La cour d’appel de Rennes a prononcé le 6 mars un arrêt qui, quoi que sans doute conforme au droit et au bon sens, limite les possibilités de "terroriser" les pollueurs. Explications.
Le 10 septembre 2004, à 12 h 28 locales, un avion de la Marine nationale constate la présence d’une nappe d’hydrocarbures de 17,6 km de long et 40 m de large dans la ZEE française, derrière un panaméen pétrolier de près de 52 000 tpl. Le pilote d’avion décrit la pollution selon le code d’apparence de l’accord de Bonn et fait huit photos. Puis il appelle l’Atlantic-Hero qui lui explique qu’il est entrain de procéder au nettoyage de ballasts, niant toute pollution. Selon le pilote, la pollution cesse cependant 20 minutes plus tard.
Se dirigeant vers Le Havre pour y décharger sa cargaison, le pétrolier doit verser une caution de 300 000 € pour lever son immobilisation. Malin, le commandant croate du navire prend ses échantillons des boues de ballast; échantillons que le Parquet de Brest qui gère l’affaire, refuse de prendre. Funeste erreur.
En effet, plusieurs experts français constatent que le navire est parfaitement "clean":
• le séparateur d’eaux mazouteuses fonctionne correctement, sans bricolage magique;
• le circuit de chargement et celui de ballastage sont bien séparés;
• les documents de bord sont correctement remplis;
• le ballast 2 Tr qui était en cours de nettoyage au moment des faits, ne présente pas de trace de fuites d’hydrocarbures.
Pour sa défense, le commandant croate présente l’analyse des boues de ballast qui note la présence de divers hydrocarbures.
Pour confirmer la relaxe du commandant, le tribunal rappelle que personne n’ayant vérifié où ni comment les prélèvements avaient été faits, leur analyse est de faible valeur. Cela dit, le Parquet de Brest avait toute latitude pour faire prélever à bord tous les échantillons et/ou faire inspecter le navire dans l’état où il se trouvait au moment des faits. Il lui suffisait d’interdire au commandant de décharger. Rien n’a été fait en ce sens.
S’opposent donc des constatations visuelles et des photos d’un navire en bon état qui, dès le début, indiquait qu’il procédait à un nettoyage de ballast chargé de boue.
Le doute a donc profité au prévenu.