Après deux ans d’intenses négociations, les institutions européennes ont adopté le 9 octobre dernier le règlement européen RefuelEU Aviation, qui fixe le plan de vol de la décarbonation du secteur aérien. Ce texte, lequel s’intègre dans le cadre de Fit for 55, le Pacte vert européen, fixe des mandats d'incorporation de carburants d'aviation durables (SAF) pour les vols au départ des aéroports européens. Le transport aérien représente aujourd'hui environ 4 % des émissions de CO2 dans le monde. De fait, les compagnies aériennes auront l’obligation d’intégrer, à partir de 2025, en moyenne 2 % de SAF dans le kérosène des vols en Europe et au départ de l'Europe, puis 6 % en 2030, 20 % en 2035, 34 % en 2040 et 42 % en 2045 pour un objectif final de 70 % d'incorporation en 2050.
50 % de carburants synthétiques en 2050
Ces carburants d’origine durables proviendront en grande majorité de biocarburants (obtenus à partir de matières organiques, à l'exception de ceux qui sont issus de l'alimentation animale et des cultures vivrières), mais aussi de carburants produits à partir de gaz résiduels et de déchets plastiques. A partir de 2030, ils devront également intégrer une partie de carburants synthétiques (ou e-fuels). Cette part sera de 1,2 % en 2030, puis 5 % en 2035 et 35 % en 2050. A cette date, ces carburants synthétiques, produits à partir de CO2 et d'hydrogène vert, représenteront alors la moitié des carburants durables en Europe. Notons que la France a réussi à imposer la possibilité d'utiliser de l'électricité d'origine nucléaire pour la production d'hydrogène bas carbone au même titre que les énergies renouvelables.
Une production de SAF probablement insuffisante
Ces objectifs ambitieux risquent de se confronter à un problème d’offre. Pour Matteo Mirolo, responsable de la politique d'aviation durable au sein de l'ONG Transport & Environment, la production prévisionnelle de SAF va s’avérer insuffisante : "compte tenu des prévisions de croissance du secteur, il n'est pas réaliste d'imaginer produire suffisamment de carburants verts pour tous ces vols". De plus le prix, 2 à 4 fois plus élevé que celui du kérosène, constitue également un frein.
L'ONG appelle ainsi à limiter la croissance du trafic afin d'éviter que le carbone issu du transport aérien ne continue de s'accumuler jusqu'en 2050. Les mêmes difficultés pourraient se poser sur la production de carburants synthétiques, puisque qu’elle devra absorber une grosse partie d’hydrogène vert. En cas de production insuffisante, l’arbitrage entre le transport routier et aérien sera vite donné à ce dernier, ce qu’appréhendent déjà certains constructeurs de poids lourds à l’instar du groupe Traton, qui préfère pour cette raison miser sur le camion électrique à batterie plutôt qu’à pile à combustible.