Parti de Trinidad le 6 août 2003, avec 21 000 t de billes de fer désoxydé (DRI: direct reducted iron) destinées à Surabaya, le minéralier chypriote Adamandas (1986 ; renforcé charges lourdes) devait y arriver vers le 12 septembre. Il fut coulé le 22 septembre sur décision du préfet de la Réunion.
Déjà l’escale prévue de Durban, le 29 août, avait été "chaude": la cale 2 présentait des températures dépassant les 250 oC. Après injection de 63,5 t. d’azote liquide en quatre jours, les températures et les niveaux d’O2 et d’H2 étaient stabilisés à un niveau acceptable.
Contre l’avis des autorités de Durban, le navire repartait le 5 septembre, rencontrant de mauvaises conditions météo durant trois jours.
Le 9, la température de la cale 2 monte à 380 oC.
"L’autorité compétente" conseille au commandant d’arroser la cargaison avec de l’eau douce. Le lendemain, la température atteignait les 820 oC et la concentration d’H2, les 100 %. Le commandant se décidait à rallier La Réunion et le gestionnaire technique du navire organisait l’escale. Toute l’après-midi du 11 était consacrée à répondre aux multiples questions des autorités françaises. À 15 h 28 TU, le 12, après la visite d’une équipe d’évaluation, le navire est autorisé à mouiller à 0,7 mille de la bien-nommée Pointe de la ravine à malheur en attente de l’analyse de la situation par les experts de l’armateur grec et de l’affréteur.
Après plusieurs jours de vains efforts pour maîtriser la situation, le navire étant toujours au mouillage, le préfet décide de sa destruction, après avoir reçu un avis de non-opposition de la part du SG mer.
DÉFAUT D’ETANCHÉITÉ
Selon le BEAmer, le facteur déclenchant de l’événement est la réaction du DRI avec l’eau de mer (voir encadré). Le facteur déterminant est le défaut d’étanchéité des panneaux de cale et du pont. Lequel défaut a également été à l’origine de la perte d’azote qui assurait l’inertage des cales. S’y est ajouté la ventilation des cales. La disparition de l’inertage peut être considérée comme un facteur aggravant. Autre facteur aggravant, l’arrosage à l’eau douce de la cargaison tel que l’a préconisé "l’autorité compétente", opération pourtant "proscrite" par le recueil BC (Bulk Cargo), souligne le BEAmer. En effet, l’arrosage permet certes de diminuer la température mais augmente aussi le dégagement d’H2, gaz hautement explosif, faut-il le rappeler.
RECOMMANDATIONS
Compte tenu de la nature de la cargaison, le BEAmer recommande qu’une "réflexion soit engagée par les professionnels du DRI pour une amélioration du traitement du produit afin de diminuer sa réactivité et rendre son transport par mer plus sûr".
Par ailleurs, "la durée de l’entreposage des billes à l’air libre devrait être limitée à 15 j" avec un contrôle constant de l’état du produit. Avant chargement, l’humidité et la température devront être vérifiées. Lors de l’embarquement, les poussières devraient être récupérées et le produit gardé sec en permanence.
Les cales seront propres et sèches durant le chargement. "L’étanchéité des cales devrait être garantie quelles que soient les conditions météorologiques […]".
Inertage complet des cales par le fond pour chasser l’air, régulièrement complété durant le voyage par de l’azote produit à bord constitue un autre vœu du BEAmer. "Dès que la température atteint 60 oC, il faut faire preuve de la plus grande vigilance", souligne-t-il. La présence d’un subrécargue, comme cela fut le cas sur l’Adamandas, est indispensable, ajoute le BEA.
"Les autorités de l’Etat du port ou de l’Etat du pavillon ne devraient pas autoriser le navire à appareiller avant le déchargement de la cargaison incriminée" poursuit-il un peu de jésuite. En effet, quelques pages auparavant, il souligne que "cet événement a posé en vraie grandeur la problématique des lieux de refuge. Il y a aussi illustré le droit de l’Etat côtier à la protection de son environnement et de ses populations". En clair, quel port envisagerait d’un bon œil la réception à quai d’un pareil chargement (1)?
Le BEA demande de plus que le recueil BC soit bien plus précis sur les propriétés des différentes formes de DRI.
Enfin, compte tenu de la survenance de plusieurs accidents du même type, le BEA demande un recensement précis par l’OMI pour déterminer d’éventuelles mesures supplémentaires.
1) Les "très vieux" se souviennent encore de l’Alpha-Star, OBO chargé de 100 000 t de minerais de fer destinés à Sollac que les autorités de Fos ne tenaient pas particulièrement à voir entrer dans leurs bassins (JMM du 7-1-1994, p. 5).
L’ABC du DRI
Élaboré à partir du minerai de fer, le fer obtenu par réduction directe résulte de la réduction d’oxyde de fer à une température inférieure au point de fusion du métal.
Très poreuses, les billes de DRI ressemblent à des petites boules d’éponge d’une diamètre allant de 6 à 25 mm. Elles se réoxydent très facilement. Environ 10 Mt par an sont exportées principalement en sortie du Venezuela, de Libye, de Trinidad et de Russie.
Ces billes peuvent être compactées, à chaud, à froid, à haute ou basse pression. Cela influe très directement sur leur aptitude à se réoxyder, notamment en présence d’eau, humidité de l’air comprise. En absorbant l’oxygène de l’eau, cette réoxydation libère de l’hydrogène et de la chaleur; laquelle accélère la réaction et peut même l’emballer, à partir de 260 oC pour les particules de DRI, et de 300 oC pour les billes. Des expériences de labo ont montré que l’on pouvait alors atteindre une température de plus de 1 000 oC. De quoi altérer la résistance des coques en acier.
Le transport maritime de ces produits n’est donc pas une sinécure d’autant que la contamination par l’eau de mer peut provoquer une inflammation spontanée, note le BEA dans un très intéressant chapitre de 12 pages consacrées à ce produit. Ajouté aux ferrailles et aux fontes dans les fours électriques, ce produit sert à fabriquer de l’acier.
Smit: bénéfice en hausse
La société de remorquage et de sauvetage Smit anticipe un bénéfice de 33-35,5 M€ pour 2005, contre 27,4 M€ l’année précédente.
Toutes les divisions y auront contribué, notamment le sauvetage grâce aux nouveaux contrats consécutifs aux tempêtes tropicales Rita et Katrina dans le golfe des États-Unis. Ces contrats courent sur une bonne partie de 2006.
D’autre part, Smit a pris une participation de 50 % dans la petite compagnie brésilienne de remorquage Rebras qu’il va développer. Il aurait en effet l’intention de commander au Brésil dix-huit remorqueurs neufs, qui seront utilisés dans les principaux ports du pays. Ces derniers emploient de vieux remorqueurs, dont quatre pourraient être requis pour l’assistance aux navires. Les nouveaux remorqueurs auront une capacité de traction de 45 à 65 t, de sorte que seulement deux suffiront à l’assistance requise.
Mammoet dans le sauvetage
Le transporteur de colis lourds Mammoet, propriété du groupe Van Seumeren, se diversifie dans le sauvetage et les installations en mer.
Il a constitué la division Mammoet Salvage le 1er janvier. Il a en effet une certaine expérience dans ce domaine. En 2001, il s’était associé avec la société de sauvetage Smit pour renflouer avec succès le sous-marin nucléaire d’attaque russe Kursk, qui avait sombré au large de Mourmansk l’année précédente avec 118 hommes à bord. En outre, sa filiale BTS est active dans l’assistance aux navires fluviaux. Récemment, elle a assuré le sauvetage de l’Ilona-M qui avait coulé dans le canal entre Dortmund et Ems.
M.d.J.