C’est ce qu’a expliqué le commandant Barry Turner (cabinet juridique Clyde & Co), au cours d’un séminaire sur les enquêtes et accidents de mer organisé à Londres les 12 et 13 juin par la Lloyds’ Maritime Academy. Ces fortunes de mer peuvent impliquer l’armateur ou l’opérateur du navire, l’État du pavillon, le P & I Club, l’équipage, l’assurance corps et faculté, la société de sauvetage et l’Association de sauveteurs, la société de classification, l’affréteur coque nue, à temps ou au voyage, le chargeur, l’État du port, le Bureau Enquête Accidents (Marine Accident Investigation Bureau en Grande-Bretagne), les agents, pilotes et remorqueurs du port, la banque, les réclamations de tiers (pollution etc.) et d’autres navires. Les investigations de sinistres peuvent se compliquer lorsque des avocats s’en mêlent et que des limites sont définies. Toutefois, un enquêteur prudent doit vérifier qui d’autre est concerné par la situation et s’il doit rendre compte à d’autres parties ou partager des informations avec elles. Souvent, les enquêteurs n’y pensent pas.
De son côté, David Pockett (London Offshore Consultants) a présenté les problèmes en cas de sinistre grave. Une action rapide est indispensable pour mobiliser toutes les parties concernées. De nombreux sinistres présentent des conséquences politiques et impliquent les autorités publiques. Par exemple, le dédouanement d’équipements indispensables à un sauvetage cause des difficultés considérables avec les Douanes, qui souvent prennent beaucoup de temps pour donner leur accord. Le retard peut aggraver davantage le sinistre. Le plus important est d’obtenir que les diverses parties "sur le terrain" travaillent en équipe. C’est parfois difficile à réaliser pour des raisons politiques locales. Il faut alors user de beaucoup de diplomatie et de tact. En outre, la presse est à prendre en considération car une mauvaise couverture médiatique rend souvent la situation pire qu’elle ne l’est en réalité. David Pockett suggère de nommer un responsable de la communication… à qui toutes les informations doivent parvenir. Souvent les détails du sinistre ne sont entièrement connus qu’à l’arrivée sur site d’un sauveteur ou d’un spécialiste. Le responsable du sauvetage doit toujours conserver le contrôle global.
Le traitement juridique du sinistre d’un navire-citerne peut susciter de nombreuses difficultés en raison du conflit possible entre les différentes juridictions, réclamations et parties susceptibles d’être impliquées.
En cas de sinistre, la réaction initiale est importante, car il faut en priorité minimiser les pertes et maximiser les perspectives de récupération. Preuves et témoignages doivent être collectés le plus vite possible.
Les difficultés particulières aux avaries communes ont été présentées par le dispatcheur Tim Madge. Le rôle du commissaire d’avaries consiste à calculer la contribution de chaque marchandise aux frais de sauvetage en fonction de sa valeur. Les difficultés sont considérables pour un porte-conteneurs en raison des milliers d’évaluations à faire. C’est rendu encore plus compliqué par le déchargement rapide et le transbordement de la cargaison. Il est difficile d’exercer un droit de rétention sur la marchandise en transit, d’autant plus que, souvent, divers affréteurs d’espaces sont concernés. Selon Tim Madge, plusieurs réglementations s’appliquent. Les chargeurs sont enclins à adopter les règles de York/Anvers 2004, qui ne font qu’amender celles de 1994. En revanche, les armements insistent sur celles de 1974 et 1994, qui leur sont plus favorables.
VOLONTARIAT ET COERCITION
Le rôle des États du pavillon dans les enquêtes d’accidents a été analysé par John Ramage de l’organisme International Registries, qui gère le registre des Îles Marshall.
Une investigation isolée est une réaction… qui consiste davantage "à fermer la porte après que le cheval ait déguerpi". Toutefois, ses conclusions et recommandations devraient être accessibles au bon moment et à toutes les parties concernées par un accident et intéressées à l’exploitation de navires. Ces recommandations devraient être appliquées à bord des navires et, s’il le faut, également à terre. Elles feront alors partie du programme de prévention des accidents.
La navigation et l’armement de navires sont considérés comme des tâches à hauts risques. Dans un tel contexte, à défaut d’éradiquer totalement les sinistres, il est possible de les réduire considérablement en élevant les normes de sécurité à terre et à bord. En pratique, cela prend la forme de programmes facultatifs ou obligatoires.
Certains armements ont adopté les techniques des analyses de risques, où les tâches à bord sont étudiées et font l’objet de procédures pour les remplir de façon plus sécurisée. Certains, comme les grands armements et compagnies pétrolières, sont ainsi parvenus à un niveau élevé de sécurité. D’autres n’y accordent guère d’attention. Mais la plupart des opérateurs se situent entre ces deux extrêmes. La certification ISO 14000 et les passeports "verts" pour navires font partie des ces programmes d’incitation.
Le code ISM est en vigueur depuis des années. Malgré les opinions divergentes à son sujet, il a été mis au point pour améliorer les normes à bord des navires. Les États du pavillon doivent s’assurer que les navires immatriculés chez eux respectent les conditions du code. Leurs approches sont différentes. Certains, comme la Grande-Bretagne, préfèrent effectuer eux-mêmes les inspections et audits réglementaires. D’autres, comme les Îles Marshall, délèguent ces tâches à des sociétés de classification, tout en assumant leur responsabilité.
Les États du pavillon tirent leur autorité de la convention des Nations unies sur le droit de la mer (UNCLOS). Des administrations, dont celle des Îles Marshall, jouent un rôle actif au sein de l’OMI. Il existe un programme d’audit facultatif visant à s’assurer que les États membres remplissent leurs obligations quant aux conventions internationales, en vue d’élever les normes des navires battant leur pavillon. Bien entendu selon John Ramage, le registre des Îles Marshall est d’un niveau qualitatif élevé. Toutefois, plusieurs intervenants à la conférence ont souligné que de nombreux pavillons laissent à désirer en ce qui concerne les équipages et divers standards.
Enfin, Ian Matheson (Meridian Marine Management) a insisté sur l’importance de bonnes relations avec les gens du cru, qui ont souvent des connaissances spécialisées. Ainsi, lui-même s’était rendu dans un pays de la côte Ouest de l’Amérique du Sud pour enquêter sur les circonstances de l’échouement d’un vraquier. À son arrivée, il avait appris de son chauffeur de taxi que tout le monde dans la région connaissait l’existence d’un gros rocher près de la digue de chargement… où se trouvait le navire. Ce fut considéré comme une preuve dans une réclamation réussie à l’encontre d’un port non sécurisé!