Géographiquement adossé à de gros producteurs de renommée mondiale de volailles (Doux et Tilly-Sabco), Brest est, depuis de nombreuses années, le 1er port européen en la matière. En 2005, ce sont ainsi près de 200 000 t de viandes congelées, dont une écrasante majorité de poulets, qui ont été exportées au départ d u port du Ponant. Chargés dans des reefers au début de ce trafic un peu particulier, puis dans des conteneurs réfrigérés depuis la mise en place de la plateforme multimodale, ces poulets sont traditionnellement destinés aux divers pays du Proche et du Moyen-Orient. Certes les exportations de volailles ne concernent que 8 % environ du trafic global, mais elles pèsent lourd quand on raisonne en termes de valeur ajoutée et de manutention portuaire.
Or, depuis l’apparition et l’hyper médiatisation du virus H5N1, c’est la grosse douche froide. Cédant à la psychose ambiante, plusieurs pays importateurs du golfe Persique ont fermé leurs frontières aux exportations brestoises. "Pour l’heure, nous avons enregistré 33 % de chute des trafics, admet Jean-Luc Peltier, directeur des équipements de la CCI de Brest, mais les chiffres de mars-avril devraient plutôt avoisiner les 35-40 %." Des prévisions que Jean-Pol Le Chat, directeur du transitaire brestois Union Armoricaine des Transports (UAT) juge un peu sous-estimés. "On est plutôt sur une base de 50 % et on n’a pas encore atteint le trou, pronostique-t-il en faisant allusion à l’amont de la filière, les accouveurs cassent les œufs et il faudra du temps pour faire redémarrer la production."
LAISSER DES PLUMES
Pas de panique cependant chez les responsables portuaires brestois pour qui "cette chute du trafic est certes préoccupante mais uniquement conjoncturelle". Et même si le Koweït est venu très récemment rejoindre les pays importateurs fermant leurs frontières au poulet français, ils se refusent cependant à tout catastrophisme. "Les tentatives faites par les producteurs-exportateurs ainsi que par les pouvoirs publics pour que les importateurs fassent la différence entre le seul département français touché et les autres régions de France devraient faire évoluer la situation dans le bons sens", espère Jean-Luc Peltier pour qui "la raison doit l’emporter."
Plus directement touché sur le court terme, l’UAT reste également relativement optimiste sur le long terme. "Le poulet est un produit de base dont les pays importateurs ne pourront se passer indéfiniment", note Jean-Pol Le Chat. "Et je ne suis pas certain que la concurrence puisse s’emparer de ces marchés au vu des quantités et des volumes à produire." En attendant la reprise, les portuaires brestois font le gros dos. "Nous rentrons la tête dans les épaules mais nous risquons tous d’y laisser des plumes", admet quand même un transitaire qui ne manutentionne même plus aujourd’hui 200 conteneurs par semaine contre le double avant la crise de la grippe aviaire. Et pendant ce temps-là, les entrepôts frigorifiques brestois sont pleins à craquer…
Le remorquage brestois confié aux Abeilles pour 12 ans
En 2004, les marins travaillant sur le Piriac et l’Iroise, les deux remorqueurs portuaires des Abeilles basés à Brest, ne cachaient pas leur inquiétude face à une situation financière dans le rouge vif. Sur les quatre dernières années, le déficit cumulé avait en effet atteint 755 000 € (1). Les Abeilles avaient même menacé d’arrêter l’exploitation de ces deux remorqueurs le 1er janvier 2005. Un scénario déjà rencontré dans d’autres ports et qui faisait craindre le pire aux équipage brestois. “Conformément aux souhaits de la commission portuaire, nous entretenons deux remorqueurs… mais sans les utiliser. En fait, nous regardons les bateaux passer”, commentait alors le directeur des Abeilles brestoises, Michel Valentin, en confirmant les chiffres des pertes accumulées. Mais il temporisait: “Nous ne tenons pas à quitter Brest, mais il faudra bien prendre des mesures et adapter les moyens.”
La CCI a semble-t-il compris le message. Dans un premier temps, elle a acheté pour son propre compte l’Abeille-Iroise pour alléger les finances du prestataire de services et, dans un second temps, a lancé un appel d’offres visant à trouver une solution aussi pérenne qu’économique pour le port. Trois compagnies de remorquage ont répondu: Thomas Services Maritimes (qui opère à Rouen et Bordeaux), Chambon (implantée de Sète au Pas-de-Calais) et bien entendu les Abeilles.
Et c’est à la filiale de Bourbon que la commission d’appel d’offres vient de confier un contrat de 12 ans la liant à la CCI. Une nouveauté d’ailleurs car, jusque-là, le remorquage ne faisait pas partie de la concession. “Tant du point de vue social que sécurité, nous étions les meilleurs, commente Michel Valentin, surtout au niveau de la sécurité d’ailleurs avec des normes ISO et des certifications ISM.”
C’est donc reparti pour le remorquage brestois qui retrouve le sourire. En effet, selon les partenaires portuaires, les perspectives seraient bonnes pour le port, tant du point de vue du tonnage global que de celui du nombre de navires. Du coup, les Abeilles vont investir. “Dans trois ans, l’ Iroise sera remplacée par une unité de remorquage neuve, plus puissante et plus performante”, révèle Jean-Luc Pelletier, directeur des équipements portuaires brestois. “On croit à Brest”, confirme Michel Valentin.
A.L.D.
1) 21 000 € en 2000, 41 000 en 2001, 232 000 en 2002 et 461 000 en 2003.