"Nous travaillons sur deux objectifs: le premier est de participer à l’appel d’offres sur la Corse, le second, de récupérer la participation de la SNCM dans la CMN", a-t-il déclaré à l’occasion du Tour de Corse, compétition automobile dont la CMN est un partenaire privilégié.
L’offensive a été confirmée par un courrier adressé par le p.-d.g. de la CMN et de STIM d’Orbigny, Robert de Lambilly, à son homologue de la SNCM, Bruno Vergobbi. Après avoir dénoncé il y a un mois le pacte d’actionnaires conclu en juillet 1992, il revient à la charge en apportant des précisions juridiques. Après avoir pris conseil auprès d’un avocat parisien, il conclut à la nullité en droit du partenariat et donc à l’impossibilité d’une obligation de cession de parts. Par ailleurs, une demande de rachat de participation a été adressée à l’État. La démonstration ne contient-elle pas un vice? En effet, si la nullité prévalait dans le pacte de partenariat, plus rien n’obligerait alors l’État à lui vendre la participation de la SNCM qu’elle pourrait céder à… Veolia Transports par exemple!
En allant à l’abordage, Francis Lemor se montre tranchant: "Le pacte n’existe plus et si la SNCM veut s’accrocher à un passé qui n’existe plus, c’est son affaire." Ce qui ne l’empêchera pas un an plus tard de faire appel aux mannes des fondateurs.
"Nous ne céderons jamais la CMN. J’ai fait la promesse à la famille Rousset de garder à la CMN son caractère familial et je respecterai cet engagement."
UN ARBITRE SUR LA CORSE?
La détermination de Stef-TFE s’explique par la conjoncture. Avec la privatisation de la SNCM, les dirigeants de Stef-TFE ont incontestablement flairé une bonne opération. Francis Lemor et Robert de Lambilly, anciens cadres supérieurs de la CGM où ils ont occupé les postes de directeur financier et directeur de la flotte, possèdent d’ailleurs une expérience rapprochée des opérations à la découpe public/privé. À la tête de la SNCM, on s’interroge ouvertement. Quel intérêt pousse Stef-TFE à prendre le contrôle à 100 % d’une petite compagnie de trois navires sur la niche mouvementée de la desserte Corse alors que l’activité maritime représente une quantité négligeable (5 %) chez ce spécialiste de la logistique frigorifique? Celui de détenir une compagnie aux finances saines (76,3 M€ d’activités pour des résultats positifs), à l’image positive et à un intéressant potentiel de développement. En effet, malgré le blocage du port de Marseille, le fret a enregistré une croissance de 3 % en 2005 avec 750 000 ml. Celui aussi de passer du rôle de supplétif à la position d’arbitre sur la desserte corse et notamment dans le choc qui oppose la SNCM et la Corsica Ferries. Deux positions, deux intérêts qui se monnaient. À combien justement peut être évalué le prix de la CMN? Stef-TFE proposerait 20 millions pour le rachat des parts de la SNCM tandis que chez cette dernière, on parle de 70 millions.
Mais la marge de manœuvre de Stef-TFE aura donc des limites. À commencer par celles de l’État auquel il s’oppose. Soutenant les futurs actionnaires de la SNCM, le gouvernement a affiché sa volonté de ne pas vendre un actif jugé "stratégique", notion qui avait été implicitement reconnue par la Commission européenne. Ce qui n’empêchera pas les dirigeants de Stef-TFE de porter l’affaire devant les tribunaux français et européen. Autre limite, celle du mois de septembre, date à laquelle seront déposés les dossiers de candidature à la continuité. Dans le même temps les observateurs pourront savoir sous quel pavillon se sera finalement rangé le groupe Stef-TFE.