Geert Pauwels, Lineas : "Notre vrai concurrent, c’est le camion"

Geert Pauwels, le patron de Lineas (ex B Logistics), a dû procéder d'abord à un vaste plan de retructuration . L'entreprise passe maintenant de la survie à la conquête.

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L’entreprise de fret ferroviaire B Logistics a tout récemment été rebaptisée Lineas. Un symbole du passage de la survie à la conquête... Son président, Geert Pauwels, nous explique le dur chemin parcouru pour renouer avec la rentabilité et évoque ses ambitions européennes en faveur du report modal.

Actu-Transport-Logistique.fr : Pourquoi l’entreprise B Logistics a-t-elle décidé de changer de nom ?

Geert Pauwels : B Logistics a connu ces dernières années une transformation énorme. C’est devenu une tout autre entreprise, et c’est d’abord ce changement que symbolise l’adoption d’un nouveau nom, Lineas. Nous avons aussi voulu marquer le passage à une nouvelle stratégie, entièrement tournée vers le report modal. Maintenant que le combat pour la survie est passé, nous allons déployer toute notre énergie à mettre en place des produits ferroviaires meilleurs que le camion.

Peu de gens croyaient à notre redressement

ATL : B Logistics, devenu Lineas, se définit comme un "survivant" et revendique fièrement sa rentabilité retrouvée. Comment expliquez-vous ce redressement ?

G.P. : En 2009, B Logistics enregistrait une perte nette de 160 M€, pour 340 M€ de chiffre d’affaires. Autant dire que l’entreprise était au bord de la faillite. À partir de là, trois options s’offraient à nous :

  • fermer l’activité, ce qui n’était pas une bonne chose d’un point de vue social, mais aussi pour l’industrie belge ;
  • vendre, mais les résultats étaient tels que nous avions peu de chance de trouver un acquéreur ;
  • restructurer et transformer.

C’est cette option que j’ai porté, en arrivant à la tête de l’entreprise avec un plan de restructuration qui prévoyait un retour à la rentabilité en 5-6 ans. Peu de monde y croyait. Mais ce qui a fait la différence, c’est qu’au-delà du redressement, nous étions motivés par la volonté de survivre et par la passion. Finalement, la situation s’est améliorée tous les ans depuis 2009.
 

ATL : Quelles mesures avez-vous pris pour redresser B Logistics ?

G. P : Nous avons évidemment dû procéder à des réductions de coûts, et notamment à des diminutions d’effectif. Nous sommes aujourd’hui 1 900 personnes contre 4 000 en 2008, dont 1 000 personnes qui ont été recrutées ces 8 dernières années en tant que contractuels et non plus sous statut. Mais le projet ne s’est pas limité à cela. Nous avons favorisé la prise d’initiatives, nous avons revu les plans de transport pour éviter de faire circuler des trains à moitié remplis, nous avons augmenté les prix. La situation a aussi été difficile à vivre pour les clients, qui ont dû accepter ces hausses mais aussi accepter parfois de revoir leurs processus. Mais c’était ça ou la mort de l’activité. Certains clients sont partis vers la route. Notre défi, maintenant, c’est de créer des produits ferroviaires performants pour développer le report modal.
 

ATL : En quoi consistent ces "produits ferroviaires" ?

G.P. : Nous allons continuer les 3 types de trafics que nous avons : les conteneurs, les trains complets et le trafic diffus. Mais nous essayons d’apporter de nouvelles solutions. Le trafic diffus, par exemple, ne répond pas correctement aux besoins exprimés par les clients, notamment en terme de fréquences. Nous avons décidé de lancer des services avec 5 départs par semaine, quitte à rouler à perte au démarrage. Mais c’est en offrant cette qualité de service que l’on peut ensuite essayer de conquérir de nouveaux clients. Et nous avons constaté un doublement, un triplement voire même un quadruplement des volumes sur certaines lignes.

On essaye aussi d’innover en mettant par exemple dans un même train des conteneurs et du trafic diffus, ce qui peut nous permettre d’assurer plus de volumes et donc de meilleures fréquences. Notre objectif consiste maintenant à étendre ce réseau que nous avons baptisé "Green Express Network".

On est ouvert à des partenariats avec Fret SNCF ou d'autres opérateurs ferroviaires

ATL : Quel est aujourd’hui votre maillage et comment comptez-vous l’étendre ?

G. P. : Nous assurons aujourd’hui une dizaine de liaisons depuis notre hub d’Anvers vers la Suisse, l’Autriche, la Slovaquie, la République tchèque, la Suède ou, en courte distance, vers Le Havre, Cologne, Rotterdam et Mannheim. Notre but est de connecter d’autres centres économiques européens, seuls ou en coopération avec d’autres partenaires ferroviaires.
 

ATL : Avez-vous des projets en France ?

G.P. : Pour l’instant, nous assurons seuls la liaison avec Le Havre, via notre filiale OSR. Mais nous sommes ouverts à toute coopération avec Fret SNCF ou d’autre entreprises ferroviaires. En Allemagne aussi nous sommes ouverts à toute discussion. On collabore déjà avec des confrères dans plusieurs pays. Ce que l’on veut, c’est agir vite pour être compétitifs. Et notre vrai concurrent, c’est le camion, pas les autres opérateurs ferroviaires.
 

ATL : La Commission européenne affiche depuis plusieurs années cette même ambition de report modal, sans grand succès. Comment parvenez-vous à rester optimiste ?

G. P. : C’est vrai qu’il existe encore de nombreux obstacles pour le fret ferroviaire en Europe : des gestionnaires d’infrastructures pas encore très orientés clients, des systèmes de sécurité disparates d’un pays à l’autre, etc… Mais parallèlement, on se rend bien compte qu’il existe un véritable enjeu économique et sociétal. Le fret ferroviaire a de toute évidence un rôle majeur à jouer pour lutter contre l’engorgement des infrastructures routières ou contribuer au dynamisme de l’industrie européenne. Notre optimisme est contagieux. Si on y croit, nos clients aussi…

 

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