Qui doit juger les pollueurs en mer: l’État du pavillon du navire ou l’État côtier, victime de la pollution? la question se pose depuis que l’armateur norvégien Euro Trans a demandé que le capitaine de son navire, le chimiquier Trans-Arctic, soit jugé à Bergen, plutôt que par le tribunal de Brest comme cela aurait dû se faire le 18 octobre 2005. Ce navire avait été surpris le 18 mars 2005 avec une nappe d’hydrocarbure dans son sillage, dans l’ouest de l’Île d’Oléron.
Sur la requête de l’armateur, la Norvège avait demandé que les poursuites soient suspendues. Ce que fit le tribunal de Brest en reportant l’audience au 5 avril dernier. Fin décembre 2005, après une transaction, et non un procès, Euro Trans avait finalement accepté de payer 360 000 € d’amende en Norvège, et son capitaine n’avait pas été inquiété. Une amende dont le montant est proche de la caution de 400 000 € fixée par le procureur de Brest lorsque le chimiquier avait été dérouté sur le port du Ponant.
Pour ce faire, la Norvège s’est appuyée sur l’article 228 de la convention des Nations Unies, dite de Montego Bay. Elle indique que l’État du pavillon peut engager lui-même des poursuites dans un délai de six mois après la constatation de la pollution.
La grande question qui s’est posée lors de l’audience du 5 avril, alors que le tribunal brestois réexaminait l’affaire, est de savoir s’il doit se dessaisir de l’affaire. Ce que suggère le procureur général de la cour d’appel de Rennes dans une note lue par le procureur de Brest, lors de cette audience. Il part du principe que nul ne peut être jugé deux fois pour le même délit. Et, évidemment, c’est ce que soutien l’avocat du capitaine norvégien.
Les défenseurs des parties civiles ont estimé que cette demande s’apparente à un abandon de la souveraineté de la France dans sa zone économique exclusive, et à des considérations plus diplomatiques que juridiques. Et, il reste les demandes de dédommagements de parties civiles non prises en compte en Norvège.
Les juges brestois rendront leur jugement le 7 juin. Il sera examiné à la loupe. Malte a engagé les mêmes démarches pour le Fast-Independence, l’un de ses cargos. Son procès a été renvoyé au 10 mai, à Brest.
Mærsk-Barcelona: 800 000 € d’amende!
Le 5 avril, le tribunal de Brest a rendu son jugement à propos du porte-conteneurs Mærsk-Barcelona (JMM du 10-02-2006, p. 13). Déclaré coupable du plus long rejet d’hydrocarbures (61 km), le 20 septembre 2005, ce navire avait été dérouté sur Brest. Le procureur de la république du tribunal de grande instance de Brest avait requis une amende de 600 000 € à l’encontre du capitaine ukrainien et de son armateur V Ships (Hambourg). Ce navire était affrété par Mærsk. Les juges brestois sont allés bien au-delà des réquisitions du procureur puisqu’ils ont condamné l’armateur et son capitaine à une amende de 800 000 €, la plus forte jamais infligée. Les parties civiles ont obtenu 13 000 .
Nova-Hollandia: condamnation définitive
Le commandant ukrainien du cargo maltais Nova-hollandia avait été relaxé le 15 juin 2004 par le tribunal correctionnel de Brest. Le parquet et les parties civiles ayant fait appel, il a comparu le 30 mai 2005 devant la cour d’appel de Rennes. Elle l’avait condamné à une amende de 250 000 € pour rejet d’hydrocarbures au large de la Pointe-du-Raz. La cour de cassation a rejeté le pourvoi du capitaine de ce navire. La condamnation à 250 000 € est donc définitive.
250 000 € d’amende pour l’Etly-Danielsen
Le 4 avril, le tribunal correctionnel de Brest a rendu son délibéré à propos du Etly-Danielsen (JMM du 03-02-2006, p. 5). Son capitaine a été reconnu coupable de rejet volontaire d’hydrocarbure le 13 février 2003. Après une deuxième expertise demandée par la défense ayant invoqué un dysfonctionnement du séparateur d’eau, le tribunal a condamné le capitaine de ce navire immatriculé aux Bahamas à une amende de 250 000 €. l’armateur devra en prendre 90 % à sa charge. Les parties civiles, associations de défense de l’environnement et comité régional des pêches, obtiennent près de 60 000 € de dommages et intérêts.