Les 17 et 18 février derniers, pas moins de 184 conteneurs ont été perdus en mer sur la façade ouest-Atlantique (JMM 24-2-2006, p. 10) par les navires Mondriaan (Neddloyd),Otello et Verdi (CMA CGM), Ivorian-Star (Green Spanker) et IBN-Sina-II (SNTM CNAN). Pour tenter de les repérer dans un premier temps et essayer de les récupérer dans un second, les services de l’action de l’État en mer ont dépêché 5 avions et deux navires d’intervention (les supplies affrétés à l’année Alcyon et Argonaute). Au coût global des opérations qui avoisine les 170 000 €, s’ajoute la mise en danger des plongeurs chargés d’élinguer les boîtes à la dérive.
Une situation pas franchement nouvelle (1) mais qui, dans ce cas précis a eu le don de faire sortir de ses gonds le préfet maritime de l’Atlantique Laurent Mérer. "C’est un préfet maritime en colère que vous avez devant vous!" a-t-il déclaré lors d’une intervention sur le sujet tenue à Brest le 21 février."Je ne peux pas trouver normal que, dans des conditions météorologiques certes musclées mais pas exceptionnelles, des navires perdent autant de leurs conteneurs. Il est de mon devoir de faire en sorte de ne pas générer de dangers supplémentaires." Car ces conteneurs constituent bien évidemment autant de dangers à la mer: risque de collision si le conteneur flotte ou reste entre deux eaux, risque de croche pour les chalutiers s’il coule, sans parler du risque de pollution selon la nature du contenant. Il est d’ailleurs très probable que, contraint de gagner une cale sèche brestoise, le pétrolier Chassiron de Pétromarine ait cassé une de ses pales d’hélice sur un de ces conteneurs.
RAS LA CASQUETTE!
"Imaginons des camions de déménagement perdant leurs armoires à la première averse sur le réseau routier! Il y a longtemps que les autorités auraient sifflé la fin de la partie en instaurant davantage de contraintes techniques à respecter" a poursuivi le préfet maritime qui en a ras la casquette de ce train de conteneurs tapissant les fonds marins. Avec le soutien du secrétariat général de la mer, il veut aller au-delà de ces incidents conjoncturels qui ont une fâcheuse tendance à se banaliser. Sans peut-être le savoir Laurent Mérer rejoint ainsi les positions de l’Afcan (Association française des capitaines de navires) qui dénonce cet état de fait depuis belle lurette.
Pour l’heure, les armements en question, "pourtant réputés et bien tenus" aux dires du Premar, vont recevoir un courrier faisant part de ce fort mécontentement. Mais les représentants de l’action de l’État en mer vont quand même mettre des gants, tant ils redoutent que les capitaines ainsi montrés du doigt ne signalent plus les pertes de boîtes aux Cross comme ils le font actuellement.
S’avouant quelque démuni face à ce phénomène, l’État français semble pourtant vouloir aller plus loin. Mais comment faire? En appeler à la responsabilité des commandants comme l’indique la préfecture maritime de Brest? Ce sont les dockers et non les marins qui réalisent le chargement, le commandant se bornant à avaliser vite fait une opération qu’il n’a pas matériellement le temps de contrôler de A à Z. Modifier la conception des navires et les normes de saisissage des conteneurs? Un problème qui dépasse les seules compétences de l’État français. Considérer la chute à la mer de conteneurs comme une pollution volontaire? Même si cette voie est en cours d’étude, c’est la convention Solas qu’il faudrait alors modifier. Des difficultés qui ne brident pas la volonté de Laurent Mérer, convaincu qu’il est temps "d’agir auprès de autorités internationales".
1) Selon les compagnies d’assurance, 10 000 conteneurs sont ainsi perdus annuellement.