Déjà implanté à Roscoff, Saint-Malo et Cherbourg, c’est en 1986 que l’armement finistérien BAI décide de consolider ses positions normandes en s’installant à Ouistreham. Une idée qui germait déjà depuis plusieurs années mais que personne n’osait véritablement envisagé tant elle semblait synonyme d’ineptie puisque, comme le rappelle Alexis Gourvennec, le président directeur général de la BAI, "personne n’y croyait". "Et quand je suis allé voir le directeur des ports à Paris, il m’a ri au nez", ajouta-t-il. De plus, les instances politico-économiques normandes ne voyaient pas d’un bon œil la création d’une telle ligne qui allait concurrencer les terminaux haut et bas-normands déjà existants du Havre et de Cherbourg.
En dépit de cela, Alexis Gourvennec n’a pas tergiversé, sûr de son analyse purement géographique: "Où est Londres? Où est Paris? Caen est au milieu! Quand on débarque à Ouistreham, on peut aller vers toute la moitié Ouest de la France." Une analyse qui avait d’ailleurs prévalu à la construction du port de Roscoff dont tout le monde armatorial se gaussait à l’époque.
Pour créer le terminal de Ouistreham, une société d’économie mixte, la Sénacal (Société d’équipement naval du Calvados), est constituée dans le but d’acquérir et de financer les navires de la ligne qu’elle affrétera à la BAI. Et la nouvelle liaison est officiellement inaugurée le 6 juin 1986, avec la mise en service du Duc-de-Normandie, premier navire de la ligne Caen/Portsmouth.
LE PREMIER TERMINAL BAI
Les personnalités politiques et économiques nationales et régionales présentes au 20e anniversaire de cette ligne n’ont pas caché les très fortes dissensions qui avaient prévalu à la création de cette ligne initialement prévue pour 400 000 passagers et 20 000 camions. Mais après trois années d’exploitation seulement, l’exercice 1988-1989 fait état de 837 000 passagers et 54 000 camions. "Le succès est total et Caen/Ouistreham s’impose comme le nouveau port de Paris pour l’Angleterre." Au point qu’aujourd’hui, avec près du million de passagers, 265 000 voitures et 110 000 camions, Ouistreham est de très loin le tout premier terminal de la compagnie sur la Manche… tout comme il représente près des trois-quarts de l’activité du port bas-normand.
Un accroissement dû à la mise en place de navires neufs comme le Normandie en 1992, le Mont-Saint-Michel en 2003 et le Normandie-Express l’année dernière. "En 2005, le trafic a généré près de 1 000 emplois directs ou indirects dans la région et plus de 5 000 emplois induits", soulignent les responsables de l’armement en ajoutant que les touristes britanniques "ont dépensé près de 60 M€ en Basse-Normandie" cette même année.
VERS UNE STRUCTURE RÉGIONALE COMMUNE?
Pas question pour autant de s’endormir sur ses lauriers. "Le transmanche est fragile. Nous devons être attentifs à mieux fixer la clientèle britannique en Normandie", a souligné Bernard Cazeneuve, maire de Cherbourg et vice-président du Conseil régional tout en plaidant une alliance entre Caen et Cherbourg dans une structure commune pilotée par la Région. Même son de cloche à la BAI où, dénonçant "un manque de professionnalisme touristique", Alexis Gourvennec trouve "urgent de redonner envie aux Anglais de séjourner dans le Grand Ouest". Reste le fret qui, lui, continue à grimper pour atteindre aujourd’hui 20 % du chiffre d’affaires de l’armement, notamment sur les lignes normandes.
Pour s’adapter à cette donne, la BAI a déjà commandé deux nouveaux navires dont un fréteur pur sur Cherbourg. Mais à la Sénacal, des voix se sont élevées lors de 20e anniversaire de la ligne Caen/Portsmouth pour réclamer le remplacement de l’actuel Normandie par un "Mont-Saint-Michel 2" aux capacités de fret plus importantes. De son côté, la CCI de Caen va faire passer de cinq à sept hectares le terre-plein de la gare maritime afin de mieux répondre à la progression du nombre de camions.
