La taxe au tonnage impose un registre communautaire depuis le 1er janvier

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Lorsque, s’inspirant de divers précédents étrangers, le législateur avait introduit dans notre droit fiscal le régime de la "taxe au tonnage" pour les entreprises d’armement maritime, il n’avait pas prévu d’obligation spécifique de pavillon pour les navires entrant dans ce dispositif, à une exception près.

Tel n’est plus maintenant le cas: la "taxe au tonnage" passe donc sous registre communautaire (bis compris) comme nous allons maintenant le voir.

Comme on le sait, le régime fiscal de la taxe au tonnage pour lequel peuvent opter les entreprises de transport maritime permet à celle-ci de déterminer l’assiette de l’impôt sur les sociétés en appliquant un barème forfaitaire au tonnage des navires qu’elles exploitent et non pas selon le régime de droit commun de l’article 39-1 du Code général des impôts (CGI). L’un des avantages de ce système d’imposition résulte du fait que le barème prévu par le CGI est, à peu de choses près, le même que celui qui existe dans les autres États de l’Union européenne qui se sont dotés d’un tel régime (1). Du point de vue fiscal, les armateurs implantés dans l’Union sont donc placés sur un pied d’égalité.

La Commission européenne a veillé à ce que cette égalité soit bien respectée et que, sous couvert d’un tel régime, les États-membres qui l’ont adopté ne favorisent pas, plus ou moins subrepticement, les armateurs établis sur leur territoire.

TAXE AU TONNAGE APPLICABLE À TOUTE IMMATRICULATION…

Ultérieurement à son adoption par le Parlement français, la Commission a donc examiné avec soin ce régime. Par une communication du 13 mai 2003, elle considérait qu’il ne portait pas atteinte aux règles de concurrence au sein de l’Union.

Lorsque ce nouveau régime avait été discuté devant le Parlement français, certains avaient exprimé le souhait qu’il ne soit applicable qu’aux navires immatriculés sous pavillon français ou, à tout le moins, sous celui de l’un des États-membres de l’Union.

Cette idée n’avait été retenue que sous une forme très atténuée puisque la loi se bornait à exclure du dispositif les navires affrétés à temps ne battant pas pavillon d’un État-membre, lorsqu’ils représentaient plus de 75 % de la flotte exploitée par l’armateur.

Or, depuis l’instauration de ce régime, la Commission a publié une communication visant à harmoniser les différentes aides que les États consentent aux armateurs au sein de l’Union.

…REGISTRE COMMUNAUTAIRE OBLIGATOIRE, MAINTENANT

Dans cette communication, publiée le 17 janvier 2004 la Commission considérait que l’une des conditions à prendre en compte pour établir qu’un régime fiscal particulier était conforme aux principes régissant les aides d’État était précisément qu’il permette le maintien ou l’augmentation de la flotte exploitée sous le pavillon de l’un ou l’autre des États-membres, c’est-à-dire, par commodité de langage, sous "registre communautaire" (2).

Il était demandé aux États-membres de mettre leur législation en conformité avec ces recommandations avant le 30 juin 2005.

Tel est l’objet de l’article 47 du projet de loi de finances rectificative pour 2005.

Ce texte prévoit que les armateurs qui optent pour la taxe au tonnage doivent s’engager à maintenir le tonnage qu’ils exploitent sous pavillon communautaire au niveau duquel il se trouvait au 17 janvier 2004.

L’énoncé de ce principe appelle plusieurs commentaires.

On pourra d’abord s’étonner de la date de référence choisie, qui n’a d’autre raison d’être que celle d’avoir été celle de la publication de la communication de la Commission.

Très vraisemblablement l’administration acceptera, par instruction, que l’on se réfère au pourcentage du 1er janvier 2004, date habituelle d’ouverture des exercices comptables et fiscaux pour les entreprises.

On notera ensuite que cette date est antérieure à l’adhésion des derniers États qui ont rejoint l’Union et en particulier de Chypre et de Malte. Cela signifie que le pourcentage de référence n’inclut pas les navires qui étaient immatriculés sous ces pavillons au début de 2004.

On peut toutefois se demander si cette référence est vraiment judicieuse dans la mesure où elle fera peser une obligation légère sur les armateurs qui, à la date de référence, n’avaient qu’un faible tonnage sous pavillon communautaire et qui n’auront donc aucune incitation particulière à l’augmenter.

Quoiqu’il en soit, l’introduction de cette obligation qui concerne tous les navires exploités par les armateurs ayant opté pour le régime forfaitaire, a eu pour corollaire de faire disparaître l’obligation de pavillon qui ne s’appliquait qu’aux navires affrétés à temps.

UNE OBLIGATION DE PORTÉE LIMITÉE

Que se passe-t-il si cet engagement n’est pas respecté?

En fait la sanction est assez limitée dans son principe, même si sa mise en œuvre pourra s’avérer délicate.

La loi prévoit que les navires ne battant pas pavillon communautaire qui conduiraient à descendre en dessous du pourcentage de référence seront exclus du régime forfaitaire.

Cela a deux conséquences:

• tout d’abord cela signifie que le tonnage desdits navires ne sera plus pris en compte pour le calcul de l’assiette forfaitaire;

• ensuite, comme il ne peut y avoir d’évaporation de la matière fiscale, l’armateur devra ajouter à sa base d’imposition forfaitaire le résultat d’exploitation desdits navires, calculés selon les règles de droit commun.

En pratique cela risque donc de s’avérer assez délicat à gérer et c’est pourquoi la loi a prévu trois cas dans lesquels cette situation serait neutralisée, notamment pour ne pas défavoriser les armateurs dont une proportion importante de navires est sous pavillon communautaire:

• si le pourcentage de tonnage exploité sous pavillon communautaire reste supérieur à 60 %;

• ou si la proportion de tonnage exploité sous pavillon communautaire n’a pas diminué en moyenne au cours des trois derniers exercices par rapport au tonnage de référence;

• ou enfin si, au niveau du groupe fiscal auquel appartient la société en cause, la proportion de tonnage sous pavillon communautaire n’est pas descendue en deçà du pourcentage de référence.

Deux précisions avant de conclure:

• pour les entreprises qui auraient opté pour le régime forfaitaire postérieurement au 1er janvier 2004, le pourcentage de référence est celui du 1er janvier du premier exercice d’application du régime forfaitaire;

• ces dispositions s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 30 janvier 2005 c’est-à-dire concrètement, pour les entreprises maritimes dont l’exercice coïncide avec l’année civile, à compter du 1er janvier 2006 et l’engagement de maintien du pavillon communautaire devra donc être souscrit avec la déclaration de résultat de cet exercice.

Tout ceci peut paraître un peu compliqué et l’est indéniablement. Il faut toutefois saluer le réalisme dont fait preuve la Commission en acceptant d’avaliser les régimes d’aides qui ont pour objet d’augmenter le pourcentage de navires exploités sous pavillon communautaire, cette notion incluant d’ailleurs les "pavillons bis" de certains États.

Ce dispositif n’est sans doute pas parfait et il imposera de nouvelles obligations aux armateurs. Il serait en revanche souhaitable qu’il ne soit pas trop souvent amendé car on ne doit pas perdre de vue que l’option pour la taxe au tonnage doit être exercée sans possibilité de sortie, pour une période de dix ans.

Ceux qui font le choix de s’engager dans cette voie sont en droit d’attendre à ce que l’on ne modifie pas substantiellement les règles de conduite en cours de route.

1) Belgique, Danemark, Espagne, Grande-Bretagne, Grèce et Pays-Bas.

2) D’où l’extrême importance de transformer le registre TAAF considéré comme non-communautaire en RIF, communautaire par construction; sauf avis contraire… Cela dit, l’administration fiscale française a toujours considéré le registre des TAAF comme étant communautaire. N.D.L.R.

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