La Cour des comptes s’interroge sur les performances des places portuaires françaises

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Après le sévère bilan établi par la Cour elle-même sur la suite données à ses observations sur les places portuaires durant les vingt dernières années, le travail de Sysiphe a repris. Mais le rapport 2006 est centré sur le trafic conteneurisé, celui qui connaît le plus fort développement et "pour lequel la situation concurrentielle des ports français est la plus médiocre. C’est aussi celui où les enjeux d’investissement et les problèmes industriels et sociaux sont très particuliers".

Les objectifs du rapport de la Cour sont doubles:

→ "identifier les conditions qui doivent être remplies pour que les ports maritimes sur lesquels l’État a choisi de concentrer ses efforts, Le Havre et Marseille, retrouvent la place dans le trafic des conteneurs qu’ils ont progressivement perdue à l’échelle européenne;

→ définir les conclusions que l’État doit tirer de l’intégration de ses opérateurs dans un secteur économique concurrentiel."

La Cour "considère qu’au travers de l’exemple du trafic portuaire par conteneurs, se dessinent les enjeux de la politique portuaire française et la nécessité de son adaptation en profondeur".

Les titres des cinq chapitres composant le rapport sont explicites: "Des performances médiocres pour les ports français"; "Une modernisation inachevée des terminaux à conteneurs"; "Une insertion insuffisante dans les réseaux de desserte continentale"; "Des choix stratégiques pour l’État" avec un sous-chapitre consacré à "L’insuffisance du pilotage stratégique de l’État".

UN CONSTAT SANS SURPRISE ET SANS COMPLAISANCE

Le constat dressé par la Cour est sans surprise pour les professionnels et les utilisateurs des ports: malgré une augmentation "significative" de leur trafic au cours des cinq dernières années, les parts de marché en Europe des ports français ont diminué de 42 % depuis le début des années 1990.

Le Havre et Marseille traitent 84 % du trafic conteneurisé dont 60 % passent par le premier. Le développement du port normand a été "limité par le retard de plusieurs années" dans la mise en service de Port 2000. "[…] La faible compétitivité du port de Marseille s’est traduite par la perte de près de la moitié de sa part de marché et aucune inflexion positive n’apparaît depuis 2000".

Seul Dunkerque sauve la mise mais sa faible part de marché, 6 %, ne lui permet pas d’atteindre une dimension européenne "significative".

"Les coûts de passage portuaire dans les ports français sont supérieurs à ceux de leurs principaux concurrents, en raison, notamment, de coûts de manutention élevés, d’une organisation peu performante des opérations de chargement et de déchargement, et d’une insuffisante optimisation des linéaires de quai", écrit la Cour. Elle s’appuie en partie sur les constatations réactualisées de l’observatoire des coûts de passage portuaire.

Ce dernier note qu’en 2005 pour un porte-conteneurs de 6 400 EVP réalisant 2 600 mouvements par escale, le passage à Marseille était de l’ordre de 170 000 € et de 150 000 € au Havre contre 130 000 € à Anvers et un peu plus de 140 000 € à Rotterdam.

"Le climat social est à l’origine de nombreuses perturbations, notamment à Marseille, qui nuisent à la crédibilité d’une place portuaire auprès des chargeurs et des armateurs et ne rassurent pas les opérateurs qui souhaitent y investir" poursuit la Cour.

UNE RÉFORME TOUJOURS INACHEVÉE

Autre point de vue: la réforme "inachevée" de l’organisation du travail portuaire, déjà soulignée en 1999. "L’arrivée des opérateurs internationaux devrait achever la modernisation du secteur de la manutention portuaire, y compris à Marseille, où la réforme est la moins aboutie" estime la Cour. "En tout état de cause, le financement direct et indirect apporté depuis des années par les ports aux sociétés de manutention ne paraît plus justifié aujourd’hui. Les ports devraient pouvoir en retirer une contrepartie et une amélioration de leur situation concurrentielle, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui" conclut la Cour.

QUI PAIE, COMMANDE

Entre l’absence de réflexion prospective sur l’avenir des ports à dix ans, et la part de plus en plus modeste de l’État dans le financement des infrastructures portuaires, la Cour s’intéresse également à la gouvernance des ports autonomes qui n’ont d’autonome que le nom. "Les représentants des usagers et du milieu portuaire sont en position de peser de façon significative sur les délibérations des conseils (d’administration) alors qu’ils ne détiennent aucune participation dans les ports autonomes" note la Cour. Elle estime que "les ports s’en trouvent affaiblis et des conflits entre l’intérêt social de ces établissements et celui de certains représentants de la place peuvent surgir". La Cour "recommande que la réforme de l’organisation des ports maritimes permette, en droit comme en pratique, à la principale collectivité publique porteuse du projet de développement de disposer d’un pouvoir effectif d’impulsion et de direction".

Mais le pouvoir de développer ou non les trafics devrait toujours rester entre les mains des "usagers", chargeurs ou armateurs, probablement peu attirés par le principe du "qui paie, commande".

Notons également que jamais la Cour ne s’interroge sur l’adéquation ou non des capacités portuaires nationales avec la relative faiblesse des échanges maritimes conteneurisés de la France.

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