
– Compétence et recevabilité: après s'être déclarés compétents, y compris à l'encontre le P&I Club du fait de son intervention volontaire, les arbitres conclurent à l'irrecevabilité des demandes (1) de l'affréteur, partiellement, pour celles d'entre elles hors du champ de son droit d'action (2) de la société contrôlant l'affréteur et le chargeur, les demandes étant mal fondées et le préjudice non caractérisé (3) du chargeur dont la demande était fondée sur les contrats de vente sans que puisse être valablement considérée la recevabilité au travers de la jurisprudence « Mercandia Transporter », sans objet en l'espèce puisque relative au contrat de transport (4) du P&I Club, intervenant volontaire, parce que prescrite. Furent également rejetées les demandes tendant à considérer les conséquences de l'intervention du P&I Club (même irrecevable) sur sa mise en cause antérieure et sur la possibilité d'action directe à son encontre.
Les seules parties intéressées à l'instance se trouveront finalement être l'affréteur (demandeur) et le fréteur (défendeur et demandeur reconventionnel).
– Innavigabilité du navire et responsabilité du fréteur: considérant, d'une part, les nombreux manquements du fréteur aux obligations de la charte-partie (navire non mis en état pour le bon déroulement de l'expédition, nombreuses avaries avant et pendant le voyage, incompétence du capitaine, carences des services de l'armement dans l'opération du navire, impossibilité de tenir la vitesse décrite causant un retard ayant aggravé la situation, non-respect du code ISM), et, d'autre part, la responsabilité pleine et entière du navire, de son capitaine et du fréteur quant à la cause des avaries à la cargaison résidant dans l'incapacité à tenir la température contractuelle requise pour le transport, les arbitres déclarèrent le navire innavigable au départ du voyage, et, au cours du voyage, le fréteur et le Capitaine furent reconnus défaillants dans leurs obligations liées au transport, à la garde et aux soins à la cargaison.
– Rejet de la cargaison: les constatations unanimes et non contestées sur l'état désastreux de la cargaison à l'arrivée, permirent aux arbitres de considérer que le rejet de celle-ci était justifié, d'autant plus qu'il s'agissait de marchandises destinées à la consommation humaine pour lesquelles aucun risque n'était permis, le principe de précaution s'imposant.
– Obligation de décharger: le premier alinéa de l'article 9 du décret du 31 décembre 1966, la clause 5 de la charte-partie et la jurisprudence de la CAMP sont absolument clairs sur l'obligation qu'à l'affréteur de décharger la marchandise, obligation qui, dans son principe, est incontestable.
L'affréteur n'a pas rempli cette obligation, mais cette inexécution tient à la décision d'interdiction de décharger des autorités successives des ports de destination, qui trouve sa cause directe dans le défaut de navigabilité du navire et dans les manquements dans les obligations liées au transport, à la garde et aux soins à la cargaison, c'est-à-dire dans l'inexécution par le fréteur de ses propres obligations fondamentales.
Constatant que le lien de causalité entre la faute du fréteur et les décisions d'interdire le déchargement de la cargaison était suffisamment étroit et direct, le Tribunal décida que le navire serait tenu responsable des avaries à la cargaison et des conséquences qui en découlent.
– Surestaries et détention: le décompte de temps fut interrompu au moment de la constatation des avaries au premier port et le temps alloué n'ayant pas été entièrement employé, les arbitres conclurent qu'il n'y avait pas lieu à surestaries, et qu'il n'y avait pas, non plus, lieu à détention qui correspond à des dommages et intérêts ne pouvant être réclamés par la partie ayant causé le préjudice.
– Transaction: une fois le protocole transactionnel signé, le fréteur, ayant obtenu les droits afférents à la cargaison, en a disposé à sa convenance, ce qui ne peut lui être reproché, rien, en outre, ne lui faisait obligation d'en tenir informé les chargeurs. Les arbitres constatèrent, à l'examen du protocole transactionnel quadripartite, que les intérêts vendeurs avaient été exclus au motif de ne pouvoir prouver détenir des droits sur tout ou partie de la cargaison en cause. Ils furent d'avis qu'il convenait alors pour les intérêts vendeurs, contestant cette exclusion, de se retourner contre ceux (acheteurs) qui prétendaient détenir des droits qu'ils n'avaient pas et qu'ils ont cédés et non pas contre ceux (fréteur et P&I Club) qui les recevaient moyennant paiement d'une indemnité transactionnelle.