L’assemblée de Corse est allée au bout de la nuit, à 2 h 30 du matin, le 25 mars, pour finalement adopter le règlement particulier d’appel d’offres sur les lignes maritimes de Marseille/Corse et le cahier des charges qui lui est attaché. La décision ouvre un calendrier qui prévoit le lancement officiel de l’appel d’offre début mai et une désignation par l’Assemblée de Corse du (ou des) délégataire du service public maritime à l’automne.
En attendant, les analystes de tout bord se sont penchés sur le résultat des longues délibérations des élus corses. Les fondamentaux de la proposition élaborée par l’Office des Transports Corse n’ont pas été modifiés. La délégation de service public entre Marseille et six ports corses (1) s’inscrit dans une certaine continuité même si elle est allongée de cinq à six ans, voire sept ans. Une enveloppe annuelle de 90 M€ lui est attribuée. Sur les lignes entre la Corse, Nice et Toulon, le système d’aide aux passagers transportés en place depuis 2002 est reconduit et prolongé à sept ans.
"Le texte adopté montre que la Corse ne renonce pas à un service public fort au départ de Marseille", déclare, visiblement soulagé, Maurice Perrin, délégué CFE-CGC de la SNCM. Traduction, l’avenir de la toujours compagnie publique se trouve encore préservé et les repreneurs, Butler Capital et Veolia Transport, ne sont pas contrariés dans leur marche. "La situation reste ouverte, tout est donc possible dans un sens comme dans un autre. Le déclin de la SNCM n’est pas complètement écarté", tempère toutefois le secrétaire fédéral des Bouches-du-Rhône du PCF, témoin attentif et actif de la situation. Ange Santini, président de Collectivité territoriale corse se montre encore plus nuancé: "La Corse tient à l’existence de la SNCM et des emplois qui y sont attachés de part et d’autre de la Méditerranée", a-t-il indiqué lors des débats tout en soulignant "qu’il ne souhaitait la mort d’aucune compagnie", tout en refusant "tout monopole".
OFFRE GLOBALE OU LIGNE PAR LIGNE?
La ligne tracée tient de la corde raide. Dans le débat du Parlement corse, on a ainsi assisté à de légers coups de balanciers. Le texte de départ prévoyait une mise en concurrence ligne par ligne au départ de Marseille. Le texte adopté précise que "les candidats présentant une offre globale en conformité avec leurs possibilités de nature à optimiser la desserte de l’île dans son ensemble bénéficieront d’une prise en compte privilégiée". Avantage serait donc donné à une offre globale que la SNCM semble seule à proposer? Ce n’est pas évident, un peu plus loin le texte "n’exclut pas la possibilité d’une offre en ligne". Les navires à géométrie variable mériteraient d’être inventés.
Autre point délicat, il était initialement prévu d’inclure une disposition pour prévenir les effets de conflits sociaux, c’est-à-dire la mise en place d’un service minimum en cas de grève. Longuement débattue, la modalité a été finalement retirée de crainte de la voir retoquée par le Conseil constitutionnel. Dans le même temps, l’amendement proposant une vérification de la probité des entreprises soumissionnaires, un trait qui visait l’opacité de la structure financière de la Corsica Ferries, a également sauté.
Le nouveau cahier des charges du contrat de continuité ne fait donc pas apparaître d’écueil majeur pour les repreneurs de la SNCM, qui avaient posé comme condition que les termes du nouvel appel d’offres soient similaires au précédent. Avec notamment l’augmentation décidée de la capacité annuelle en sièges sur la ligne Propriano/Marseille de 80 000 places, le volume du "service complémentaire" rendu nécessaire lors des périodes de pointe, a été quelque peu "regonflé" et adapté à leur convenance.
COMBIEN DE CANDIDATS AU DÉPART DE MARSEILLE?
Reste maintenant à emporter l’appel d’offres. Pour la première fois de son histoire, la SNCM va se trouver confrontée à un ou deux concurrents au départ de Marseille: la Corsica Ferries, qui a assuré qu’elle serait candidate à partir de Marseille et, peut-être, la CMN si le partenaire de 30 ans mettait en acte ses velléités d’indépendance (voir rubrique shipping). Seule certitude, dans tous les cas, la prochaine délégation de service public sera assurée par une ou plusieurs compagnies… privées.
1) Bastia, Ajaccio, Propriano, Calvi, Île Rousse et Porto-Vecchio.