Son renflouement s’annonçait ardu. Il a été à la hauteur de ses promesses. Mais l’Ever Forward n’égalera pas la performance de l’Ever Given, qui avait bloqué en mars 2021 pendant une semaine le canal de Suez, voie essentielle à la navigation marchande entre Asie et Europe. Son passif est connu de tous ceux qui aujourd’hui subissent la congestion portuaire car il y a largement contribué.
La comparaison n’a d’ailleurs pas de sens, excepté le fait d’être exploité par la même compagnie, la taïwanaise Evergreen. Le canal de Craighill n’est pas Suez et s’apparente davantage à un chenal conduisant au port de Baltimore. Le porte-conteneurs embourbé peut obstruer la voie de navigation sans avoir de conséquences dramatiques pour le transport maritime au niveau mondial.
Pour autant depuis qu’il s’est échoué le 13 mars dans la baie de Chesapeake, peu de temps après avoir quitté Baltimore alors qu’il se dirigeait vers Norfolk, en Virginie, le porte-conteneurs long de 334 m et d’une capacité de 11 112 EVP mais chargé de 4 964 EVP, a donné du fil à retordre aux garde-côtes de la U.S. Coast Guard Mid-Atlantic et aux équipes de remorquage de Donjon Smit, chargés de la remise à flot.
Déchargement de 505 conteneurs
Il aura fallu plus d’un mois pour parvenir à le désenclaver, déployer cinq remorqueurs et trois barges, opérer des travaux de dragage répétés à 13 m de profondeur autour du navire enlisé, que le cycle des marées mais aussi les conditions météorologiques ont contrarié. Après deux tentatives ratées, l’armateur s’est résolu au déchargement de 505 conteneurs pour délester le navire. Un travail minutieux consistant à transborder une par une les boîtes sur des barges et les amener au Seagirt Marine Terminal de Baltimore.
À 7 h 12, le dimanche 17 avril, le Ever Forward a été renfloué alors que les équipes de sauvetage en étaient encore à décharger les conteneurs la veille à 22h30.
Evergreen a indiqué dans un communiqué de presse que le navire subira des inspections au mouillage, puis retournera au port de Baltimore pour charger les conteneurs, et reprendra son service, avec pour première escale Norfolk, où il était initialement attendu le 17 mars. Le porte-conteneurs ne semble pas avoir subi de dommages et il n'y a eu aucune indication suggérant une fuite de carburant.
Avarie commune
L’armateur avait fini par déclarer l’avarie commune pour faire face à des frais conséquents. Pour rappel, en assurance maritime, il est prévu dans des cas extrêmes (danger pour l'ensemble du navire, l'équipage et le fret, échouement incendie et autres périls) que les risques soient partagés. Chaque chargeur se trouve alors responsable de toute action de « sauvetage » en fonction du pourcentage de la valeur totale (navire + fret) que représente sa cargaison.
Ainsi, si le chargeur a une cargaison d'une valeur de 2,8 M$ répartie dans plusieurs conteneurs, alors que la valeur totale du fret à bord est estimée à 140 M$ et celle du navire à 120 M$ – soit 260 M$ – et que l’opération de sauvetage coûte 22 M$, alors sa part d’avarie commune sera de 236 922,40 $ (2,8 M$ /260 M$ x 22 M$).
Adeline Descamps