Le navire, propriété de l’armement Rix Shipping, transportait des véhicules d’occasion et des conteneurs entre Hull et Klaipeda. Régulièrement déployé entre les ports de la côte Est de la Grande-Bretagne et ceux de Lettonie, de Lituanie et d’Estonie, il avait franchi le canal de Kiel dans la matinée. Son commandant assurait pour la première fois ses fonctions au sein de l’armement. Il a déclaré avoir une confiance totale en son second à la passerelle. Toutefois, il n’avait pu se reposer suffisamment lors du passage dans les eaux très fréquentées de l’Elbe. Durant sa période de sommeil, il s’est levé au moins trois fois pour vérifier la densité du trafic de son hublot et avait fumé une cigarette avant de retourner se coucher et reprendre la veille à 6 h. Le pilote du canal de Kiel a embarqué à 07 h 45 au passage de l’écluse. Le commandant a été relevé à midi et est parti déjeuner. Dans l’après-midi, sa période de repos a encore été perturbée pendant le transit dans le canal par plusieurs passages à la passerelle. À 15 heures, il a remplacé le pilote à la manœuvre avant de franchir la dernière écluse. Le trafic à la sortie du canal était modéré. Le commandant est resté à son poste jusqu’à 16 h 45, quand il passé le relais à son second. À son retour à 18 h, les conditions météorologiques et l’état de la mer étaient bons. Le marin qualifié et également chargé de la cuisine, désigné pour la veille de 20 h à 24 h, s’est présenté à la passerelle à 19 h 45 pour savoir s’il devait rester ou non, comme le veut l’usage à bord du Lerrix. Le commandant a estimé la veille nécessaire et le marin cuisinier est resté à la passerelle. Selon ce dernier, le commandant n’a pas manifesté de signe de fatigue et s’est comporté normalement. À 22 h 30, l’homme de veille a demandé l’autorisation de quitter la passerelle pour terminer de nettoyer la cuisine. Le commandant ne savait pas que le navire était équipé d’une alarme, en fait défectueuse, et qu’aucune tentative n’avait été faite pour la mettre en œuvre. Peu après s’être trouvé seul à la passerelle, il s’est assoupi sur son siège. Le navire, en pilotage automatique, naviguait dans la voie est du rail à 10,5 nœuds. Il a manqué un changement de route prévu à 22 h 42 et a continué au cap 090 jusqu’à son échouement à 23 h 42. La progression du navire a été suivie par le système de régulation de trafic (VTS) de Warnemünde. Lorsqu’il devint évident que le navire ne suivait pas la route prescrite, les opérateurs du VTS ont tenté à plusieurs reprises de le contacter, sans succès, par VHF. Quand le second est arrivé sur la passerelle à minuit, le commandant, qui venait de se réveiller, avait mis le moteur en arrière toute. L’alarme générale s’est déclenchée et le sondeur mis en œuvre. À 00 h 07, le navire s’est dégagé. Lorsque le Lerrix a fait marche arrière, le commandant a mal évalué la direction et la distance à la terre. Quand il a compris qu’il y avait encore un risque d’échouement, il a mis le moteur en avant toute. Le navire a alors terminé son mouvement vers l’avant et y a échappé de peu.
Les gardes-côte ont inspecté le Lerrix à l’ancre, pour vérifier son étanchéité et procéder à des alcootests. Celui du commandant s’est révélé négatif. Le navire est parti à 18 h 30 pour Klaipeda pour y subir un examen sous-marin complet, qui n’a révélé aucun dommage.
ENCORE LA FATIGUE
La MAIB a conclu que la fatigue est un facteur clef de l’échouement. Chaque voyage du Lerrix ne durait que 3 ou 4 jours et l’escale 1 à 3 jours. Mais avec un rythme de 6 h de travail pour 6 h de repos, le commandant ne pouvait pas remplir toutes ses obligations sans perturber son temps de repos. C’est la mauvaise qualité de son repos pendant les deux pauses précédentes qui a directement contribué à l’échouement. Si l’homme de veille était resté à la passerelle conformément aux instructions STCW, le commandant ne se serait probablement pas endormi. De plus, si l’alarme dont disposait l’officier de quart avait été mise en œuvre lors du départ de l’homme de veille, l’accident aurait pu être évité. Enfin, le commandant avait un GPS portable connecté à un ordinateur personnel utilisant, comme principale source d’information, un plan de navigation piraté en 1999 sur internet, non remis à jour et dont les alertes ne fonctionnaient pas.
La MAIB recommande donc de prendre en compte l’importance de la fatigue et de rappeler que les commandants ont des obligations hors passerelle, qui peuvent sérieusement diminuer leur temps de repos réglementaire. Enfin, Rix Shipping a interdit l’emploi d’aides personnelles à la navigation par ses équipages.