En six jours de déroute, Gautam Adani a perdu son titre d'homme le plus riche d'Asie et sa fortune personnelle a fondu de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Mais au-delà de son cas personnel, les sociétés cotées du conglomérat créé par le magnat indien avaient perdu, au sixième jour consécutif de chute, plus 104 Md$, a calculé Bloomberg.
La situation fait suite aux accusations de la société d'investissements américaine Hindenburg Research qui fait état d'une fraude comptable sur plusieurs décennies. Le plongeon serait lié à une information selon laquelle le groupe bancaire Credit Suisse a cessé d'accepter les obligations du conglomérat Adani comme garantie collatérale pour les prêts sur marge.
TotalEnergies touché par ricochet
Le titre d'Adani Enterprises, fleuron du groupe aux actifs diversifiés, a chuté de 10 % à l'ouverture des échanges de la Bourse de Mumbai, déclenchant l'arrêt automatique des transactions. Adani Ports and Special Economic Zone Ltd, Adani Green Energy et Adani Total Gas – dont TotalEnergies détient respectivement 37,4 % (depuis 2019) et 19,75 % (depuis 2020) pour ces deux sociétés –, et Adani Transmission ont également subi une décote de 10 %.
Les groupes français et indien sont partenaires depuis 2018, ayant amorcé leur collaboration en créant une joint-venture (50/50) dans le secteur du GNL, Adani Total Private Ldt (ATPL), afin d’exploiter le terminal de regazéification de GNL de Dhamra, qui devrait démarrer au deuxième trimestre 2023.
Avec l’acquisition d’une participation minoritaire de 20 % dans la société cotée Adani Green Energy Ltd (AGEL), TotalEnergies contrôle en 50 % dans un portefeuille d'actifs solaires dans lequel il a investi 2,5 Md$. Selon le TotalEnergies, l'exposition financière de son groupe dans le conglomérat indien de l'énergie et des infrastructures se « limitait » à 3,1 Md$ au 31 décembre 2022.
Un empire portuaire
Le groupe Adani, vieux de 60 ans, s’est développé en mode accéléré au cours des deux dernières décennies, son titre s’est d’ailleurs envolé de plus de 1 000 % ces cinq dernières années. Il s’est constitué un empire en investissant dans les ports, le commerce des matières premières jusqu’aux aéroports et aux médias.
Cette fortune rapide et la proximité du magnat indien avec Premier ministre Narendra Modi, tous deux originaires de l'État du Gujarat, font le miel de ses détracteurs qui y voient un lien entre son aisance à remporter des marchés et à passer à travers les mailles d’une surveillance réglementaire appropriée.
Parmi les récentes affaires conclues par le premier opérateur privé d’infrastructures portuaires en Inde, il y a le port d’Haïfa, décroché en juillet de l’an dernier. Sélectionné au terme d’un appel d’offres dans le cadre d’un processus de privatisation portuaire qui aura duré deux ans, le groupe portuaire indien Adani Ports, associé à un groupe israélien de chimie et de logistique Gadot, a emporté le marché pour un montant de 1,18 Md$ face à trois autres groupements.
Ancrage dans le premier port à conteneurs indien
En août dernier, la société indienne a annoncé un cinquième terminal à conteneurs d’une capacité de 1,8 MEVP à Mundra, le plus grand port indien pour le trafic conteneurisé et concurrent direct de l’autre grand port indien de Jawaharlal Nehru (JNPT). Il portera la capacité du port à près de 9 MEVP. À sept ans du terme de la concession de trente ans de Mundra qui lui a été accordée par le gouvernement de l'État de Gujarat, le groupe indien a dû obtenir l’assurance de son renouvellement pour y prévoir de tels niveaux d’investissement.
Là, hormis le Mundra International Container Terminal, premier terminal créé, qui est exploité par une filiale de DP World, Adani Ports est partie prenante dans les trois autres : le CT-2, opéré seul tandis que pour Adani International Container Terminal Private (CT-3), il est associé à Til, l’opérateur portuaire de MSC, et pour le ACMT (CT-4), il a créé une joint-venture avec CMA Terminals, la filiale portuaire du groupe français.
13 ports et terminaux
En moins de deux décennies, Adani Ports and Special Economic Zone Limited (APSEZ Ltd.) a pris position, en construisant, acquérant ou en prenant des participations, dans 13 ports et terminaux représentent 24 % de la capacité portuaire du pays.
Au cours du premier semestre de l'année fiscale 2022, l’entreprise a traité 177,5 Mt de marchandises, soit une croissance de 11 % par rapport à l'année précédente, portée par le vrac sec (+ 18 %) et les conteneurs (+ 5 %). Les volumes des ports autres que Mundra (54 % du total de fret traité) ont progressé de 14 % par rapport à l'année précédente tandis que Mundra était en croissance de 7,5 %. Mundra était alors le plus grand port de manutention de conteneurs avec 3,28 MEVP contre 2,96 MEVP gérés par JNPT. L’économie indienne a été l’an dernier parmi les plus dynamiques au monde l’an dernier.
Adeline Descamps