L'OMI produit un vade-mecum en 12 points pour permettre la relève d'équipage

 

L'Organisation maritime internationale (OMI) a publié une feuille de route à l'intention de ses 174 États membres, fournissant un cadre pour permettre aux marins de bénéficier des exemptions nécessaires pour rejoindre ou quitter les navires. Est-ce enfin la solution définitive à un des problèmes les plus prégnants que la pandémie ait posés au transport maritime ?​

« Le problème est simpliste, mais la solution est complexe », a commenté dans un communiqué Guy Platten, secrétaire général de l'International Chamber of Shipping, saluant la publication par l’OMI d’une feuille de route offrant à ses 174 États membres un cadre pour permettre les changements d'équipage en toute sécurité, dans le respect des protocoles sanitaires et intégrant la problématique du transit aérien. Aussi simple soit-il, permettre à des marins de rentrer chez eux à la fin de leur période de service s’est manifestement révélé comme un des principaux défis auxquels a été confronté le secteur du transport maritime par la pandémie. « L’OMI a approuvé une série de protocoles visant à résoudre ces problèmes », garantit aujourd’hui le secrétaire général de l'OMI, Kitack Li.

Est-ce enfin la solution définitive à un problème qui s’est posé dès que les États ont apposé les scellés sur leurs frontières ? Depuis le verrouillage des pays, États du pavillon, syndicats patronaux et salariaux, organisations maritimes… n’ont de cesse d’alerter les pouvoirs publics, qui détiennent les clés, sur la bombe à retardement que représente l’impossibilité d’opérer les relèves, en termes d’épuisement des marins, de sécurité des opérations des navires et de menaces sur la chaîne d’approvisionnement mondial à un moment critique.

L’OMI a approuvé une série de protocoles visant à résoudre ces problèmes » Kitack Li, secrétaire général de l'OMI

Pièges

Dans quelques jours, 150 000 marins marchands devront être remplacés conformément aux réglementations maritimes internationales et aux obligations contractuelles selon lesquelles les périodes de service à bord des navires ne peuvent pas être prolongées indéfiniment. Selon l’ITF, de nombreux marins ont déclaré se sentir « piégés » et épuisés par les heures supplémentaires et le stress occasionné par la peur de contracter le virus. Récemment, un fait a choqué. Un aframax à destination de Singapour s’est dérouté vers l'Inde, le capitaine invoquant la tension mentale que lui et son équipage subissent en raison des semaines prolongées en mer.

Richard von Berlepsch, le directeur général de la gestion de la flotte de Hapag-LLoyd, a expliqué lors d’un webinar organisé par l’armateur que les mesures de verrouillage ont eu un impact sur au moins 200 marins employés sur les navires de la compagnie, dont la fin de service a été retardée.

« Les marins continuent à travailler très dur, jour après jour et loin de leurs proches, mais si nous ne parvenons pas à les libérer de leur immobilisation prolongée, les échanges commerciaux pourraient s’en trouver perturbés et, plus important encore, nous augmentons le risque d'accident et de problèmes de santé à bord. Repousser ce moment n'est plus une option », a encore répété Guy Platten. La Chambre maritime internationale et l’International Transport Workers’ Federation (fédération des syndicats d’employés dans le transport) figurent parmi les premières institutions à avoir sensibilisé à la problématique, demandant à ce que les gens de mer soient considérés comme des « travailleurs clés », statut permettant de s’affranchir des restrictions imposées par le confinement.

Mobilisation générale sans effets

L’ICS a également fait état d’un certain nombre de propositions de concert avec l’IATA, l’Association internationale du transport aérien, lequel est capital pour les équipages afin qu’ils puissent rejoindre leur port d’embarquement ou rentrer chez eux en fin de mission. Depuis, les syndicats de marins, les partenaires sociaux, les organisations internationales, les gestionnaires de ports et exploitants de terminaux, tous ont mis des solutions sur la table. Pour tenter d’apporter un peu de cohérence aux restrictions émises de façon déconcertée par ses États membres, la Commission européenne a produit des lignes directrices, faisant de quelques ports désignés des hubs libérés de toute entrave de circuler. Là, les marins pourraient trouver un ensemble de prestations leur permettant de respecter les protocoles sanitaires dans des conditions de confort ou être pris en charge en cas de détection d’une maladie, etc.

Cette fois, sous l’égide de l’OMI, la profession a adopté une feuille de route, rédigée par les acteurs du transport maritime dans sa large communauté* et les syndicats de marins avec la participation de représentants du secteur aérien, des assurances et d’organisations internationales telles l’OIT (travail). Le plan en douze étapes est structuré autour de deux séries de protocoles : la première concerne les mesures à prendre pour permettre à un marin de partir de son lieu de résidence dans un pays donné et rejoindre un navire dans le port maritime d'un autre pays. La seconde s’attelle au process pour qu’il puisse quitter le navire et être rapatrié chez lui.

Envoyer un message fort de collaboration intersectorielle en cette période d'urgence » Guy Patten, ICS

Aucun caractère obligatoire

Pour le bon déroulé des procédures, le document de 55 pages aborde le rôle des compagnies maritimes, des agences en charge des équipages, des ports maritimes jusqu’aux aéroports et aux compagnies aériennes. Il émet ensuite des recommandations à l'intention des administrations maritimes et des autorités sanitaires, douanières, d'immigration, de contrôle des frontières, des ports maritimes et de l'aviation civile. Le memento reprend quelques-unes des propositions qui avaient été émises ces dernières semaines. Parmi celles-ci : des contrôles sanitaires sur le lieu de résidence sept jours avant le départ pour un navire, la tenue d'un registre quotidien des températures, l'usage d'équipements de protection pendant les transits, la désignation de hub-aéroports…

Si les protocoles ont été approuvés, ils n’ont aucun caractère obligatoire. « Les États membres de l'Organisation et les organisations internationales sont invités à utiliser les protocoles et à les diffuser auprès des autorités nationales compétentes », indique seulement l’OMI, qui ne dit pas comment elle va s’assurer de sa mise en oeuvre. Certes, mais « cette initiative envoie un message fort de collaboration intersectorielle en cette période d'urgence », défend Guy Platten, pour lequel l’OMI a agi rapidement : « il est sans précédent de développer ces protocoles de façon aussi détaillée dans un laps de temps aussi court. » Au vu du nombre de parties prenantes dont il a sans doute fallu prendre en compte les intérêts, l’OMI a en effet obtenu une approbation rapide.

Un État du pavillon ne peut pas être un obstacle » 

Certains États du pavillon n’ont pas attendu que l’OMI agisse pour assouplir leurs règles. Chypre a été le premier à déverrouiller moyennement certaines conditions. Les marins arrivant par avion à Chypre sont soumis à une quarantaine de 14 jours. Ils doivent avoir été soumis à un test de dépistage dans leur pays d'origine ou, si ce n'est pas possible, à Chypre à leur arrivée. « En coordination avec le ministère des Transports, le ministère de la Santé a mis en place un cadre officiel pour assurer la continuité du commerce et le bien-être de nos travailleurs clés. Nous restons déterminés à faciliter un processus sans heurts pour permettre aux personnes de retrouver leurs proches, ce qui est si important en ces temps difficiles », a justifié Natasa Pilides, vice-ministre chypriote de la Navigation.

Quelques jours avant que l’OMI ne fasse connaître son plan, le registre du Libéria appelait les États du pavillon à s’unir sur le sujet. « Un État du pavillon ne peut pas être un obstacle, mais doit être un facilitateur dans ce domaine. Les principaux États du pavillon doivent travailler ensemble pour faire de cette priorité commune une réalité », insistait Alfonso Castillero, le directeur des opérations du Liberian International Ship and Corporate Registry (LISCR). Pour le dirigeant, il y a plusieurs choses qu'un pavillon peut faire, à commencer par délivrer en temps utiles les documents dont les marins ont besoin pour voyager…

L'aéroport international Ninoy Aquino, principal aéroport des Philippines, vient de rouvrir ses portes aux vols internationaux à l'arrivée. Il y a environ 40 000 marins philippins qui attendent de rentrer chez eux en provenance du monde entier...

Adeline Descamps

* Les protocoles relatifs au changement et au rapatriement des équipages ont été établis par l'ICS, l'IAPH, le BIMCO, l'IFSMA, l'INTERTANKO, les P&I Clubs, la CLIA, l'INTERCARGO, l'InterManager, l'IPTA, l'IMCA, l'INTERFERRY, le FONASBA, l'ITF et le WSC. Ils tiennent également compte des contributions de l'Association internationale du transport aérien (IATA).

 

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