Une pierre d’achoppement. Les deux principales organisations représentant les intérêts du monde portuaire auprès de l'Union européenne s’opposent à la proposition de la Commission visant à sélectionner des ports où les marins pourraient embarquer et débarquer facilement. « Ni techniquement ni économiquement possible », arguent-elles.
Sujet majuscule révélé par les mesures de confinement, la problématique de la relève d’équipage ne sera sans doute pas réglée quand il ne sera plus nécessaire de se la poser puisque les pays auront « déconfiné ». En dépit de lignes directrices émises par l’Union européenne, des lettres ouvertes des grandes organisations maritimes et fédérations professionnelles adressées aux gouvernements, des prises de position répétées de l’OMI, de solutions émises (aéroports et ports désignés où les marins pourraient transiter sans être contraints…), le débat n’est pas toujours pas épuisé. Les restrictions de voyage et de déplacement personnel adoptées par la plupart des pays ont laissé de nombreux marins bloqués à bord des navires ou dans des hôtels sans la possibilité de prendre un vol.
Alors que le problème requerrait une approche pragmatique – les marins et le personnel maritime « doivent bénéficier de toutes les exemptions nécessaires aux restrictions nationales » et être autorisés à transiter par les territoires pour regagner un aéroport – il semble au contraire nécessiter des négociations diplomatiques pour une finalité toute simple : que des marins puissent rentrer chez eux après une longue période en mer.
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Débat relancé
Le chapitre est réouvert, cette fois par l’European Sea Ports Organisation (Espo) et la Federation of european private port companies and terminals (Feport), qui s’opposent à l’une des propositions de la Commission européenne faite le 8 avril dans le cadre de lignes directrices relatives aux gens de mer, aux passagers et aux personnes à bord des navires, demandant entre autres aux États membres de désigner des ports où les changements d'équipage puisssent être effectués rapidement.
Les deux principales organisations représentant les intérêts des gestionnaires des ports de commerce européens et les manutentionnaires et exploitants de terminaux considèrent qu’il « n'est ni techniquement ni économiquement possible de limiter les changements d'équipage à un groupe restreint de ports principaux », sans « perturber inutilement une chaîne d'approvisionnement déjà sous pression ».
« Les escales sont prévues dans le cadre d'une chaîne logistique complexe et de distribution de l’hinterland. Par exemple, il n'est ni possible ni souhaitable de rediriger un vraquier vers un port de ferry simplement pour effectuer un changement d'équipage. En outre, des postes d'amarrage seront nécessaires dans tous les ports pour accueillir les navires désarmés, qui devront à leur tour avoir la possibilité de débarquer et d'embarquer leur équipage », argumentent-elles.
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Remaniement des escales impossible
La Feport et l’Espo demandent donc aux pays de l’UE de permettre les changements d'équipage dans tous les ports en appliquant le concept de la « voie verte » (proposée dans le cadre des lignes directrices de Bruxelles) pour le franchissement des frontières. « Si les changements et les transferts d'équipage peuvent être facilités à partir et vers un port du pays, ils peuvent l'être dans tous les ports. Ce problème doit être résolu le plus rapidement possible, mais il ne doit pas entraîner un remaniement de haut en bas des escales en Europe. Le concept de voies vertes, combiné à une meilleure coordination entre les États membres, est la solution la plus efficace », ajoute Isabelle Ryckbost, secrétaire générale de l'ESPO.
Elles invitent aussi les compagnies maritimes « à se concerter avec les États membres et les aéroports afin de s'assurer que les vols nécessaires au retour des équipages des navires puissent être organisés, tant au sein de l'UE que vers les pays tiers. »
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Appel solennel
À quelques heures d’intervalle, le secrétaire général de l'OMI adressait un message désespéré aux marins. « Vous n'êtes pas seul. Vous n'êtes pas oubliés », s’est enflammé Kitack Lim. Tout en indiquant avoir bien pris conscience des difficultés rencontrées à la fois pour effectuer les changements d'équipage mais aussi fournir des soins médicaux aux équipages malades, permettre des congés à terre ou encore réapprovisionner les navires, il les assure que le personnel de l'OMI travaille sans relâche « 24h/24 », et à tous les niveaux, « avec les syndicats, les armateurs, les gouvernements et les autres agences des Nations unies, en particulier l'Organisation internationale du travail, pour leur trouver des solutions ».
Très rapidement, dès que le problème a été identifié, le secrétaire général a invité les États membres de l'OMI à considérer les marins comme des « travailleurs essentiels » et à supprimer tout obstacle à l'obtention des documents nécessaires pour permettre le rapatriement des personnels. Il est estimé que 100 000 marins parviennent, chaque mois, au terme de leur service. Pour rappel, la Convention du travail maritime de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) adoptée à Genève en 2006, est entrée en vigueur en août 2013 et a été ratifiée par 88 pays. Elle établit à onze mois le temps maximum passé en mer. 1,6 million de marins sont concernés par le droit social maritime.
Adeline Descamps
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