Après avoir signé le 24 septembre un important contrat de 1,5 Md$ avec le groupe gazier et pétrolier français TotalEnergies pour le développement du champ de gaz naturel North Field South (NFS), QatarEnergy a annoncé avoir conclu des contrats de construction et d'affrètement à long terme pour 60 méthaniers. L’annonce a été faite par le ministre d'État aux Affaires énergétiques, Saad bin Sherida al-Kaabi, et l’accord s’inscrit dans le cadre de son programme historique de construction neuve portant sur quelque 150 méthaniers « en soutien à nos projets d'expansion du GNL ». L'un des principaux producteurs de GNL au monde, dont le gaz est l'un des moins chers à produire, souhaite augmenter sa production de plus de 60 % pour atteindre 110 Mt d'ici à 2025 et 126 Mt en 2027 (contre 77 Mt actuellement).
Dans la première phase du projet, les trois grands constructeurs navals sud-coréens construiront un total de 54 méthaniers : 19 par DSME, 18 par Samsung Heavy Industries (SHI) et 17 par Korea Shipbuilding & Offshore Engineering (KSOE), l’entité qui regroupe les chantiers navals Hyundai Heavy Industries, Hyundai Mipo Dockyard et Hyundai Samho Heavy Industries. La valeur totale de ces contrats est estimée à 11,58 Md$.
La Corée du Sud, le Japon et la Chine en sont les principaux clients, l'Europe s'étant longtemps opposée aux accords à long terme souhaités par l'émirat. Mais suite à la guerre en Ukraine, les importateurs de GNL s'empressent de sécuriser des alternatives au gaz russe.
Les majors européennes au balcon du Qatar
Dans le cadre du nouvel accord, TotalEnergies interviendra dans le projet NFS (capacité de production annuelle de 16 Mt/an) à hauteur de 9,375 % alors que le Qatar, qui souhaite contrôler à 75 % le complexe, a fixé à 25 % la part totale des sociétés étrangères. D’autres participations doivent donc être attribuées.
Le groupe français avait déjà signé en juin un accord de plus de 2 Md$ avec Doha pour le développement du projet North Field East (NFE, capacité de production annuelle de 32 Mt/an), qui avec le North Field South, sont des projets d'extension du champ offshore North Field, que la petite monarchie du Golfe partage avec l’Iran. Grâce au cumul de ses participations dans NFE (6,25 %) et NFS, le français ajoutera, d’ici 2028, 3,5 Mt/an à son portefeuille mondial de GNL sachant qu’il s’est fixé pour objectif de porter à 50 % la part du gaz naturel dans son mix de ventes à l’horizon 2030.
En juillet, le géant énergétique britannique Shell avait été choisi comme cinquième et dernier partenaire étranger pour développer North Field East, où la production doit débuter en 2026. La compagnie britannique détient 6,25 % dans le projet via une co-entreprise avec QatarEnergy. TotalEnergies et l'américain ExxonMobil détiennent une participation similaire dans le complexe tandis que Italien Eni et l'Américain ConocoPhillips ont chacun 3,125 % des parts.
Décrit comme le plus grand gisement de gaz naturel au monde avec 10 % des réserves connues dans le monde (selon le producteur de gaz qatari), le champ North Field, qui totalise donc une capacité de 48 Mt/an, portera la capacité d’export du Qatar à 126 Mt/an d’ici 2028.
Le représentant du pays en charge des Énergies a affirmé auprès de l’AFP que son pays menait actuellement des « négociations avec la plupart des acheteurs à travers le monde, et certaines sont dans un état plus avancé » que d'autres, confirmant par ailleurs que Doha est en discussions avec la Grande-Bretagne.
L'ascension fulgurante de l'Allemagne en tant qu'importateur de GNL
Les Émirats arabes unis se positionnent aussi
Cette annonce intervient alors que le chancelier allemand Olaf Scholz avait entamé ce jour-là une tournée dans le Golfe. Il devait rencontrer le lendemain Saad bin Sherida al-Kaabi. L’Allemagne, qui ne disposait pas de terminaux méthaniers, avance rapidement pour se doter d’infrastructures lui permettant d’importer du GNL. Elle a actuellement affrété cinq terminaux de stockage et regazéification (FSRU), notamment les deux unités que RWE a affrétées auprès de Hoegh LNG, les Transgas Force et Transgas Power de 174 000 m3 appartenant à Dynagas et qui seront affrétés par Uniper, et le FSRU d'Excelerate affrété par Engie, TES et E.ON.
Le Qatar n’est pas le seul pays de la région à profiter des ennuis de la Russie. Le groupe pétrolier émirati Adnoc (Abu Dhabi national oil company) a signé un accord avec le géant allemand de l’énergie RWE en vue de fournir la première cargaison de GNL du FSRU de Brunsbüttel, au nord de l’Allemagne près de Hambourg.
La première livraison de GNL (137 000 m3), qui provient de l’unité de liquéfaction de Das Island (capacité de 6 Mt par an), au large d'Abu Dhabi, devrait être livré fin décembre à Elbehafen LNG. La joint-venture entre RWE, Hoegh LNG et Marine service opérera l’un des deux FSRU que RWE a affrété auprès de Hoegh LNG pour le compte de Berlin. « Cela marque une étape importante dans la construction d'une infrastructure d'approvisionnement en GNL en Allemagne et la mise en place d'un approvisionnement en gaz plus diversifié », a déclaré la société énergétique allemande.
Adnoc et RWE ont par ailleurs signé un protocole d'accord pour l’approvisionner en GNL pendant plusieurs années, dont les premières livraisons à partir de 2023. Ce contrat est le premier accord de GNL conclu par Adnoc avec un client allemand.
Outre Das Island, Adnoc travaille également sur un second complexe à Fujairah (Fujairah LNG) comportant deux trains de liquéfaction d’une capacité de 4,8 Mt par an, ce qui augmentera la capacité de production de GNL de la société à 9,6 Mt par an.
A.D.