Le procureur de la république du tribunal de grande instance de Brest, François Nicot, alors qu’il quittait son poste (JMM du 01-07-2005, p. 4), avait déclaré: "Plus il y aura des contrôles en mer, plus on sera dissuasif". Il semble que ces prévisions se vérifient: depuis le 3 octobre 2005, jour où l’Ocean-Eagle, un vraquier battant pavillon grec suspecté de pollution, a été dérouté sur Brest, aucune pollution de navire n’a été observée dans le golfe de Gascogne et au large de la Bretagne.
Pour arriver à ce résultat, il a fallu que Brest – comme Le Havre et Marseille, depuis avril 2003 – devienne compétent et prenne en charge les dossiers concernant les rejets d’hydrocarbure dans sa ZEE (1).
Il avait également précisé: "Les contrôles doivent s’intensifier, se renforcer sur des plages horaires qui sont plus difficilement couvertes, en soirée, la nuit et au petit matin". C’est chose faite. Les missions de surveillance des avions de la Marine nationale ou des Douanes, non seulement se sont intensifiées, mais, en outre, les pilotes sont équipés de matériel infrarouge, leur permettant de photographier la nuit. Ce qui ne veut pas dire que plus aucun navire pollue volontairement. Des nappes peuvent être repérées sans pouvoir connaître leur origine. Où les rejets d’hydrocarbures et autres eaux huileuses peuvent se faire sous des latitudes moins surveillées.
3,9 millions d’euros
Mais surtout ce qui a été déterminant, et certainement particulièrement dissuasif, c’est le déroutement des navires sur Brest, sur ordre du procureur de la République, et le paiement de cautions importantes permettant aux navires de reprendre leur route. Les capitaines des navires et leurs armements étant condamnés ensuite à de fortes amendes. Jusqu’à 400 000€, sans compter les parties civiles. Les amendes étant couvertes par les cautions, et payées, à la demande des magistrats, à hauteur de 90 % par les armateurs. Pour l’instant, 3 910 500 € d’amendes définitives ont été infligées par la justice. De cette somme, il faut retrancher 600 500 € concernant des dossiers, transmis par Paris, de navires surpris avant avril 2003, mais jugés à Brest.
Si, dans les premiers procès, les avocats de la défense ont nié les rejets, sans succès. Ils ont ensuite tenté de prouver que les séparateurs, servant à filtrer les eaux polluées par des résidus d’hydrocarbure, avant rejet à la mer, étaient tombés en panne lors de leur utilisation. Sans succès également. Ils ont ensuite mis en cause, parfois avec succès, la validité des photos aériennes (JMM 10-03-2005, p. 12). Maintenant, les États de Norvège et Malte, s’appuyant sur la convention de Montego Bay, demandent que deux commandants de navires de leurs pavillons, soupçonnés de pollution, soient jugés chez eux. Cette nouvelle parade n’a pas fonctionné pour le chimiquier norvégien Trans-Artic, son armateur a été condamné à une amende de 350 000 € par le tribunal de Bergen, en janvier dernier.
1) Zone économique exclusive, jusqu’à 200 milles des côtes.
Depuis 2003 à Brest
– Jugements définitifs (après appel éventuel): Bytom: 40 000 € – MSC-Nicole: 250€000 € – Repubblica-Di-Roma: 200 000 € – Vancouver-Spirit: 100 000 € – Cheops: 10 500 € – Voltaire: 200 000 € – Dobrudja: 200 000 € – Pantokratoras: 350 000 €– Nicolas-M.: 150 000 € –
Gitta-Kosan: 200 000 € – Moritz-Schulte: 230 000 € – Gaz-Venezia: 250 000 € – Captain-Diamantis: 300 000 € – Casablanca: 250 000 € – Silver-Pearl: 300 000 € – Atlantis-Charm: 250 000 € – Zuara: 400 000 € – Neptunic: 230 000 € – Trans-Arctic: 360 000 €.
– Relaxe: Soetkin: 50 000 € en première instance, relaxe en appel.
– Pourvois en cassation: Concordia-1: condamnation en appel à 140 000 € – Nova-Hollandia: condamnation en appel à 250 000 € – Arroyofrio-Dos: condamnation en appel à 200 000 €.
– En attente d’une audience ou d’un délibéré de la cour d’appel: Bow-Cardinal: 300 000 € en première instance – MSC-Rhône: 350 000 € en première instance – Kapitonas-Kaminskas: 200 000 € en première instance – Enrico-Ievoli: 370 000 € en première instance – Chiara-DP: 300 000 € en première instance – Atlantic-Hero: le parquet a fait appel d’une relaxe décidée en première instance le 29 mars 2005.
– Délibérés en attente au TGI de Brest: Etly-Danielsen: pas de caution demandée – Fast-Independence: 400 000 € de caution – Maersk-Barcelona: 500 000 € de caution – Ocean-Eagle: 300 000 € de caution – Normanna: 300 000 €.