Au centre, Gilbert Emery, procureur adjoint de la république
Le tribunal correctionnel de Valence a décidé d'annuler partiellement la procédure visant six cadres et trois sociétés du groupe Norbert Dentressangle, auxquels la justice reproche d'avoir abusivement utilisé des filiales étrangères pour faire travailler plus de conducteurs à moindre coût. Le tribunal a décidé de renvoyer le procès du groupe de transport à mars 2016, et ce malgré le constat des nullités des procès verbaux des perquisitions et des saisies et d’une partie des auditions des responsables régionaux. Gilbert Emery, procureur adjoint de la république, qui avait initié l’enquête préliminaire, qui ne cachait pas sa déception au prononcé du délibéré, revient pour nous sur la décision du tribunal.
Sur quels points précis, le tribunal a validé les nullités présentées par la défense ?
Gilbert Emery :
« La présidente a renvoyé le procès à mars 2016 mais c’est sans tenir compte des voies de recours. Il est fort probable que nous faisions appel pour que le point de droit, en l’occurrence ici la nullité des perquisitions, qui est litigieux et pas évident, soit tranché par la cour d’appel ».
Les perquisitions sont remises en cause par le tribunal pour quelles raisons ?
Gilbert Emery :
« Je rappellerai que ces perquisitions ont été réalisées sur la base du code du Travail. Le seul article qui était disponible en 2012 précisait qu’il fallait demander l’autorisation aux présidents de juridiction où se trouvaient les établissements Dentressangle. J’ai eu quatre autorisations de quatre présidents de juridictions différents qui ont donné la possibilité d’agir à l’époque. Trois ans plus tard, on vient nous dire non ce n’était pas possible car cet article du code du Travail n’était pas conforme à la convention européenne des droits de l’Homme alors que des centaines de procédures ont été faites sur la base de ce même article. La défense a fait référence à la jurisprudence intervenue entre temps en 2014 sur les nullités de garde à vue. La cour de cassation avait déclaré que la garde à vue « à la française » n’est pas possible car là encore pas conforme à ma convention européenne des droits de l’Homme. Le conseil constitutionnel avait dit qu’il donnait un an pour revoir le système. La cour de cassation avait répondu qu’elle ne pouvait pas attendre ce délai mais n’a surtout pas annulé les décisions antérieures à 2014. Si cela avait été le cas, cette décision aurait consisté à libérer des milliers de gens des prisons. C’est le raisonnement que l’on nous applique aujourd’hui. On aurait du lire en 2012 dans une boule de cristal pour voir qu’en 2014 ce ne serait pas conforme à la convention. Je n’avais pas d’autres possibilités. Si je n’avais pas réalisé les perquisitions sur la base retenue, l’enquête aurait mené nulle part. La seule solution aurait été d’ouvrir une information judiciaire. Cela veut dire aussi que dans le cadre d’une enquête préliminaire dans un tel dossier, cela pose un problème de sécurité absolu. On vous annule trois ans après un travail effectué plus tôt. Je n’ai pas faite de fautes de procédures. Je n’ai qu’appliqué que strictement ce que j’avais le droit d’appliquer à ce moment là ».
Comment la présidente peut-elle maintenir un procès de fond tout en ayant enlevé tout le fond de l’affaire ?
Gilbert Emery :
« Elle est obligé. C’est la procédure. Il lui reste quelques éléments sur lequel le procès s’il a lieu en mars prochain se tiendrait. Mais ce sont des miettes. Ce n’est plus rien, ça n’a plus de corps, plus de sens. Car tout le dossier est basé sur les perquisitions et notamment celles informatiques. Et ensuite, nous avions fait référence à tout ce que l’on avait trouvé dans les dossier pour interroger les personnes et les témoins. Et le tribunal a annulé tous les éléments qui faisaient référence aux perquisitions. Donc il ne reste plus rien. Ce n’est plus jugeable ».
Propos recueillis par Hervé Rébillon