Dans le cadre de la liaison européenne Seine-Escaut, Seine-Nord Europe (SNE) est un nouveau canal de 107 km qui va être construit en France entre Compiègne et Aubencheul-au-Bac pour relier à grand gabarit (Vb) les bassins de la Seine et du Nord-Pas-de-Calais qui, lui, est connecté au réseau fluvial nord-européen.
Avec cette nouvelle infrastructure, il s’agit de relier et de constituer un grand corridor économique et écologique du transport fluvial depuis Le Havre jusqu’à Dunkerque et à la Belgique.
L’un des enjeux avec SNE est de développer le transport fluvial avec des bateaux d’une longueur allant jusque 185 m et jusque 11,40 m de large pouvant emporter jusqu’à 4 400 t de marchandises, en massifiant les flux ce qui doit permettre de baisser les coûts de transport.
Un autre enjeu de SNE est de permettre aux ports maritimes français, belges, aux ports intérieurs multimodaux du réseau fluvial, de mieux structurer leur hinterland pour être plus efficace et faire de la logistique à la fois écologique et économique pour desservir les grandes métropoles de Paris, Lille ou Bruxelles.
Concrètement, sur ces premiers kilomètres en partant de Compiègne, le canal s’inscrit dans la vallée de l’Oise puis devient « un canal de jonction » qui relie deux bassins fluviaux au moyen des écluses qui permettent de franchir le relief des territoires traversés. Il passe par les plaines de Picardie, l’Artois et atteint le Cambrésis au niveau d’Aubencheul-au-Bac.
Il est une voie d’eau qui fait près de 60 m de large et une profondeur d’eau de 4,5 m avec des ouvrages de rétablissement routiers et ferroviaires « classiques » mais aussi d’autres plus exceptionnels comme des ponts-canaux. Il compte des écluses (au nombre de 6 ainsi qu’une écluse permettant la jonction avec le canal du Nord) dont certaines de haute chute, c’est-à-dire de plus de 20 m mais aussi des quais au niveau des ports intérieurs, des quais de desserte (proches de silos céréaliers ou pour des activités industrielles), des équipements pour le tourisme (plaisance, croisière), un bassin réservoir pour l’approvisionnement en eau du canal en période de basses-eaux de l’Oise.
La société du canal Seine-Nord Europe (SCSNE) en est le maître d’ouvrage et en confiera la gestion à Voies navigables de France à la fin de la décennie. En avril 2020, la SCSNE est devenu un établissement public local piloté par les collectivités territoriales (région Hauts-de-France, départements du Nord, de l’Oise, du Pas-de Calais, de la Somme) qui disposent désormais de la majorité des sièges au conseil de surveillance. L’Etat et l’Union européenne sont membres de cette instance.
La SCSNE, en tant que maître d’ouvrage, est responsable de la construction du canal. Son rôle est aussi de favoriser le développement économique lié à cette nouvelle infrastructure. Elle assure le pilotage des études, les concertations avec les parties prenantes, la préparation des dossiers d’autorisation et des marchés qui permettent de choisir les entreprises qui réaliseront le canal. Elle emploie actuellement une soixantaine de personnes basées à Compiègne et à Lille.
Les travaux préparatoires ont commencé
L’une des dernières avancées pour la réalisation du futur canal dans le cheminement administratif que connaissent tous les grands projets d’infrastructures est la publication, le 8 avril 2021, de l’arrêté valant autorisation environnementale pour le secteur 1. Celui-ci concerne la partie sud du canal et s’étend sur 18,6 km depuis la confluence (Compiègne) entre l’Oise et l’Aisne jusqu’à Passel. « C’est le feu vert pour démarrer les travaux », a souligné Pierre-Yves Biet, directeur partenariats territoires Europe de la SCSNE, lors de l’assemblée générale de l’Alliance Seine-Escaut le 21 septembre 2021.
Depuis mai 2021, sur ce secteur 1, les travaux préparatoires ont donc commencé pour la réalisation de giratoires, de quais, de ponts (RD 66 et RD 40). Ils comprennent aussi un rescindement de l’Oise à Montmacq et de la libération d’emprise principalement par déboisement. C’est en 2022 que débuteront les travaux pour l’infrastructure elle-même (excavation des terres, terrassement, construction des ouvrages d’art, etc.) et s’achèveront en 2027.
Les aménagements écologiques compensatoires, entamés en 2017 à Bienville avec la plantation de 3 800 arbres sur environ 5 ha, se poursuivent. En mars 2021, plus de 6 500 plants ont été installés sur une parcelle de 5,4 ha à Chiry-Ourscamp.
© Photo CM
Le long du futur canal Seine-Nord Europe, 700 ha d’aménagements écologiques sont prévus avec lesquels il s’agit « d’éviter, réduire et compenser les effets sur l’environnement » de la future infrastructure. En plus de la plantation d’arbres, ces aménagements prévoient l’installation de haies, la restauration de zones humides ou de prairies sèches. Ce programme, entamé donc avant le lancement de la construction du canal en lui-même, va se dérouler jusqu’à sa livraison en 2028.
Parallèlement à ces travaux, qui commencent à marquer la concrétisation de l’infrastructure dans les territoires du secteur 1 où fleurissent les panneaux « Ici le canal Seine-Nord se construit », la SCSNE conduit un travail de concertation et de communication « pour l’appropriation du projet par les habitants, les acteurs économiques, les élus, les forces vives, la profession agricole… pour qu’il devienne un outil de développement », indique Pierre-Yves Biet.
« Le projet a passé un grand nombre de décisions et d’étapes politiques, financières, ce qui est essentiel. Mais sur le terrain, il faut continuer à expliquer et répondre à des questions sur le projet dont beaucoup entendent parler depuis des années et sur lequel l’incertitude a plané longtemps. Dans les esprits, cela change car le canal devient concret, il y a une prise de conscience. Nous faisons un canal pour des retombées concrètes, positives, économiques, sociales pour tous. C’est un travail en profondeur pour s’assurer que les territoires nous suivent, participent pour ensuite élargir et aller vers une intégration des acteurs économiques ».
Ce travail concerne le secteur 1 mais aussi les trois autres, le n° 2 (de Passel à Allaines), le n° 3 (de Allaines à Etricourt-Manancourt), le n° 4 (de Etricourt-Manancourt à Aubencheul-au-Bac). Sur ces trois secteurs, c’est aussi la phase des études d’avant-projet depuis 2020 et où la concertation permet de préciser le projet avec les territoires. Les travaux y commenceront en 2023 pour s’achever au printemps 2028.
Un projet financé
La signature de la convention de financement entre toutes les parties prenantes le 22 novembre 2019 à Nesle a validé les engagements des parties prenantes pour le projet dont le coût total est de 5,118 Md€ courants. Ce document confirme un financement de l’Union européenne de 2,1 Md€ (soit 40 %), de 1,1 Md€ chacun pour l’Etat et les collectivités territoriales, et un « emprunt de bouclage » de 800 M€ qui sera contracté vers la fin du chantier par la SCSNE et garanti par les collectivités territoriales. « Il sera assis sur une taxe nationale à assiette locale incitant au report modal » dont les modalités vont être discutées pour une mise en œuvre dans les dernières années de réalisation du canal.
Autre signe fort qui date lui aussi de 2019 : « l’acte d’exécution » (Implementing Act) signé par la Commission européenne le 27 juin de cette année-là et précise les étapes d’achèvement des différentes sections de la liaison Seine-Escaut jusqu’à son ouverture complète, formalisant l’engagement de l’Union européenne. Pour celle-ci, le projet contribue à atteindre les objectifs économiques, sociaux et environnementaux fixés à l’horizon d’achèvement du réseau central européen en 2030.