La Marine Accident Investigation Branch (MAIB) a rendu public son rapport d’enquête sur la collision du porte-conteneurs Savannah-Express de l’armement allemand Hapag-Lloyd avec la passerelle du poste 201 du port de Southampton le 19 juillet 2005.
Le navire, l’un des plus grands du monde en service, s’est trouvé en panne de machines dans l’entrée du bassin de giration avant d’accoster au Southampton Container Terminal. Il a subi quelques éraflures au niveau de l’étrave et a pu accoster avec l’aide de trois remorqueurs. En revanche, la passerelle a été gravement endommagée au point d’être inutilisable avant d’importants travaux. Avant la collision, deux remorqueurs se sont positionnés à l’avant et à l’arrière du Savannah-Express. Ils n’avaient ni la puissance nécessaire, ni assez de place pour manœuvrer. Selon la MAIB, ils ne correspondaient ni à sa taille, ni à ses besoins propres. Le Savannah-Express avait déjà eu une panne de moteur dans la matinée lors de l’approche de Nab Tower, zone d’embarquement du pilote. Il avait jeté l’ancre et subi des réparations avant de repartir pour Southampton. Le pilote savait que le moteur avait tourné avant de quitter le point d’ancrage mais pas qu’il avait tourné uniquement en marche arrière. Une heure après avoir quitté le point d’ancrage, il a été informé que la cause de la panne de moteur n’avait pas été établie avec certitude. Pourtant, aucune précaution supplémentaire n’a été prise. Le Savannah-Express est équipé d’un nouveau moteur diesel lent sans arbre à cames normal, ni embrayage mécanique synchrone. Ce système a connu plusieurs difficultés techniques depuis la sortie du navire d’un chantier sud-coréen en avril 2005. À Singapour, un ingénieur du fabricant du moteur est venu à bord réparer diverses défectuosités sous garantie.
En outre, trois des quatre senseurs de pression du système hydraulique n’avaient pas fonctionné pendant les deux mois précédents. Pourtant, l’ingénieur n’avait pu fournir de pièces de rechange, faute d’approvisionnement. Pour le chef-mécanicien du bord, les senseurs ne servaient qu’à indiquer uniquement la pression et la perte du dernier senseur ne devait pas entraîner l’arrêt du moteur. Il a donc déclaré au commandant qu’il se contenterait de faire partir le navire avec un seul senseur en fonctionnement.
BEAUCOUP D’ÉLECTRONIQUE, PAS ASSEZ DE FORMATION
Sans senseurs de rechange et par suite d’une erreur d’interprétation de l’indication de la pression hydraulique, les mécaniciens ont perturbé, sans le savoir, une commande électronique de mise en œuvre du système de secours. Il s’en est suivi une insuffisance de puissance hydraulique pour actionner la marche arrière. Plus tard, quand celle-ci a été actionnée dans le bassin de giration, le moteur n’a pas répondu. Le fabricant de ce nouveau moteur a assuré un stage de courte durée aux opérateurs mais ni le chef-mécanicien, ni le l’ingénieur-électricien du Savannah-Express ne l’ont suivi. Toutefois selon la MAIB, ce stage est superficiel et ne leur aurait pas donné les connaissances suffisantes pour effectuer le bon diagnostic ni près du Nab Tower, ni dans le bassin de giration. Le fabricant du moteur a fourni un numéro de téléphone d’urgence accessible 24 h sur 24 pour obtenir des conseils techniques supplémentaires. Or le chef-mécanicien, qui venait d’embarquer avec un court préavis, ne le savait pas. Les mécaniciens du bord étaient expérimentés et titulaires des certificats STCW. Pourtant, ils n’ont pu établir correctement la cause de la panne de moteur ni au Nab Tower, ni dans le bassin de giration. L’électrification croissante des contrôles du moteur et des systèmes de propulsion exige des besoins en formation accrus. Les normes de formation STCW des mécaniciens embarqués n’ont pas été mis à jour par rapport aux systèmes modernes d’ingénierie. L’accident a mis en lumière l’impérieuse nécessité de développer des formations spécifiques adaptées.
Le gestionnaire du Savannah-Express, l’Autorité portuaire de Southampton et la compagnie de remorquage ont pris des mesures à la suite de l’enquête de la MAIB. Cette dernière a également diffusé, auprès des armements du monde entier, un résumé de l’accident avec les leçons à en tirer. Elle préconise la formation des mécaniciens et électriciens embarqués et d’améliorer les cours de formation des fabricants de moteurs contrôlés électroniquement. Compte tenu du dommage causé à la passerelle du port, elle recommande aussi de tester complètement les principaux systèmes de propulsion des grands navires avant leur départ.