Les résultats 2006 devraient être inférieurs à ceux de 2005 (467 M€ de résultat net consolidé). "C’est pour la période septembre-octobre 2006, à la fin de la haute saison que l’inquiétude est la plus forte" lit-on dans le rapport 2006 de BRS dans le chapitre consacré aux porte-conteneurs.
Enfin, à la fin novembre 2005, les taux de fret conteneurisés en sortie d’Extrême-Orient vers l’Europe et les Etats-Unis ont connu une baisse "sensible" alors que les navires étaient pleins, rappelait Jacques Saadé, toujours proche des réalités. "Les chargeurs et les transitaires ont fait pression à la baisse", ajoutait-il. Mais les navires sont restés pleins. De sorte que les jeux sont maintenant terminés et les taux de fret remontent à partir du 1er avril d’environ $ 200 par EVP. En fait, les armements membres de la FEFC vont faire payer cher les frayeurs qu’ils ont connues fin 2005 et début 2006: $ 200/EVP au 1er avril et autant au 1er juillet; plus une surcharge haute saison au plus tard le 1er août (JMM du 31-3-2006, p. 28).
Autre souci du président Saadé: avec un carnet de commande vide à partir de 2010, les chantiers coréens font des propositions pour construire des 12 000 EVP. La tentation est donc grande de passer à cette taille inconnue pour réduire encore un peu le coût au slot. Cela ne peut entraîner qu’une déstabilisation de l’offre de transport. Pour sa part, CMA CGM limite ses ambitions aux navires de 9 700 EVP et n’attend aucune livraison au-delà de 2010.
Il réaffirmait sa "croyance" dans le "grand avenir" du Havre si ce dernier trouve sa fiabilité. Visionnaire, Jacques Saadé envisage même de desservir l’Allemagne par train depuis Le Havre, à l’import: "Cela serait plus rapide et pas plus cher." Sur ces deux points, une démonstration par le calcul serait la bienvenue, ne serait-ce que pour estimer les ordres de grandeur de coûts entre un train complet et ses "malheureux" 80 EVP et un porte-conteneurs de 8 000 EVP qui remonte à Rotterdam ou Hambourg. Certes CMA CGM a montré ce qu’elle savait faire avec le train entre le Nord-continent et Marseille pour concentrer les trafics conteneurisés du Maghreb mais en Est-Ouest, on attend l’expérimentation. Il serait même question de remonter en train des boîtes depuis Fos vers le Nord-continent.
Toujours est-il que la CMA CGM est toujours à la recherche d’une association avec un tractionnaire ferroviaire; à défaut, elle n’exclut pas de s’y lancer seule.
Autre association recherchée, au moins dans le discours: celle unissant trois ou quatre armateurs pour investir dans les terminaux portuaires. Idéalement, quelques armateurs, un fonds d’investissements et un opérateur de terminaux, indépendant et minoritaire, regroupent leurs moyens financiers et investissent, en préservant l’équilibre des rapports de force. Cela permet d’échapper à Hutchison, PSA ou autre DP World ainsi qu’aux opérateurs locaux sans avoir à investir massivement.
AFRIQUE FRANCOPHONE: BOLLORÉ NE VEND PAS
"Ce matin (celui du 5 avril), Vincent m’a confirmé qu’il ne vendait pas sa manutention africaine" répondait Jacques Saadé; d’autant plus serein qu’il bénéficie d’une clause de "first refusal": si Bolloré décide de vendre, il doit d’abord proposer l’affaire à CMA CGM.
Son président ne prend aucun risque dans le conflit opposant les groupes Bolloré et Progosa: "Nous sommes de tout cœur avec le propriétaire" (du terminal de Lomé, N.D.L.R.).
Les grands axes Est-Ouest étant saturés ou presque, CMA CGM recherche des gisements de croissance vers les pays en développement dont les taux de fret se maintiennent encore: Brésil, où la compagnie cherche à s’assurer de la maîtrise de deux terminaux pour y faire transiter 250 000 EVP en 2006; COA en sortie de Méditerranée; etc.
En qualité de président de l’European Liner Affairs Association, Jacques Saadé ne pouvait éviter de parler de l’éventuel après "4056-86", le règlement qui régit les exemptions par catégorie dont bénéficie les conférences maritimes et dont la Commission européenne souhaite l’abrogation. Il a par ailleurs mis garde la Commission contre toute nouvelle entrave qui pèserait principalement sur les compagnies européennes au plus grand bénéfice de leurs concurrentes chinoises.