Développée par la société finlandaise de conception et d'ingénierie Aker Arctic en coopération avec le chantier naval sud-coréen DSME et le géant gazier russe Novatek, une toute nouvelle forme de coque brise-glace permettra au méthanier de dompter les eaux les plus glacées de la Route maritime du nord tout au long de l'année.
Une deuxième génération de navires conçus pour transporter du GNL va bientôt pointer sa proue au royaume des immensités gelées. Objectif : permettre une exploitation toute l’année sur la route maritime du Nord (Northern Sea Route, RMN), partie orientale du passage du Nord-Est (dit PNE), où le transit se fait actuellement entre juillet et décembre mais n’est encore sillonné que par une vingtaine de navires chaque année. Moscou compte porter à 80 Mt le nombre de marchandises transitant par la RMN d’ici 2025, contre 10,05 millions à l'heure actuelle. Le Sevmorput' selon son appellation russe, offre un raccourci de quinze jours sur le transit time entre Europe et Asie.
Élargir la fenêtre saisonnière de navigation dans l’Arctique, la Russie, via le géant national du gaz Novatek, s’y emploie donc et ne cache plus ses ambitions pour rendre cette artère glacée praticable tout au long de l’année à l'horizon 2025. L’exploitation des ressources gazières est sans surprise un des moteurs de cette quête absolue de navigation. Cette route permet déjà le transit de GNL en provenance de la péninsule russe de Yamal vers l'Asie, client vorace en énergies, au moyen d’une flotte de méthaniers brise-glace de classe Arc7 durant les mois « praticables ». Transit très précoce sur la route maritime Nord
Six méthaniers au design renouvelé
Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering (DSME) vient de signer les contrats de construction avec le transporteur russe d’hydrocarbures Sovcomflot et la compagnie japonaise Mitsui O.S.K. Lines (MOL) pour la construction de trois brise-glaces Arc7 chacun sur la base d’un design complètement renouvelé. Les nouveaux méthaniers transporteront le GNL du terminal Utrenny du second projet de Novatek Arctic LNG 2, clone de Yamal GNL déjà opérationnel. Arctic LNG 2 doit livrer 14,7 Mt de GNL d'ici 2024, production qui sera portée ensuite à 19,8 Mt par an.
Le constructeur naval sud-coréen a travaillé, pour la conception, avec la société d'ingénierie finlandaise Aker Arctic, et ce, depuis fin 2018. Les deux partenaires techniques avaient déjà collaboré sur le premier projet de Novatek. Ils ont entièrement revu la forme de coque du brise-glace et accru la puissance de propulsion (51 MW) de façon à atteindre la vitesse et la manœuvrabilité nécessaires pour naviguer dans des conditions de glace. Avant le début de la construction, cette capacité opérationnelle améliorée sera testée sur des modèles de glace dans le laboratoire de glaces d'Aker Arctic à Helsinki, en Finlande.
Dix nouveaux méthaniers pour Arctic LNG 2
15 méthaniers en exploitation et 19 en construction
Sovcomflot (SCF), opérateur du premier méthanier Arc7 Christophe de Margerie en service depuis 2017, attend ses trois méthaniers d'une capacité de 172 410 m3 d’ici 2023. Les trois navires sous pavillon russe seront exploités dans le cadre de contrats d'affrètement à temps de 30 ans. « Renforcer la position du groupe dans le segment du transport de GNL figure parmi nos priorités de développement, explique Igor Tonkovidov, PDG de Sovcomflot. La valeur des commandes est estimée à 4,2 Md$, ce qui porte le carnet de commandes à environ 24 Md$. »
La compagnie de transport russe compte actuellement 15 méthaniers en exploitation et 19 autres en construction. En 2019 et 2020, 15 autres méthaniers brise-glace pour le projet Arctic LNG 2 ont été commandés au constructeur russe Zvezda et seront livrés en trois phases, de mars 2023 à décembre 2025. SCF ne sera propriétaire que de la tête de série tandis que les 14 autres seront détenus par Smart LNG, une coentreprise entre SCF et Novatek, et affrétés à temps à l'opérateur du projet.
Zvezda donne corps aux ambitions russes dans la construction navale civile
MOL, qui possède déjà trois Arc7 affrétés par l'opérateur Novatek dans le cadre du projet Yamal LNG (16,5 Mt par an), doit être livré de ses trois unités en fin d’année 2023.
La Russie détient les plus grandes réserves de gaz naturel au monde. L’une est dirigée par Gazprom sur l'île de Sakhaline avec une capacité annuelle de 9,6 Mt. L’autre, à Yamal, une péninsule de 700 km de long qui s’enfonce dans la mer de Kara au nord-ouest de la Sibérie, est exploitée par un consortium international qui réunit Novatek (50,1% des parts), Total (20 %), CNPC (20 %) et Silk Road Fund (9,9 %). Le projet avait déjà nécessité la construction de 15 brise-glace Arc7, désormais tous en service. Novatek, Total, CNPC et CNOOC (Chine) ainsi que Japan Arctic LNG, un consortium de Mitsui et JOGMEC, forment l’actionnariat du second projet de Novatek, Arctic LNG 2.
Adeline Descamps