Le chantier naval a livré le 29 décembre l'Okeansky Prospect (112 650 tpl) à l'armateur Sovcomflot, particulièrement touché par les sanctions financières occidentales après le début de la guerre en Ukraine.
Le navire ainsi que son sistership, encore en construction, avaient été commandés en septembre 2018. Ils seront affrétés par Rosneft, l’un des pionniers dans l'adoption du GNL comme carburant principal pour les tankers de grande capacité.
Douze unités au GNL
Zvezda doit livrer au total douze unités à propulsion GNL, toutes dédiés à Rosnefteflot, une filiale de Rosneft. Les deux premiers de cette classe, – les Vladimir Monomakh et Vladimir Vinogradov –, ont été livrés, l’un en 2020 et l’autre en 2022. Quatre autres pétroliers sont actuellement en construction sur les terres de Zvezda, dans le Kraï en Asie de l’Est, au bord de la mer du Japon.
Les navires de 250 m de long et de 44 m de large sont de classe glace 1A/1B, ce qui leur permettra de transporter du pétrole toute l'année dans des conditons de glace extrême, à la pointe de l’Asie de l’Est ou en Baltique
Le carnet de commandes du constructeur, dont les actionnaires sont Rosneft et Gazprom, comprend une vingtaine de pétroliers et méthaniers représentant 2 millions de tpl.
Une concrétisation supplémentaire pour Zvezda
Zvezda, dont l’histoire s’est longtemps confondue avec la production des sous-marins à propulsion nucléaire soviétique, est aujourd’hui reconnu pour sa capacité à produire des navires adaptés aux conditions arctiques et polaires. Avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il avait été retenu par Atomflot, une filiale de Rosatom, pour construire l’un des plus grands brise-glace nucléaires au monde.
Le navire capable de fendre la glace jusqu'à quatre mètres d'épaisseur à une vitesse de 10 nœuds, d’une valeur de 1,6 Md$, devait être lancé avant 2027 et devrait avoir deux sisterships d’ici à 2030. Il est destiné à acheminer du GNL vers l’Asie. Le Kremlin avait d’ailleurs présenté le futur navire comme la pièce maîtresse de sa vaste stratégie arctique, qui vise à ouvrir la route maritime du Nord, dont Moscou espère faire une nouvelle route commerciale.
Cette commande avait été une consécration pour le chantier car les brise-glaces nucléaires sont d’ordinaire plutôt confiés au chantier naval de Saint-Pétersbourg, d’où est recemment sorti l'Oural après les Arktika et Sibir.
Zvezda revient de loin. Au cours la décennie troublée 1990-2000, le site ne survivra que grâce aux aides et contrats de travaux sur les sous-marins retirés du service avant que ne soit actée sa réorientation dans le civil au début des années 2000. Avec pour ambition de se positionner sur les supertankers d’une capacité jusqu’à 350 000 tpl, les méthaniers jusqu’à 250 000 m³, des navires spécialisés et offshore et des brise-glace.
L’entreprise avait également été retenue pour la construction (en partenariat avec le sud-coréen Samsung Heavy Industries sur la base d’un transfert de technologie) de 15 méthaniers Arc7 destinés au projet Arctic LNG 2 porté par le géant gazier russe Novatek. Ils sont destinés à transporter du GNL depuis les champs gaziers de la péninsule de Gydan, dans le nord-ouest de la Sibérie. Mais la guerre a perturbé l’ensemble de ces plans.
Une année difficile
SCF a traversé une année 2022 difficile. Après l'imposition des sanctions financières, la compagnie s'est retrouvée en défaut sur ses euro-obligations, dans l’incapacité de respecter les échéances de sa dette en euros. L’armateur russe avait alors annoncé son intention d'émettre des obligations russes.
En avril et en mai, la société a été contrainte de vendre quelques-uns de ses navires afin de réduire son exposition aux institutions financières occidentales. Autre effet collatéral de la guerre, le constructeur sud-coréen DSME a ensuite annulé les commandes de trois méthaniers destinés aux projets arctiques, arguant de difficultés à honorer des paiements à date.
Sovcomflot a récemment achevé son plan de refinancement en levant 695 M$ en obligations russes de remplacement mais 233 M$ d'euro-obligations resteraient encore en circulation.
Adeline Descamps