Sommaire des sentences rendues par la Chambre arbitrale maritime de Paris

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La Chambre arbitrale maritime de Paris a publié, récemment le sommaire des sentences 1113 et de 1117 à 1121 qui ont été rendues entre le mois de mai et le mois de décembre. Nous publions ici les sentences 1113, 1118 et 1120; les sentences 1117, 1119 et 1121 le seront ultérieurement.

SENTENCE ARBITRALE 1113 DU 9 MAI 2005 – SECOND DEGRÉ

C/p d’affrètement à temps de deux remorqueurs par un Port autonome soumises au droit français – Résiliation ultérieure par l’affréteur – arriérés dus par celui-ci aux deux fréteurs – cession par ces derniers de leurs créances à un même cessionnaire – contestation par le débiteur de la validité des cessions – rejet du moyen – prescription soulevée par le défendeur (non) – condamnation de l’affréteur

Après deux ans d’exécution, l’affréteur résilie les deux chartes à temps des deux remorqueurs et reste redevable à ses cocontractants de diverses sommes.

Les deux fréteurs cèdent leurs créances respectives au demandeur, en respectant vis-à-vis du débiteur cédé les dispositions de l’art.1690 C. Civ.

Le cessionnaire, après plusieurs réclamations, négociations puis mise en demeure restées sans résultat si ce n’est une réduction de la créance et un échelonnement du paiement – non respectés ni l’un ni l’autre – saisissait la Chambre en vue d’obtenir le paiement de sa créance.

Le défendeur, sans contester ni le principe ni le montant de cette créance, sollicitait le rejet de la demande au motif: de l’invalidité des cessions de créances et la prescription de la demande.

Il sollicitait donc le Tribunal arbitral de "confirmer en toutes ses dispositions la sentence arbitrale" rendue au 1er degré.

Sur la confirmation de la sentence du 1er degré: ce moyen est rejeté car le Tribunal, rappelant que, par application de l’art. XV-1 du Règlement de la Chambre, il n’est pas juge d’appel, n’a pas à tenir compte juridiquement de la décision des premiers arbitres.

Sur les cessions de créances: le Tribunal relève qu’aucune forme n’est exigée pour leur validité, seules les formalités de l’art. 1690 C. Civ. devant, vis à vis du débiteur cédé, être respectées pour que la cession lui soit opposable. Or les exigences de cet article ont été respectées. Au demeurant les mentions figurant sur les documents confortent la preuve, fût-ce en vertu de la théorie des apparences, de la réalité des cessions et du pouvoir par leur auteur de les consentir. D’ailleurs au reçu de chacune d’elles, le débiteur n’a élevé aucune contestation ni réserve à leur encontre.

Enfin, et surabondamment, la demanderesse verse aux débats un document intitulé "décompte des sommes dues", signé par elle et par le défendeur, à la suite des négociations susvisées, et constituant tout à la fois une transaction au sens des articles 2044 et suivants C. Civ. et une reconnaissance de dette.

Ainsi, le tribunal considérant valables, tant par elles-mêmes que par les confirmations dont elles font l’objet, les cessions de droit litigieuses, rejette le moyen et déclare la demande recevable de ce chef.

Sur la prescription: le défendeur invoque les dispositions de la loi du 18 juin 1966 relative à la prescription annale qu’il édicte.

Il soutient que la prescription était acquise puisque le Tribunal a été saisi largement plus d’un an après les date de résiliation des affrètements.

Mais le Tribunal retient d’abord que ce délai a été interrompu par un paiement partiel du débiteur, ainsi que par l’offre de la transaction et d’un échéancier pour le paiement du solde, ces deux circonstances intervenues avant l’expiration du délai, entraînant l’interruption de la prescription en cours – en raison de la reconnaissance par le défendeur du droit du réclamant – et ce avec effet interversif, dans la mesure où le débiteur s’engage à payer – fût-ce par mensualités: la prescription n’étant donc pas acquise lors de la saisine de la Chambre.

En outre, et surabondamment, le document "décompte des sommes dues", signé par les parties et contenant leur accord sur un montant forfaitaire, a entraîné une novation et donné naissance à une créance nouvelle, soumise à la prescription décennale du droit commun – non acquise lors de la saisine de la Chambre.

La sentence retient que le défendeur ne saurait contester la portée de ce document au motif que la preuve ne serait pas rapportée de ce que le décompte de sommes dues concerne la créance litigieuse, alors que l’analyse des postes qui y figurent permet de la reconstituer.

Le débiteur ne saurait également se prévaloir du fait que ce document ait été signé par le directeur financier et comptable qui n’aurait reçu aucune délégation du directeur général, seul représentatif dans les actes de la société, selon le défendeur.

Or, il ne résulte pas de la loi locale que les pouvoirs du directeur ne peuvent être délégués et, de surcroît, le directeur général n’occupait pas cette fonction lorsqu’il a rédigée l’attestation tendant à préciser qu’il n’avait jamais donné pouvoir au signataire.

En l’absence de contestation sur le montant de la demande, le Tribunal arbitral déclare celle-ci recevable et bien fondée et y fait droit.

SENTENCE ARBITRALE 1118 DU 19 OCTOBRE 2005 – SECOND DEGRÉ

C/P Synacomex 90 – blé en vrac- exigence d’un connaissement « clean on board » – rejet par le Capitaine d’une cargaison contenant des corps étrangers- déchargement et non remplacement de cette marchandise entraînant la non exécution du voyage- affréteur déclaré responsable de cette annulation et condamné à indemniser l’essentiel du préjudice armateur – décision tardive du Capitaine atténuant le montant de la condamnation.

Un navire est affrété au voyage pour transporter 3 200/3 300 tonnes de blé dur en vrac d’un port espagnol à destination de l’Algérie sous charte-partie Synacomex 90. Cette charte-partie exige un connaissement "clean on board"; en contrepartie, le capitaine a le droit de rejeter toute marchandise qui ne permet pas de signer un tel connaissement et d’en exiger le remplacement par une marchandise saine, en coopération avec les "surveyors".

Après avoir fait stopper à deux reprises le chargement en raison de la présence de morceaux de bois, de plastique, de ciment, de plumes et fientes d’oiseaux dans le blé, le capitaine exige le remplacement de cette cargaison par une marchandise saine.

L’affréteur fait procéder à des analyses qui démontrent que le blé incriminé est conforme à son contrat de vente et à la réglementation en vigueur. Il considère en conséquence que le connaissement peut être signé "clean on board" et que le comportement du capitaine et de l’armateur n’est pas justifié. Il décide de décharger les 1 150 tonnes déjà chargées et déclare à l’armateur qu’il le rend responsable de l’inexécution du voyage.

L’armateur réclame en vain une cargaison de meilleure qualité que la précédente qui n’était pas acceptable sans réserves et devait donc être rejetée, affirme que la méthode utilisée pour la prise d’échantillons n’était pas adaptée et que l’appareil de chargement ne filtrait pas efficacement le blé. Le Tribunal arbitral a jugé que le capitaine avait l’obligation de décrire correctement l’état apparent de la cargaison pour dégager la responsabilité de son armateur en cas de contestation au port de déchargement. Ses rapports font mention de la présence de corps étrangers dans la marchandise, les arbitres les considèrent donc comme faisant foi jusqu’à preuve du contraire. Les arguments de l’affréteur tendant à démontrer une erreur de jugement du capitaine n’emportent pas la conviction des arbitres. En revanche, les photos jointes au rapport de l’expert du P & I club de l’armateur montrent bien la présence de nombreuses impuretés dans le blé et la défectuosité de l’installation mobile utilisée pour charger le navire. Quant à la mention "in cooperation •ith the surveyors" figurant en C/P, elle n’altère en rien le pouvoir de décision du capitaine en la matière du fait de sa qualité de seul responsable commercial du transport maritime.

Les arbitres en concluent que le capitaine était en droit de rejeter une marchandise polluée et d’exiger son remplacement conformément aux termes de la C/P. L’affréteur a donc été jugé responsable de l’annulation du voyage et du préjudice en résultant pour l’armateur.

En ce qui concerne le montant du préjudice réclamé par ce dernier, le Tribunal arbitral en a réduit quelque peu le montant car la durée d’immobilisation aurait pu être réduite de quelques jours et le manque à gagner journalier réclamé reposait sur une base discutable.

Quant aux réclamations de l’affréteur, elles ont été rejetées à l’exception de 80 % des frais de déchargement et de stockage en raison de la décision tardive du capitaine qui avait laissé charger 1 150 tonnes de blé avant d’arrêter le chargement.

SENTENCE ARBITRALE 1120 DU 12 SEPTEMBRE 2005

c/p Gencon 76 – urée en vrac – assistance d’un brise-glace – temps d’attente du brise-glace (all time) compté comme temps de planche (as laytime) – temps attente assimilé à des staries avec suspension shex selon l’intention des parties.

Un navire est affrété au voyage pour le transport d’une cargaison d’urée en vrac à charger à Saint-Pétersbourg en hiver, alors que l’accès à ce port et sa sortie nécessitaient l’assistance d’un brise-glace, derrière lequel les navires devaient progresser en convoi. Lors de l’affrètement, le navire dut attendre plusieurs heures ce brise-glace à l’entrée ainsi qu’à la sortie de Saint-Pétersbourg.

Le litige entre le fréteur et l’affréteur surgit alors du comptage des staries et des surestaries, et plus précisément de l’application aux temps d’attente du brise-glace à l’arrivée au port, des exceptions ou des suspensions liées au temps de planche, déterminée par l’interprétation des clauses correspondantes:

• d’après la charte-partie, les samedis, dimanches et jours fériés étaient exclus du temps de planche à moins d’être utilisés ("unless used"), auquel cas le temps réellement utilisé devait compter;

• d’autre part, selon une clause additionnelle spécifique pour la situation prévisible à Saint-Pétersbourg en hiver, tout le temps d’attente d’un brise-glace ("all time") au-delà des douze premières heures à l’entrée, ainsi qu’au-delà des douze premières heures à la sortie, devaient compter comme temps de planche ("to be counted as laytime").

Les parties s’opposèrent sur l’interprétation de ces clauses, l’armateur considérant à l’inverse de l’affréteur, que les samedis, dimanches et jours fériés devaient compter dans le temps d’attente des brise-glaces à partir de la treizième heure, aussi bien à l’entrée qu’à la sortie, n’occasionnant pas de suspensions comme pour les opérations de chargement ou de déchargement.

L’intention des parties, analysée au moyen des dossiers de négociation et des termes de la charte-partie, a clairement orienté le collège arbitral en faveur de l’interprétation de l’affréteur, pour lequel la charte-partie assimilait sans ambiguïté le temps d’attente de brise-glace aux staries, lui appliquant par conséquent les suspensions prévues telles que samedis, dimanches et jours fériés.

Cette décision est cohérente avec les sentences invoquées au cours de la procédure: sentence du 10 avril 1973 et no 357 et 371 de 1980.

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