Novatek, le géant russe du gaz naturel, a signé des contrats d'affrètement à long terme pour une flotte de méthaniers de classe glace Arc7 destinés à son second projet de liquéfaction prévu dans l’Arctique. Ils seront construits par le chantier naval russe Zvezda. Nouvel épisode dans la stratégie arctique russe à l’œuvre.
En signant des contrats d'affrètement, de financement et de construction, Novatek confirme la construction de nouveaux méthaniers pour son projet de liquéfaction de GNL dans l’Arctique. Le producteur de gaz naturel russe vient de conclure un affrètement à long terme pour 15 brise-glace avec Smart LNG, une coentreprise entre Novatek et Sovcomflot. « Cet accord permet à Smart LNG de conclure les contrats correspondants avec le groupe VEB.RF et Zvezda Shipbuilding pour le financement en crédit-bail et la construction », indique le communiqué de Novatek.
Cette décision fait suite à la commande par Sovcomflot de la tête de série en octobre 2019 et à celle de quatre navires par Smart LNG passée en janvier 2020. Tous seront construits par le chantier naval russe Zvevda, dont l’histoire s’est longtemps confondue avec la production des sous-marins à propulsion nucléaire de l’ère soviétique et qui est aujourd’hui le fruit d’un consortium entre Rosneft et l’autre gazier russe Gazprom. Le portefeuille de commandes du constructeur comprend actuellement 40 navires, et 59 avec les options.
Stratégie arctique russe
Les futurs méthaniers exploiteront les plateformes à structure gravitaire (GBS) pour réduire le coût global d'investissement et « minimiser son empreinte écologique dans la zone arctique », selon la terminologie officielle du communiqué.
Aux premières loges de l’Arctique, la Russie entend dégager le passage russe des eaux glacées pour y transiter du gaz liquéfié et autres hydrocarbures vers l’Asie. Le Kremlin n’hésite d’ailleurs pas à parler de « stratégie arctique » pour évoquer sa volonté de faire de la route maritime du Nord (RMN) une nouvelle voie commerciale reliant Europe et Asie. Les Russes ont jalonné à cet effet le passage d’infrastructures et se sont équipés en navires afin d’assurer des opérations régulières dans cette zone riche en réserves de GNL.
15 méthaniers déjà en service
Pour rappel, Arctic LNG 2 prévoit la construction de trois trains de liquéfaction de GNL d’une capacité de production de 6,6 Mt par an chacun, ainsi que de 1,6 Mt de condensats de gaz par an. Il devrait être lancé en 2023 pour atteindre en 2026 sa pleine capacité.
Près de 800 M$ ont déjà été alloués à la construction de méthaniers pour le projet Arctic LNG 2, dont tous les financements ont été ficelés fin 2019 et qui devrait être mis en service en 2023. Dans ce projet, Novatek (60 % du capital) est associé à Total (10 %), Japan Arctic LNG B.V. (joint-venture entre le négociant de matières premières Mitsui et Japan Oil, Gas and Metals National Corporation, JOGMEC), China National Petroleum Corporation (CNPC) et China National Offshore Oil Corporation (CNOOC).
Arctic LNG 2 est le clone du projet Yamal LNG, qui exploite déjà les ressources de gaz du champ South Tambey sur la péninsule de Yamal au nord-ouest de la Sibérie. Il est exploité par un consortium international qui réunit Novatek (50,1 % des parts), Total (20 %), CNPC (20 %) et Silk Road Fund (9,9 %). Il avait déjà nécessité la construction de 15 brise-glace Arc7, désormais tous opérationnels.
Un brise-glace géant
Pour escorter les méthaniers au plus profond de l'hiver le long de la RMN, Moscou a officialisé en avril dernier la commande d’un premier brise-glace géant (69 700 tpl) à propulsion nucléaire du type Leader et capable de fendre une épaisseur de glace de 4 m. Le contrat a été signé entre Atomflot et Zvevda. Le navire, d’une valeur de 1,6 Md$, sera construit pour le compte de la compagnie nationale Rosatomflot. Il est attendu en 2027 et devrait avoir deux sisterships d’ici à 2030.
Leonid Mikhelson, PDG et principal actionnaire de Novatek, compte avec ses projets de GNL à grande échelle produire jusqu'à 70 Mt d'ici 2030. Les méthaniers pourraient aussi « servir » dans la perspective où le groupe obtiendrait la décision finale d’investissement de son projet Obsky LNG (4,8 Mt/an), également prévu dans la péninsule de Yamal.
Adeline Descamps
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