Présentés par l’Office régional des transports de Corse (ORTC), des chapitres du prochain cahier des charges de la délégation de service public entre l’île de Beauté et le continent français sont déjà en discussion. Le 23 mars prochain, l’Assemblée corse devrait se prononcer sur les prochaines règles de cette desserte à partir de 2007. À la clé, la répartition de l’enveloppe de continuité territoriale qui représente 107 millions d’euros (174 M€ si on compte l’aérien).
On comprend l’intérêt que portent les trois compagnies maritimes (SNCM, CMN et Corsica Ferries) déjà installées sur le marché et bénéficiant de subventions, sur le texte en débat. Suivant ses formulations, telle ou telle autre compagnie peut se retrouver encouragée, ou la desserte par Marseille ou par un autre port (Toulon, Nice) privilégiée. Si le prochain contrat reste dans la ligne de celui de 2001 qui avait fait de Marseille la tête de pont des obligations de services publics (OSP), on peut penser que les futurs actionnaires de la SNCM (Butler et Veolia) seront satisfaits. S’il met l’accent sur les aides à caractère social pour les passagers, la Corsica Ferries y distinguera un avantage. S’il morcelle les OSP, tout peut se passer; l’arrivée de la Corsica Ferries sur Marseille ou, pourquoi pas, de compagnies supplémentaires tentant d’écrémer le trafic estival.
À ce jeu, la définition du cahier des charges se présente comme un exercice de casuistique. Dans lequel les pressions ne manquent pas. Venant de l’État, le bailleur de fonds, pressé de voir le processus de privatisation de la SNCM s’enclencher. Et de Corse même où la tentation d’enraciner le poste de pilotage des dessertes reste forte. La situation tient aujourd’hui dans un fragile équilibre entre compagnies et ports.
LA CORSICA FERRIES PREND PIED SUR LE MARCHÉ DU FRET
Pour, l’ORTC, qui a récemment rendu son étude portant sur les principaux flux de transport de la Corse en 2005", l’année écoulée est marquée par "une faible croissance et une redistribution des trafics". Sur lignes régulières et charters, 5 940 209 passagers ont transité par les plates-formes portuaires et aéroportuaires de Corse, soit + 0,8 % par rapport à 2004. Cela malgré les grèves de la SNCM qui ont plombé le trafic annuel. La CCM Airlines et Corsica Ferries sont les seuls à tirer leur épingle du jeu et à "conforter leur leadership"; à elles deux elles assurent 59 % des trafics globaux. L’étude de l’ORTC note l’accentuation de la tendance qui a commencé à se dessiner en 2000: une baisse des trafics sur l’Italie (− 13 % en cinq ans) conjointement à une hausse des trafics français (+ 33 % en cinq ans). Si, l’an dernier, les trafics de marchandises ont progressé de 2,1 %, Marseille a fléchi de − 0,5 %. Curieusement, c’est la CMN qui crée le phénomène: elle aurait perdu 4,6 % alors que la SNCM gagnerait 3,9 % pendant que la Corsica Ferries, à partir de Toulon et Nice ferait un bond de 16,5 %. En assurant quelque 18 % du marché du fret, la compagnie de Pascal Lota est venu s’installer sur un marché qu’elle disait ne pas convoiter.